Le port d’Ilebo, socle d’un projet multimodal du NEPAD

Considéré comme future plaque tournante du commerce en Afrique centrale, cette infrastructure portuaire, au centre de la RDC, est de nouveau opérationnelle. 

 

D’après le directeur du Département de la région Nord de la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC SA), Alfred Mato, la centrale thermique du port d’Ilebo a été réhabilitée et un collecteur géant empêche désormais et pour toujours l’avancée d’une tête d’érosion vers la plateforme portuaire d’Ilebo. La SNCC SA, gestionnaire du port, envisage dorénavant de l’exploiter à fond. Ilebo relie, en effet, Kinshasa à Lubumbashi, par eau et par voie ferrée. L’an dernier, la SNCC n’a acheminé que 30 000 t de marchandises, dont 25 000 t de maïs à Kananga à partir de Lubumbashi. Or, Ilebo ouvre également le pays à l’Ouest, Kinshasa, Matadi et bien au-delà, Pointe-Noire.

Ferroutage   

Pour le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD) transformé en agence panafricaine par l’Union africaine (UA), Ilebo sera l’une des futures plaques tournantes du business sur le continent. Ilebo, son port et son chemin de fer figurent, en effet, dans un projet de ferroutage du NEPAD. Ce projet consiste en la construction du pont de chemin de fer entre Brazzaville et Kinshasa, la connexion au chemin de fer Kinshasa-Ilebo et la construction d’une route, d’un pont de chemin de fer combiné et d’un poste d’arrêt unique à la frontière dont la ligne ferroviaire sera connectée à Lumbumbashi-Ilebo. Ce projet a, en effet, pour objectif  la création d’une liaison ferroviaire entre l’Afrique centrale et l’Afrique du Sud à partir de la République démocratique du Congo (Ilebo), le budget de son exécution se chiffre à 1,65 milliard de dollars. Les gouvernements de la République du Congo et de la RDC en sont les principaux sponsors, d’après un récent rapport du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique.

Partenariat public-privé

En janvier 2017, la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC) évoquait un montant de 400 millions d’euros pour la réalisation de la section du projet pont route -rail, y compris le poste frontalier unique. Et ce, en annonçant l’intention de la Banque africaine de développement (BAD) à débloquer 250 millions d’euros alors que les deux gouvernements s’apprêtaient à mobiliser 110 millions d’euros. Les 40 millions restants devraient provenir d’autres bailleurs surtout que le mode de financement est le partenariat public- privé.

Mais des voix s’élèvent de plus en plus pour que la RDC garde le leadership de ce projet qui a, en effet, placé sous la direction du Congo d’en face. Fin décembre 2017, lors de l’examen critique de la loi de finances 2018 sous la direction du REGED (Réseau gouvernance économique et démocratie), les organisations de la société civile ont recommandé au gouvernement de prévoir des prévisions budgétaires pour la construction à moyen terme de la ligne de chemin de fer Ilebo-Kinshasa afin d’orienter tout le transport des exportations des produits extractives vers l’embouchure du fleuve Congo (port de Matadi) afin d’éviter les énormes frais de transit.

Il sied également de rappeler que la RDC et l’Afrique du Sud ont conclu des accords de coopération fiscale et maritime – négociés du temps du régime de transition « 1+4 » et ratifiés en 2011. Par ces accords, les navires marchands sud-africains devraient formellement avoir libre accès dans les ports maritimes de la RDC dont Matadi et Boma. L’accord de coopération maritime prévoit également la collaboration entre les flottes de deux pays. Voilà qui, non seulement va relancer la flotte congolaise sur la voie de la modernisation, mais aussi ouvrir aux Sud-Africains la voie de l’arrière-pays, Kisangani, Bumba, Ilebo, etc. via notamment des contrats de sous-traitance. La concurrence s’annonce rude pour l’armement national public et privé.

Bassin du Congo 

Déjà, quelque 3 000 navires étrangers (estimation de la Régie des voies fluviales en 2005) pourraient déferler sur nos eaux intérieures du fait de la Commission internationale du Bassin du Congo-Oubangui et Sangha (CICOS). La Commission comprend, en effet, la RDC, le Congo, le Cameroun et la RCA. L’Angola qui dispose d’une des grandes flottes du continent, aurait également fait part de son intérêt pour la CICOS. Cette organisation se fonde notamment sur des traités internationaux datant du XIXème siècle, du temps où les puissances occidentales faisaient pression sur Léopold II afin qu’il ouvre le Bassin du Congo au commerce international.

Comme l’engagement a été pris, en toute souveraineté, il convient que l’État se prépare à ce rendez-vous du donner et du recevoir qu’est cet accord de coopération maritime entre la RSA et la RDC. Mais tous ces projets ne se réaliseront jamais sans stabilité dans l’espace Kasaï. Entre 2016 et 2017, la SNCC SA a été contrainte de suspendre sa rotation des trains courriers entre Lubumbashi et Kananga suite au climat d’insécurité dû aux menées subversives des miliciens de Kamwina Nsapu.

L’axe Lubumbashi-Kananga-Ilebo est pourtant la plus rentable du réseau SNCC SA. L’entreprise est dans un ambitieux projet d’acquisition progressif de 38 locomotives neuves de fabrication chinoise, dont 20 à acquérir sur fonds du gouvernement contre 18 sur financement de la Banque mondiale. Cette dernière soutient financièrement le gouvernement de la RDC dans le projet sectoriel, Projet de transport multimodal (PTM). Le bureau syndical de la SNCC SA fait du lobbying auprès de l’État, encore propriétaire unique de la société, pour disposer du monopole du transport des minerais dans la province du Katanga. Sinon que le gouvernement impose une taxe aux transporteurs des minerais par la voie routière qui les contraindrait à rétrocéder 30 % de ces recettes à la SNCC SA.

Le gouvernement a accordé à la SNCC SA des exonérations des droits de douane et autres taxes qui représenteraient quelque 5 millions de dollars l’an. Une goutte d’eau au regard de ce que rapporte l’axe Lubumbashi-Kananga-Ilebo, selon des sources au département de la région Nord de la SNCC SA.