Le quartier Kinsuka-Pêcheurs menacé d’existence par les activités de la CARRIGRES

Le site d’exploitation de Carrigres dans le quartier Kinsuka, (photo BEF)
Le site d’exploitation de Carrigres dans le quartier Kinsuka, (photo BEF)

Une sirène sonne, puis une deuxième qui retentit juste pour alerter la population des risques que les roches peuvent provoquer chaque fois que CARRIGRES dynamite les pierres au quartier des pêcheurs à Kinsuka. Des usines bien implantées depuis des années pour extraire les pierres du fond de ce sol très rocailleux qui faisait jadis la fierté de CARRIGRES ; une entreprise spécialisée dans l’exploitation des roches qui jonche presque tout le fleuve Congo à partir de l’Hôpital de la Rive. CARRIGRES a changé de mains depuis qu’elle exploite les pierres à Kinsuka. On n’est pas très loin du fleuve Congo où des milliers de personnes se livrent chaque jour à l’exploitation de pierres qui couvrent toute une bonne partie du fleuve en bordure de Brazzaville. Ici, outre les casseurs de pierres, il y a également des pêcheurs qui se comptent par centaine. Ils ne baissent pas les bras en cette fin de journée du vendredi 24 janvier 2014. Tout le quartier est pris d’assaut par les pêcheurs qui vendent les poissons frais du fleuve à la criée ou encore par les mamans et les jeunes gens qui exploitent aussi les pierres dans cette partie de la ville de Kinshasa. On ne parle que des pierres ou des poissons : seul langage connu des habitants de Kinsuka-pêcheurs. Un quartier paisible qui se transforme sans cesse avec de nouvelles constructions érigées de part et d’autre de l’avenue Tourisme. Avenue que fréquentent beaucoup de camions de gros tonnage qui transportent les pierres sorties de carrières de Mbudi, SAFRICAS, CARRIGRES ou celle de l’île de Mimosas. De toutes les carrières, seules Mimosas ou CARRIGRES sont facilement accessibles par les courtes distances qui les séparent à partir du point BRIKIN (Briqueterie de Kinshasa). Cette ancienne usine de fabrication de briques est autant connue que CARRIGRES par la qualité de briques cuites qu’elle livrait sur le marché de Kinshasa et de Brazzaville. Actuellement, BRIKIN est aussi envahie par les maisons qui poussent tout autour de ses anciennes installations. A quelques mètres de là, on aperçoit les va et vient des camions qui sortent des installations de CARRIGRES. Sur une route de fortune, parfois chaotique, négligée par CARRIGRES, des camions, à peine sortis de ces installations de la CARRIGESS, manœuvrent dans tous les sens pour s’effrayer un passage. Que de gros trous inondés d’eau et de boue sur cette route bien enfoncée qui ne facilite pas la tâche aux conducteurs ! L’entrée de la CARRIGRES, qui n’est pas aussi située non loin de là, offre le même spectacle. L’image d’une société qui ne s’occupe pas de son environnement ou de son entourage immédiat. Désolé un passant, qui ne sait pas retenir ses mots, lance : « On se croirait au village ! Pourtant CARRIGRES, qui possède autant de pierres exploitées par jour, peut faire ne fut-ce que quelque chose pour encore plus belle cette avenue ». Quelques minutes plus tard, après avoir cherché en vain de contacter les responsables de l’entreprise, on découvre les dégâts environnementaux que cherche de cacher CARRIGRES. Un grand fossé en forme de piscine naturelle qui donne de vertige à tout passant qui s’hasarde à visiter le quartier Kinsuka. Ce fossé sépare les quartiers Pêcheurs et Pompage. Il constitue un danger permanent pour les habitants de ces deux quartiers qui longent le fleuve Congo. Certaines langues parlent même d’un danger qui risque d’engloutir les deux quartiers situés à l’Ouest de Kinshasa. Quelles que soient les raisons que puissent bien fournir les responsables de la CARRIGRES, les habitants de Kinsuka-Pêcheurs sont unanimes : « Nous nous trouvons juste devant un grand danger environnemental. Notre quartier est paisible, seulement nous nous plaignons souvent des bruits que causent les dynamites utilisées par CARRIGRES pour casser les roches. La poussière nous accompagne partout. Regardez les toits de nos maisons pour se rendre compte. Ils sont tous couverts de la poussière. Que dire de nos maisons qui ont de fentes partout ? », font remarquer les habitants de Kinsuka-Pêcheurs. Les quelques conducteurs de travaux trouvés dans certains chantiers sont de même avis. Tout en étant très catégoriques, ils reconnaissent que « CARRIGRES devrait d’abord penser à l’équilibre environnemental du quartier ou tout au plus délocaliser ses activités après plus de trente ans d’exploitation de ce filon de roches ». Certains observateurs réalisent qu’il est temps pour la CARRIGRES de mettre fin à ses activités, si elle veut simplement sauver des vies dans ces deux quartiers. « Le filon de roches qu’elle exploite est épuisé et qu’il y a lieu pour elle de chercher ailleurs. Forcer la note, c’est détruire les habitations de plusieurs milliers de personnes qui vivent à Kinsuka-Pêcheurs », ajoutent-ils.