Les conditions d’un nouvel accord avec le FMI

ALORS que le chef de l’État poursuivait son séjour outre-Atlantique, sur les antennes de la télévision nationale, la RTNC, captée à l’étranger, notamment aux États-Unis, Saint-Augustin Mwendambali Mwetaminwa, le directeur général de l’Observatoire de surveillance de la corruption et de l’éthique professionnelle (OCEP) – une institution publique relevant du ministère de la Fonction publique -, déclarait que « le taux de pénétration de la corruption dans le tissu du développement socio-économique de la RDC est évalué à 70 % ». Il tient ses statistiques d’une enquête en profondeur, menée par ses limiers, qui sont arrivés à la conclusion selon laquelle sept Congolais sur dix cèdent facilement à la corruption. 

Comme dans la fable des animaux malades de la peste, il va sans dire qu’au Congo, tous sont atteints par le fléau de la corruption, élite comme lambda, professeurs comme étudiants, médecins comme patients, clerc comme agent électoral… Mais à chacun ses symptômes, ses risques et périls, ses immunités.  

Et le DG de l’OCEP de poursuivre : « La RDC a un code pénal qui n’accorde que 4 articles à la corruption. Or la corruption est un monstre qui se présente en plusieurs facettes. Elle est multisectorielle, multiforme. Il faut dénicher tous les aspects de la corruption et légiférer par une loi en fonction de ces aspects multiples des facettes de la corruption ».

Projet de loi spéciale

L’OCEP dispose pourtant d’un Call Center financé par l’État et logé au ministère de la Fonction publique pour la dénonciation de tout acte et toute pratique de corruption. Hélas, le +243815589893 est si aphone que l’on croirait qu’il serait désactivé. Et pourtant, « sur 10 transactions financières réalisées, 7 sont entachées des pratiques de corruption ». Par conséquent, l’OCEP a mûri un projet de loi spéciale contre la corruption au cabinet d’Alexis Thambwe Mwamba, le ministre sortant de la Justice et Garde des sceaux. Jamais, des actes de fraude, d’exportations illégales des ressources naturelles n’ont été mis à la place publique comme pendant le séjour du président de la République aux États-Unis. Preuve que le nouvel ordre politique tient, d’entrée de jeu, à tordre le cou à tout acte de corruption. Sinon, ce chapelet de dénonciations ne serait qu’un rythme normal de la vie en RDC. Les princes de l’Église ont, dans une déclaration, déploré le fait que « la corruption soit devenue le cadre général de vie et d’action sociopolitique en RDC ». Il y a donc péril en la demeure. « Pour bâtir un grand Congo, ne serait-il pas urgent de décréter une année de lutte contre la corruption? ». L’on serait tenté de proclamer, commentait un activiste de la société civile, que le Congolais goûte à la corruption alors qu’il n’est encore que fœtus, sinon celle-ci le rattrape au premier tété.  

La RDC est plus d’une fois arrivée en tête de liste de l’indice annuel qui mesure la prévalence de la corruption et de l’efficacité des programmes gouvernementaux de lutte contre ce fléau. Ce pays très riche en ressources naturelles, mais qui figure en avant-dernière position au classement de l’indice du développement humain établi par l’ONU. Hélas, les ressources naturelles qui rapportent l’essentiel des recettes de l’État échappent encore à son contrôle.  Tenez : selon une récente enquête, les recettes générées par la vente du niobium n’ont été jamais orientées vers le Trésor public. Par ailleurs, ce minerai ne figure pas non plus sur la liste officielle de la nomenclature des métaux exploités en RDC.  Or le niobium est un métal rare, extrêmement plus cher que le coltan. En 2018, par exemple, la RDC a exporté, selon le ministère des Mines, quelque 190,18 tonnes de coltan pour des revenus insignifiants de l’ordre de 60,9 millions de dollars. Les gisements connus du niobium n’existent, selon la revue Affaires, qu’a deux endroits de la planète : la Malaisie et la RDC. Méconnu du grand public jusqu’à la publication du rapport des experts de l’ONU qui le citent abondamment parmi les richesses congolaises pillées actuellement par le Rwanda et l’Ouganda, le niobium est exploité dans une semi-clandestinité depuis trois décennies. Aucune statistique, aucun chiffre n’a jamais été rendu public. 

Il faut se fier à des indiscrétions pour apprendre que ce minerai est extrait et commercialisé depuis 1972 à titre expérimental et qu’une firme américaine l’exploitait déjà avant la guerre d’agression en l’expédiant par avion depuis le lieu d’extraction au Kivu jusqu’au port de Mombassa d’où il était embarqué à bord des bateaux pour les États-Unis. Présentement, des investissements russes relancent l’exploitation du niobium sur le site de la société Somikivu. 

