Le jour où François Mitterrand annonça sa mort imminente

C’est Jacques Attali qui le confie à Catherine Schwaab dans Paris Match (n°3550 daté du 1er au 7 juin). Ce fut fin octobre 1981, il faisait déjà nuit, le candidat socialiste, élu Président de la République française en mai, convoque dans son bureau de l’Elysée ses trois proches collaborateurs… 

Les trois privilégiés en question, raconte Jacques Attali, ce sont : outre lui-même, « le conseiller et l’ami proche » ; André Rousselet, le chef de cabinet ; Pierre Bérégovoy, le futur 1ER Ministre de François Mitterrand. Les ayant reçus dans son bureau de l’Elysée, François Mitterrand leur annonce sans préambule : « Je vais mourir avant la fin de l’année. Prenez vos dispositions. » Assommés par une telle annonce, tous les trois proches collaborateurs du président Mitterrand se sont retrouvés dans le bureau de Jacques Attali.

Jugez-en vous-mêmes à travers son récit : « Prendre nos dispositions ? » Mitterrand a 65 ans. Bien sûr, il a pris la peine de nous préciser que « cette information est absolument secrète ». J’apprendrai plus tard qu’il a été ausculté par un ami proche que je lui avais conseillé, le Professeur Steg. Lors de deux voyages, au Mexique et au Caire, je l’ai vu en effet si fatigué, avec des douleurs dans le dos, que je lui ai suggéré de se faire examiner par ce médecin. Plus tard, Steg me confiera lui avoir dit qu’il lui restait un an à vivre.

Mitterrand a compris qu’il allait mourir dans l’année 1981, pas dans les douze mois. De fait, son organisme montre de très nombreuses métastases réparties dans plusieurs organes. En réfléchissant, je réalise que la maladie s’est déjà fait sentir lors de nos habituelles parties de tennis. Depuis 1974, nous jouons tous les mardis à 11 heures. Fin 1980, il est tombé sur le court, tenaillé par une douleur lancinante. Affolé, je m’apprête à appeler une ambulance. « Surtout pas, me dit-il. Un taxi, je rentre chez moi. C’est une sciatique… » En fait, son cancer commençait à se manifester. Après le verdict du professeur Steg, Mitterrand me lâchera, au détour d’une conversation évoquant son élection, que « c’est quand même râlant d’en arriver là. Tout ça pour si peu de temps ! »

Les semaines, les mois passent… et Mitterrand ne meurt pas ! Évidemment, il est délicat d’aborder le sujet avec lui. C’est lors d’un de nos parcours de golf que j’oserai « la » question : « Vous allez bien ? » Réponse : « Je vais très bien ! Ces imbéciles de médecins se sont trompés ! » De fait, ses métastases – bien réelles – ont régressé ! C’est miraculeux. Sa prostate sera traitée durant toutes ces années sous la houlette du professeur Steg. Mais, après sa mort, mon ami insistera : ce n’est pas le traitement qui a réduit les métastases ! Mitterrand croyait aux forces de l’esprit ».