Le pari est engagé par la CIB, filiale depuis 2011 du groupe singapourien Olam, le géant asiatique du négoce en produits agricoles.

Le Congo ayant été exportateur de cacao entre 1950 et 1980, avec une production record de 2 500 tonnes de fèves en 1977, qui s’est écroulée à 841 tonnes en 1986, le pari est tenable. Ce n’est toutefois pas en cavalier seul que la Compagnie industrielle des bois (CIB), entreprise dont le métier au Congo est l’exploitation forestière et la transformation du bois, tente l’aventure du cacao. L’État l’accompagne. La CIB et le ministère de l’Agriculture et de l’Élevage ont, en effet, signé en juin 2012 un protocole d’accord pour la relance de la culture, qui démarre dans le nord du pays. Dans ce partenariat public-privé (PPP), chaque partie y trouve son compte. Olam renforce, via le Congo, sa présence dans l’un des grands produits agro-industriels qu’elle commercialise, tandis que l’État congolais trouve dans ce deal l’occasion de diversifier les bases de l’économie du pays.

La CIB est en pole position, mais d’autres partenaires sont possibles. D’autres partenariats ne sont pas à exclure, l’important étant de partager les risques. De toute façon, quel que soit le partenaire, l’objectif est de redynamiser une culture qui peut rapporter à l’État, augmenter les revenus des petits producteurs, améliorer la qualité de vie en milieu rural et lutter contre les changements climatiques. De sa splendeur passée, la cacao-culture congolaise a encore de beaux restes. “Le potentiel est là. Le Congo dispose de 5 000 hectares de plantations de cacao, plantées et productrices dans les départements de la Sangha, de la Likouala et de la Cuvette”, informe Jean-Dominique Bescond, responsable du développement du projet cacao à la CIB. Néanmoins, la production, principalement réalisée dans la Sangha, sa terre de prédilection, reste faible, estimée entre 700 et 1 000 tonnes par an. En outre, elle est comptabilisée dans les statistiques camerounaises, pour être évacuée via le Cameroun voisin.

La qualité du cacao congolais a été testée et des plants vont être financés par l’État. Après des tests concluants, réalisés à Amsterdam pour évaluer la qualité du cacao congolais, la relance de la filière a été engagée sur la base d’un programme, établi avec le ministère, qui comprend trois composantes : le verger productif, avec la mise en place de pépinières et de champs ensemencés ; la recherche-développement ; et, enfin, la valorisation et la durabilité de la culture. Pour concrétiser ce programme sur le terrain, l’État s’est engagé à financer, sur cinq ans, la production de 32 millions de plants qui seront cédés gratuitement aux producteurs afin de planter 30 000 hectares de cacao, dans huit départements. Une manière de susciter un engouement autour de la culture.

La CIB se donne les moyens de réussir

Pour sa part, la CIB a pris diverses mesures, dont certaines dirigées vers les producteurs pour les encourager à lui fournir leur récolte. “Nous avons engagé du personnel, distribué des crédits de campagne à quelque 400 producteurs, auxquels l’État a fourni du matériel aratoire, et nous avons réhabilité les trois magasins de l’ex-Office du café et du cacao que le gouvernement a mis à notre disposition”, indique J-D. Bescond. À l’actif de la CIB également, la formation de quelque 500 producteurs à la qualité, à la conduite d’une récolte, au séchage et au conditionnement. Et surtout la création d’une pépinière, située à Madiboungou, à 3 kilomètres de Pokola, dans le département de la Sangha. Une nécessité, le matériel végétal hérité du passé ayant vieilli.  Actuellement, quelque 300 000 plants de cacao hybride provenant de graines obtenues auprès de l’Institut de recherche agricole pour le développement de Yaoundé, au Cameroun, sont expérimentés dans cette pépinière. Ils devraient commencer à fleurir dès la deuxième année, produire dès la troisième et donner leur maximum vers la septième année. Selon Jean-Dominique Bescond, si les plantations de cacao sont menées dans le respect des itinéraires techniques préconisés, elles peuvent atteindre entre 750 kilos et 1,2 tonne de cacao marchand à l’hectare. Parallèlement à ces actions, les circuits de commercialisation sont en cours de réorganisation, avec l’établissement de sites d’achat à Goa, Sembé, carrefour de la boucle cacaoyère de la Sangha, Ngbala, près de la frontière du Cameroun, et Souanké. La prochaine étape devrait porter sur la structuration des cacaoculteurs. “Il faut les regrouper au sein de coopératives agricoles, adaptées à la culture du Congo. Il n’y a pas de grand pays exportateur de denrées agricoles sans association de producteurs”, insiste M. Bescond.

Dans cette filière, la Cib-Olam se positionne comme acheteur. Elle s’approvisionne directement auprès des producteurs, conditionne le produit et assure son exportation. “Le cacao est stocké dans des sacs de jute dans de bonnes conditions, puis acheminé à Pokola où il est conditionné avant d’être expédié à Pointe Noire. De là, il est évacué par bateau vers les lieux de transformation”, informe M. Bescond. Les clients ? Principalement des transformateurs, de grandes marques comme Nestlé ou Mars, etc. Si la première campagne d’achat réalisée par la CIB n’a porté que sur 72 tonnes de cacao, la deuxième a été plus concluante, permettant l’exportation de 400 tonnes de fèves vers Amsterdam via le port de Pointe Noire.