En tout cas, depuis les États-Unis, Fatshi s’est engagé à poursuivre les réformes économiques et financières afin de garantir un bon climat des affaires aux potentiels investisseurs américains. À tous ses interlocuteurs, dont Mike Pompeo, le secrétaire d’État ; Tibor Nagy, le sous-secrétaire d’État aux Affaires africaines, Fatshi s’est subtilement employé à redorer l’image de la RDC. Laquelle, ces dernières années, est comptée parmi les cinq pays les plus « corrompus » de l’indice de risque de corruption publié par le cabinet de conseil en gestion des  risques Verisk Maplecroft. 

Toutefois, le pays s’est doté des instruments de lutte contre la corruption, preuve de sa détermination à en finir avec le régime de pots-de-vin, d’enrichissement facile et de coulage des recettes. Le fisc et la douane ont, par exemple, convenu d’un protocole d’accord avec la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF) en vue d’endiguer la fraude et l’évasion fiscales. 

La Direction générale des impôts (DGI) veut notamment s’assurer un « meilleur suivi des obligations déclaratives et de paiement, particulièrement dans les secteurs minier, pétrolier, des télécommunications et bancaire où les rémunérations sont indexées dans le Cahier des mesures à mettre en œuvre pour la réalisation des prévisions 2018. Le fisc devrait ainsi exploiter à fond « des données de recoupement de la Direction générale de migration ainsi que des licences de transfert de fonds vers l’étranger obtenues auprès des banques commerciales en vue de faire la lumière sur la gestion de rapatriement des devises en RDC à titre d’impôts, redevances et autres droits », renseignent des sources autorisées à l’Hôtel des impôts. Pour ce faire, la régie financière compte se baser sur des données de recoupement du ministère du Travail, de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS, ex-INSS) et de l’Institut national de préparation professionnelle (INPP) ainsi que des licences de transferts de fonds vers l’étranger obtenues auprès des banques commerciales. Il sied, en effet, de rappeler que le conseiller spécial anti-corruption du chef de l’État s’en était mêlé et avait soupçonné certaines banques commerciales de se livrer à des opérations du blanchiment des capitaux. Le préjudice s’élèverait à des milliards de dollars au détriment du Trésor public.

Les 10 000 dollars de la BCC

Par ailleurs, la Banque centrale réactive à nouveau sa directive de plafonnement à 10 000 dollars les transactions en espèces, en monnaies étrangères, sur toute l’étendue du territoire national. Selon Deogracias Mutombo Mwana Nyembo, le Gouv’ de la BCC, la mesure vise à lutter contre le blanchiment des capitaux. L’évolution de la situation économique et monétaire actuelle dans le pays montre que la Banque centrale n’est guère en mesure de maîtriser l’inflation, en dépit d’une réactivité rapide aux chocs inflationnistes. 

D’aucuns pensent que le renforcement de l’efficacité de la politique monétaire passe par le réchauffement des relations entre le gouvernement et le Fonds monétaire international (FMI). Ils se réfèrent à la photographie de la situation économique du pays d’avant janvier 2001. Le pays se trouvait au fond du trou. Une inflation galopante à deux chiffres, des salaires impayés, une dette extérieure consolidée asphyxiante estimée à environ 14 milliards de dollars, rupture de coopération avec la Banque mondiale et le FMI… 

La première action économique forte a été de reprendre langue avec la Banque mondiale et le FMI. D’où les programmes PIR (Programme intérimaire renforcé), PMURR (Programme multisectoriel d’urgence et de reconstruction), DSCRP I et II (Document stratégique de croissance et de réduction de la pauvreté). Grâce à des réformes structurelles impopulaires mais salutaires exigées par la Banque mondiale et le FMI, la RDC a pu atteindre le point de décision, puis le point d’achèvement dans le cadre de l’initiative des pays pauvres et très endettés (IPPTE), qui a conduit à l’annulation de la quasi-totalité de la dette extérieure de la RDC. 

Le FMI recommande au gouvernement d’améliorer la gouvernance et la transparence dans la gestion des ressources naturelles ainsi que de renforcer le contrôle des entreprises publiques du secteur minier. Il encourage le respect intégral des critères de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) et l’adoption d’un cadre renforcé pour la lutte contre le blanchiment des capitaux. À cet égard, le FMI recommande une meilleure gestion de la fiscalité minière et des actifs miniers de manière à éviter un manque à percevoir de la part des entreprises publiques du secteur des ressources naturelles.

Le FMI invite aussi le gouvernement à opérer des réformes essentielles à la Banque centrale afin d’en accroître l’indépendance opérationnelle et la responsabilisation, renforcer sa capacité à mener la politique monétaire, maintenir la stabilité des prix et la stabilité du secteur financier et restaurer la confiance vis-à-vis des marchés.