Le nouveau visage de Gécamines

La société minière publique est désormais toutes voiles dehors. Son management a décidé de jouer à fond la carte de la transparence tous azimuts et de rendre compte, à intervalle de temps, des progrès accomplis en matière d’organisation et de gestion, dont les effets se traduisent dans la production.

PENDANT que des ONG internationales se font l’écho des infox (fausses informations) dont il est la cible, le conseil d’administration de la Générale des carrières et des mines (GECAMINES), présidé par Albert Yuma Mulimbi, le même, maintient le cap du renouveau. Petit à petit, la société minière publique retrouve les rivages de la sérénité. Il y a 9 ans, le mastodonte, avec un personnel pléthorique, un chiffre d’affaires en-deçà du seuil de rentabilité, était en situation de quasi faillite. Il a fallu donc impulser un élan de relance de la production.

Pour le visiteur qui débarque au site minier de Kamatanda et aux usines de Shituru (Panda) dans la ville de Likasi, la deuxième en importance de la province du Haut-Katanga, à quelque 120 km de Lubumbashi, le chef-lieu, les installations, vestiges de l’époque de l’Union minière du Haut-Katanga (UMHK), ce nouvel élan est une réalité d’évidence. Le conseil d’administration de Gécamines peut se vanter d’une telle performance. Jacques Kamenga Tshimuanga, le directeur général de la société, en parle avec les mots qu’il faut pour le responsable qu’il est. 

Pour lui, l’époque de l’UMHK et de Gécamines d’antan est révolue. C’est de l’histoire ancienne. N’en déplaise aux « nostalgiques » qui distillent dans l’opinion un discours « passéiste » et « mélancolique ». « Si l’on veut reconstruire un champion national, cela ne pourra se faire qu’en acceptant d’oublier l’ancienne Gécamines, celle qui, dans les faits, n’existe plus depuis près de 20 années, depuis la libéralisation du secteur minier et la cession de la quasi-totalité de nos titres miniers à des joint-ventures, et en accompagnant les efforts entrepris pour créer une nouvelle Gécamines, enfin en phase avec son nouvel environnement », explique Jacques Kamenga.

Malgré tout, un bel avenir

Une nouvelle Gécamines. L’expression est lâchée. Nous sommes descendus à la mine de Kamatanda et aux Usines de Shituru à Likasi, où se joue désormais l’avenir de Gécamines. Ici, les installations nous rappellent que le site minier est né au début du siècle dernier. Le sol est devenu noirâtre à force de recevoir les nombreux engins. La production du cuivre cathodique de très bonne qualité (99,98 %) a un goût si particulier pour la société minière publique. En effet, la dernière fois que Gécamines a produit la cathode de cuivre remonte à 1989 à Luilu (Kolwezi).

Pendant que nous poursuivons au pas de charge notre visite, d’utiles explications nous sont apportées par des responsables techniques. Le DG de la société souligne qu’avec la production de la cathode de cuivre, Gécamines est redevenue un producteur de cuivre en s’alignant aux standards internationaux. « Cet aboutissement qui est le prélude d’un certain nombre d’autres, est le fruit de la décision stratégique du conseil d’administration de refaire de Gécamines une entreprise minière de premier rang », poursuit-il.

La stratégie du management de la société est sous-tendue par trois piliers, simples mais majeurs. Il s’agit de redévelopper un outil minier en propre répondant aux meilleurs standards, rééquilibrer les partenariats et enfin reconstruire une organisation adaptée à la concurrence internationale. 

En matière de redéveloppement d’un outil minier en propre, déclare Jacques Kamenga, Gécamines a dû prendre des « décisions difficiles » (impopulaires) ayant attiré des injures et des menaces, voire de mort, dont le conseil d’administration est encore la cible. Quelles décisions ? « Certaines installations ont été purement et simplement fermées, comme les concentrateurs de Kambove (KVC), de Kolwezi (KZC) et les Usines métallurgiques de Kolwezi, alors que d’autres ont nécessité des gros investissements pour leur modernisation, à l’image de la salle d’électrolyse des Usines métallurgiques de Shituru », évoque le DG de Gécamines. Et d’ajouter : « Le conseil d’administration a alors décidé de focaliser les investissements dans les unités opérationnelles de la filière allant des mines de Kamfundwa et Kamatanda jusqu’aux Usines de Shituru qui est la seule opérationnelle à ce jour. »

Les progrès déjà accomplis

Ces investissements se sont notamment traduits, depuis quelques années, par, premièrement, la certification et la relance opérationnelle des mines de Kamatanda et Kamfundwa. Elles permettent aujourd’hui à Gécamines de disposer d’un potentiel minéral certifié et d’envisager l’avenir avec plus de sérénité. 

