Le pétrole plonge après une embellie ayant suscité beaucoup d’espoirs

Coup dur pour les pays producteurs et exportateurs de pétrole. Les cours du baril ont amorcé la semaine dernière une courbe descendante pour se situer autour de 46 dollars. Jusqu’où ira cette « descente aux enfers » ?

Les nouvelles ne sont pas bonnes pour le pétrole sur le marché des matières premières. Les cours de l’or noir ont nettement chuté jeudi 4 mai alors que le marché tentait de se relancer depuis le mois de janvier. Quelles pourraient être les raisons de la nouvelle rechute des cours ? Mais pourquoi les dirigeants des grandes compagnies pétrolières se refusaient-ils à tout triomphalisme, ces derniers jours, en présentant des résultats pourtant excellents au premier trimestre ?

Tout simplement parce que les prix du brut sont plus volatiles que jamais et qu’après une remontée des cours ces cinq derniers mois, ils replongent de nouveau. Cette baisse a même effacé tous les gains engrangés depuis début décembre 2016, quand l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, la Russie et une dizaine d’autres producteurs ont décidé de réduire leur production de près de 1,8 million de barils par jour (sur une production totale de 95 millions) au premier semestre 2017 pour faire remonter les cours. À Londres, le Brent de la Mer du Nord a clôturé, vendredi 5 mai, en légère hausse à 49,25 dollars le baril, après être tombé quelques heures plus tôt, lors des échanges électroniques, à 46,64 dollars. Les analystes sont globalement pessimistes sur un rééquilibrage rapide des marchés pétroliers, attendus par les plus optimistes au second semestre. Plusieurs facteurs nourrissent leurs craintes, et toutes se focalisent sur la surproduction.

Une offre pléthorique 

Elle reste pléthorique pour plusieurs raisons. Depuis juin 2016, le nombre de plates-formes de forage à terre augmente à nouveau aux Etats-Unis, où la production globale a atteint 9,3 millions de barils par jour, son plus haut niveau depuis août 2015. Cette hausse est due au pétrole de schiste, dont de nombreux gisements sont devenus rentables avec un baril à 40-45 dollars, grâce à une amélioration constante des techniques d’extraction. En outre, ces projets à « cycle court » rapportent plus rapidement que les mégaprojets très gourmands en capitaux, qui ne commencent à générer du « cash » qu’au bout de dix ans.

Par ailleurs, deux pays membres de l’OPEP, dont le Nigéria, exemptés de réduction de production pompent davantage. Malgré l’absence d’actualité déterminante concernant l’or noir, les cours pétroliers se sont effondrés au plus bas de l’année, sur la lancée d’un mouvement de défiance entamé deux semaines plus tôt face à une offre toujours élevée. Le prix du baril de « light sweet crude » (WTI), référence américaine du brut, a cédé 2,30 dollars à 45,52 dollars à New York sur le contrat pour livraison en juin au New York Mercantile Exchange (Nymex), un niveau auquel il n’avait plus fini en clôture depuis novembre.

Accord sur la baisse

« Le marché s’écroule vraiment », a commenté Gene McGillian, de Tradition Energy. « Tant que l’on n’aura pas l’annonce d’un accord sur des baisses de production, les investisseurs vont tirer les cours vers le bas. » Les cours, sur une pente descendante depuis la fin avril, ont chuté encore plus brutalement, les investisseurs semblant attendre de plus en plus impatiemment l’annonce d’une prolongation des plafonds de production appliqués depuis janvier par de nombreux producteurs. Ces quotas, que s’imposent depuis janvier les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et des pays comme la Russie, ne sont actuellement censés courir que jusqu’à la mi-2017.

Par exemple, le prix du baril de Brent de la Mer du Nord, qui a pris 1,16 dollar à 56,24 dollars sur le contrat pour livraison en mars à l’Intercontinental Exchange (ICE), a chuté sous la barre de 50 dollars. Il a affiché 46 dollars. Les marchés pétroliers étaient en pleine reprise alors que les cours du pétrole avaient peiné à dégager une tendance depuis plusieurs jours, ils ont peu à peu accéléré, même si l’actualité ne fournissait guère d’arguments aux investisseurs. « L’impression générale, c’est que les réserves vont diminuer grâce à (…) la réduction de la production des membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole ainsi que de pays extérieurs », a avancé Andy Lipow, de Lipow Oil Associates, évoquant aussi de bonnes perspectives de demande à la suite de la vague de froid en Europe.  Toutefois, si les cours ont incontestablement profité depuis la fin 2016 des accords de baisse de l’offre entre grands pays producteurs, le marché pétrolier n’a pas particulièrement pris connaissance de nouvelles données sur le sujet. « Je ne vois aucune actualité en mesure d’avoir un gros effet sur le marché », a reconnu James Williams, de WTRG Economics.

Au contraire, l’actualité du milieu de semaine s’est révélée plutôt défavorable puisque, mercredi, le gouvernement américain a fait état d’une nette hausse hebdomadaire des stocks de brut. « Puisque ces mauvais chiffres sur les stocks américains n’ont pas tué le marché, les investisseurs optimistes en ont conclu qu’ils le rendaient plus fort », a ironisé Evans.

Pourtant, « on peut toujours craindre que la reprise de la production américaine (…) ralentisse le rééquilibrage du marché et que cela provoque un repli des cours à moyen terme », a-t-il prévenu. « Mais manifestement, ce n’était pas au programme aujourd’hui. » De fait, la production américaine donne des signes de réveil et les observateurs craignent de plus en plus qu’elle reparte franchement, les États-Unis n’étant pas impliqués dans les accords internationaux de baisse de l’offre.

À ce titre, plus encore que les chiffres du gouvernement sur les stocks, c’est le décompte des puits en activité qui inquiète les observateurs, le groupe privé Baker Hughes ayant annoncé un bond au plus haut depuis 2015. « L’activité des puits arrive à un niveau où l’on peut craindre une hausse de quelque 750 000 barils par jour (b/j) de la production cette année », a avancé M. Williams.  « Le pétrole de schiste américain reste la principale menace de baisse pour le marché. » Il s’étonnait en conséquence que les cours n’aient pas plongé après cet indicateur, même s’ils ont connu un petit coup de mou au retour. En fin de compte, « la capacité des prix du brut à remonter malgré des nouvelles négatives, qu’il s’agisse de la hausse du décompte des puits américains en activité ou de celle des réserves, montre bien que les investisseurs restent optimistes », a expliqué Fawad Razaqzada, de Forex.com.