Entente cordiale entre le gouvernement et Ivanhoe sur la mine de Kamoa

Le malentendu a été dissipé entre l’exécutif et la firme canadienne autour du gisement présenté comme le plus important au monde. Les cartes ayant été redistribuées, il va falloir chercher des capitaux frais en vue de l’exploitation. 

Des containers au port de Matadi.
Des containers au port de Matadi.

Après s’être attiré les louanges de toute l’industrie minière pour la découverte en 2007, de la mine de cuivre et de cobalt de Kamoa, au Katanga, près de Kolwezi, le plus difficile est à venir pour Ivanhoe Mines Ltd. L’exploitation de la mine de Kamoa, considérée comme l’une des plus grandes découvertes minéralogiques au monde, va nécessiter des capitaux importants. Robert Friedland, le patron de cette compagnie, en est conscient. Sauf imprévu, il a annoncé le début de la production à Kamoa pour 2018. Le coût est estimé à 1,4 milliard de dollars. Un compromis a été trouvé avec le gouvernement, qui avait revu à la hausse ses prétentions dans l’actionnariat de Kamoa SA de 5% non diluables (comme le prévoit le code minier) à 20%. Pour le gouvernement, c’est du patriotisme économique, tandis que l’opérateur minier y a vu une entorse au bon climat des affaires.

La partie congolaise s’appuyait sur une sorte de gentleman agreement signé avec la société Ivanhoe Mines Ltd. La validité juridique de cet accord a été mise en mal par cette société, évoquant sa révocation par l’État lui-même, selon Robert Friedland. Outre la question du statut final de l’actionnariat de la mine de Kamoa,  le géant minier canadien a buté sur le problème du financement de la phase de développement de sa pépite qui a fait beaucoup d’envieux. Kamoa, qui a la taille de la ville de Londres, contient par endroits des teneurs exceptionnelles en cuivre (plus de 10%) dont aucune mine au monde ne peut se prévaloir. En République démocratique du Congo, seule la mine géante de Tenke-Fungurume, filiale de l’américain Freeport Mc Moran, peut rivaliser avec Kamoa. Tenke-Fungurume Mining, premier producteur de cuivre du pays, avec une production de plus 220 000 tonnes par an, a des réserves estimées à plus de 20 millions de tonnes. À Kamoa, c’est pratiquement le double des réserves non encore actualisées de TFM, avec plus de 40 millions de tonnes.

De l’huile sur le feu

N’ayant pas les moyens pour financer l’exploitation de sa mine, Ivanhoe Mines Ltd a jugé bon de céder, en mai dernier, au chinois Zijin 49,5% des actions dans Kamoa Holdings, qui contrôle 95% de Kamoa SA. Les 5% restants sont détenus par l’État. Avec cette opération, Ivanhoe a pu récolter 412 millions de dollars. De quoi financer largement les travaux de développement de sa mine. Cet accord a déplu fortement au gouvernement car les négociations entre les deux parties sur la configuration finale de la structure capitalistique de la mine n’avaient pas encore abouti. Pris de court par cette transaction financière, le gouvernement avait fait part de son opposition à Ivanhoe. Enfin, un accord a été signé. Aux termes de celui-ci, l’État a obtenu 20% dans Kamoa SA contre des avantages fiscaux et douaniers à déterminer plus tard.

L’accord a été dévoilé, le 15 octobre, par Mark Farren, vice-président exécutif chargé des opérations à Ivanhoe Mines-RDC, lors de sa présentation à l’IPAD, la grand-messe annuelle des opérateurs miniers du pays. Ivanhoe Mines Ltd détient Kamoa SA via  Kamoa Holding qui est détenu à parts égales par lvanhoe Mines Ltd (49,5%) et Zijin Ltd (49,5%).  Le 1% pour cent restant est détenu par le milliardaire chinois Hon So, après le paiement de 8 millions de dollars. Le contexte international morose, du fait de l’essoufflement économique de la Chine, principal consommateur mondial de cuivre, n’effraie nullement les dirigeants d’Ivanhoe Mines-RDC. Son directeur général, Louis Watum, a souligné que la baisse des cours des matières premières observée est normale, car le secteur minier est toujours caractérisé par un cycle. C’est la fin d’un cycle de hausse pour un autre de baisse. « Pendant que les prix sont bas, le temps est venu d’investir et de trouver les moyens d’améliorer nos fonctionnements opérationnels respectifs afin de rester compétitifs », a-t-il ajouté. Avec la tonne de cuivre autour de 5 000 dollars, Louis Watum estime que la réponse est dans la réduction des coûts de production. Mais il croit en un rebond des cours des métaux de base. C’est pourquoi, a-t-il dit, l’IPAD va investir pour produire au plus bas coût possible à l’aide de la technologie la plus moderne. Ivanhoe Mines Ltd a aussi une autre mine de classe mondiale, le projet Kipushi, qu’il détient concurremment avec l’État à hauteur de 68% pour le canadien et 32% pour l’Etat à travers la Gécamines. Kipushi est une mine à forte teneur de zinc (11%) et de cuivre (7%).