Deuxièmement, l’installation d’un concentrateur gravimétrique à Kamfundwa (HMS) en 2013. Montage financier : 23 millions de dollars. Cet équipement que d’aucuns présentent comme « un outil en ruines, onéreux et inutile », permet aujourd’hui d’alimenter en concentrés les Usines de Shituru.

Troisièmement, l’installation d’une usine de concassage à Kamatanda, opérationnelle depuis le début de cette année. Coût de l’opération : 17 millions de dollars. Ici, les minerais broyés alimentent l’Unité de lixiviation en tas de Panda (Heap Leach de Panda), qui achemine à son tour par pompe la solution contenant du cuivre vers la salle d’électrolyse des Usines de Shituru, où sont produites les cathodes de cuivre High Grade.

Quatrièmement, l’implémentation des trois Unités de lixiviation en tas (Heap Leach) à Shituru en 2015, Kamfundwa en 2017 et Panda en 2019. Coût global : 19 millions de dollars. Et cinquièmement, l’installation d’une Unité d’extraction par solvant (SX), opérationnelle depuis le début de cette année. Très bientôt (en mai), une nouvelle salle d’électrolyse sera opérationnelle à Shituru. Coût : 46 millions de dollars…

Grâce à la mise en service du SX, ces deux installations permettent aujourd’hui aux Usines de Shituru, d’une part, de produire des cathodes de cuivre High Grade (99,98 %), qui ne sont plus l’objet de décote de qualité ayant privé Gécamines d’une partie de ses revenus, sous prétexte des impuretés contenues dans le cuivre produit.

Par ailleurs, la nouvelle salle d’électrolyse dispose désormais d’une capacité de production annuelle maximum de 57 000 tonnes de cuivre (contrairement à la fausse information véhiculée qui continue à lui attribuer une capacité annuelle de 130 000 tonnes qu’elle avait atteintes il y a bien longtemps). Pour rappel, les Usines de Shituru ont été construites dans les années 1920. « Le fait qu’elles tournent encore partiellement relève déjà d’un exploit en soi », fait remarquer le DG de Gécamines.

Qui insiste : « Tous ces investissements sont aujourd’hui arrivés à maturité, notamment grâce à une accélération forte de la mobilisation de nos ressources financières en 2017 et 2018, années au cours desquelles plus de 52 millions de dollars ont été affectés à ces projets. » La Business-Unit de Shituru, structurée autour des mines de Kamatanda et Kamfundwa ainsi que des Usines de Shituru, permettra de produire au départ 40 000 tonnes de cuivre par an de manière régulière et qui iront certainement à la hausse progressivement, après la certification en cours des nouvelles réserves sur les deux mines. 

« Ce sera donc un premier grand pas pour Gécamines de produire en propre à nouveau 40 000 tonnes de cuivre, de loin supérieures au pic de 25 000 tonnes que la société (minière publique) produisait annuellement depuis une vingtaine d’années et surtout jamais deux années de suite. Cette première étape de production de 40 000 tonnes et qui en appellera d’autres certainement, marquera le retour de Gécamines comme un vrai acteur minier, engagé durablement dans son redressement et maîtrisant seule son destin », pose Jacques Kamenga sous forme de défi à relever par le management de la société.

Électricité : le tendon d’Achille de l’industrie minière au Katanga

L’avenir de l’industrie minière nationale est intimement lié à la fourniture de l’énergie en rapport avec les besoins du secteur. Or, il s’observe une pénurie chronique d’électricité, du fait de l’incapacité de la Société nationale d’électricité (SNEL). Gécamines affiche son ambition de devenir le plus gros producteur d’énergie de la région pour se fournir elle-même et fournir ses partenaires. 

Le marché est désormais libéralisé, tout le monde peut installer des centrales, fait valoir Albert Yuma Mulimbi, le président du conseil d’administration de Gécamines. Des contacts ont été établis avec Siemens sur un mégaprojet d’une centrale thermique à charbon de 500 mégawatts en deux tranches de 250 MW à proximité de Kolwezi. Si elle venait à être réalisée, la centrale utiliserait du charbon des mines de Gécamines pour alimenter notamment en électricité les installations à Deziwa. Mais Gécamines n’exclut pas non plus la possibilité de récupérer ses barrages (toutes les centrales du Katanga appartenaient à Gécamines) dont la gestion a été confiée à la SNEL en 1974. Juridiquement, leur propriété n’avait pas été transférée à la SNEL.