Le gouvernement peine à neutraliser des services illicites aux postes frontaliers

Plus de trois mois après la décision du gouvernement de nettoyer les postes frontaliers de tous les services non autorisés ou « illégaux », les opérateurs économiques dans l’Est et dans le Sud-Katanga, disent n’avoir rien vu de changé. 

 

Fin 2017, à l’issue de la 6è réunion ordinaire du conseil des ministres, le gouvernement avait reconnu, selon son porte-parole et ministre des Médias et de la Communication, Lambert Mende Omalanga, que « des résistances » étaient encore été observées ici et là quant à l’application de l’ordre opérationnel limitant à 4 le nombre des services devant intervenir aux postes frontaliers. Il a rassuré que « des mesures réglementaires et pratiques ont été adoptées par le conseil des ministres pour y pallier ». Mais plus de trois mois après, l’application intégrale du décret n°036/2002 du 28 mars 2002 désignant les services habiletés à œuvrer aux frontières se heurte encore et toujours à des services de… sécurité.

Selon des sources à la Direction générale des douanes et accises (DGDA), il s’agit notamment des éléments se présentant comme de l’Agence nationale de renseignement (ANR), des éléments des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) dont ceux de la Garde Républicaine, etc.

Informatisation des postes douaniers

Pourtant, selon le ministre des Finances, Henri Yav Mulang, au niveau réglementaire, des décrets, arrêtés interministériels et ministériels ainsi que des circulaires ont été signés en vue d’assainir l’environnement des affaires aux postes frontaliers ainsi que de disponibiliser un site web au sein de la DGDA pour fournir au public les renseignements nécessaires sur les opérations de douane et d’accélérer l’informatisation des services de douanes aux frontières, jusqu’à 95 % à travers le pays.

Mais dans la pratique, ces dispositions n’ont pas encore donné les effets attendus sur terrain, particulièrement dans les postes frontaliers de l’Est (Mahagi, Kasindi…) où, bien souvent, selon les propres dires du directeur général de la DGDA, Deo Rugwiza, sortent et entrent des camions remplis de diverses marchandises sous escorte des éléments lourdement armés des forces de sécurité. La non-application de l’ordre opérationnel limitant à quatre le nombre des services pouvant intervenir aux postes frontaliers a une incidence négative sur les recettes des services de douane, d’après la direction générale de la DGDA.

En 2016, en dépit de 28 mesures économiques urgentes levées par le gouvernement impliquant notamment la douane, la DGDA n’avait atteint que 76,9 % de ses assignations, soit 141 2 246 000 000 FC réalisés sur des prévisions de 1 835 577 888 634 FC. En 2017, selon les chiffres officiellement disponibles, les recettes des douanes et accises à fin juin 2017 étaient de 615,6 milliards de FC contre une prévision linéaire de 1.264,7 milliards de FC, soit 48,7 % de taux de réalisation.

Mais, selon les projections des experts du ministère des Finances, les recettes de la DGDA devraient se situer, à fin décembre 2017, à quelque 1.311,9 milliard de FC, soit 51,9 % de réalisation alors que les attentes de l’État étaient de 2.529,4 milliards de FC.

Port d’arme pour la brigade douanière 

Pour l’exercice 2018, les assignations de la DGDA sont de l’ordre de 2.550,3 milliards de FC. Elles connaissent un léger taux d’accroissement de 0,8 % par rapport à celles de 2017. Mais 51.9 % de ces potentielles recettes proviendraient  des droits de douane et autres droits à l’importation (31,6 %) ainsi que des droits d’accises (20,3 %) contre 47,5 % pour des impôts généraux sur les biens et services (47,5 %) et 0.5 % des taxes à l’exportation et des amendes. Cependant, de l’avis des experts maison, tant que l’ordre institutionnel ne sera pas rétabli dans les postes frontaliers et postes frontière, la DGDA aura du mal à atteindre ses assignations.

Par ailleurs, selon des sources généralement bien informées, la douane a réitéré sa demande d’antan inhérente à la mise en œuvre effective de la mesure relative au port d’arme au profit de la brigade douanière dans le cadre du renforcement de l’application du décret n°036/2002 du 28 mars 2002 désignant les services habiletés à œuvrer aux frontières. Pour l’instant, le gouvernement préfère la carotte : campagnes de sensibilisation, rappels à l’ordre des services réfractaires, etc.  Toutefois, le gouvernement s’est aussi engagé à organiser des missions de contrôle mixtes entre la Direction générale des impôts (DGI) et la DGDA afin de faire la lumière sur l’origine des produits vendus sur le territoire national ainsi que le renforcement de contrôle de destination de mise en œuvre des marchandises exonérées. Il sera notamment question de faire le suivi électronique des cargaisons grâce à une application de COMESA. La mise en place de la phase expérimentale devait s’effectuer l’an dernier sur le tronçon Kongo-Central -Kinshasa. Elle se fait encore attendre. Tout comme le suivi de régularisation des déclarations incomplètes ainsi que la mise en œuvre des programmes de sécurisation des frontières dont Kasumbalesa sur le corridor zambien, Kasindi dans l’Est sur la frontière ougandaise et, naturellement, Lufu.