Pour une fiscalité « intelligente »

En ce temps de basse conjoncture pour les matières premières, un ajustement fiscal minier est de mise. Chacun doit jouer son rôle, estime l’ancien directeur général de la Mine d’or de Kibali, filiale du sud-africain Rangold Ressources. « L’État doit faire preuve de plus de  souplesse dans sa façon de taxer les entreprises minières. Elles ne peuvent être taxées de la même façon que lorsque les cours des métaux de base étaient élevés », plaide Louis Watum. D’après lui, le gouvernement doit adopter une fiscalité intelligente pour réduire l’impact sur l’industrie minière de la baisse drastique des cours des matières premières. « L’industrie minière doit être préservée et promue, car c’est le moyen le plus sûr et le plus rapide d’atteindre le statut d’économie émergente. Des projets miniers profitables à toutes les parties (État, miniers et société civile) vont propulser la RDC dans le club fermé des économies émergentes », souligne-t-il.

Valeur ajoutée

Les mines amènent avec elles l’énergie, les routes, les écoles et les hôpitaux. Ivanhoe a commencé la construction d’une grande usine moderne de cuivre, car le gisement de Kamoa contient 739 millions de tonnes de minerai à 2,67% de cuivre comme ressources prouvées (ou mesurées) et 227 millions de tonnes de minerai à 1,96% de cuivre comme ressources présumées. L’usine sera alimentée par du cuivre de très haute teneur qui proviendra de la mine souterraine, pas dans ses bas-fonds mais à sa surface (haut-fond). Avec cette quantité de minerai de cuivre, l’usine de Kamoa produira près de 300 000 tonnes par an. C’est le tiers de la production actuelle de cuivre du pays. Dans un premier temps, la fonderie de Kamoa aura une capacité de concentration de 3 millions de tonnes par an pour une production annuelle de 100 000 tonnes de cuivre. Par la suite, l’usine sera agrandie pour porter sa capacité annuelle de concentration à 8  millions de tonnes de minerai. Assurément, Kamoa sera l’une des plus grandes usines de raffinage de cuivre au monde. Mais il y a beaucoup d’obstacles à surmonter avant d’en arriver là. Le premier est l’absence d’énergie. Le directeur général d’Ivanhoe demande la construction de nouvelles infrastructures nouvelles de production d’énergie. Mais, à court terme, la solution passe par la réhabilitation des infrastructures existantes ou l’achat de l’électricité dans les pays voisins, pense Louis Watum. C’est ainsi qu’Ivanhoe a conclu un accord avec la Société nationale d’électricité (SNEL) pour la modernisation des centrales Mwadingusha, Koni et Nzilo 1.

Des obstacles à surmonter

L’objectif est de récupérer au moins 150 mégawatts. L’autre obstacle, ce sont les infrastructures de transport. Kamoa SA veut utiliser la voie ferrée pour l’approvisionnement et l’évacuation de son produit. Il faut absolument réhabiliter le chemin de fer Kolwezi-Dilolo (frontière RDC-Angola) qui débouche sur le port de Lobito, en Angola. Ivanhoe va s’impliquer dans la construction d’une  ligne de chemin de fer reliant Kolwezi à Kamoa. Autres défis : la sécurisation des zones minières menacées par une activité artisanale sauvage. « L’État doit sécuriser les zones minières à haut potentiel minéralogique. Sinon, elles risquent de connaître une stérilisation et, partant, compromettre la croissance économique potentielle à long terme. Il faut que l’État trouve d’autres solutions en termes d’emplois pour les artisanaux. Leur activité ne doit en aucun cas être tolérée sous prétexte de la réduction du chômage », insiste Louis Watum. La présence d’hommes armés incontrôlés dans les zones minières accroît l’insécurité. Cette insécurité physique ajoutée à l’insécurité juridique avec la possible révision du code minier font peser une véritable hypothèque sur l’industrie  minière congolaise. Pour attirer de gros investissements, la stabilité des bénéfices offerts aux investisseurs, comme la transparence et les facilités fiscales sont nécessaires au développement du pays.