Les élus du Maniema sont demandeurs d’un dialogue autour du 1ER Ministre sur l’insécurité dans les zones minières

Des députés nationaux et sénateurs originaires de cette province ont rencontré Sylvestre Ilunga Ilunkamba, lundi 13 janvier 2020 à la Primature. La séance de travail a porté essentiellement sur les conditions sécuritaires dans certaines zones minières de la province.

POUR le caucus des députés nationaux et sénateurs de la province du Maniema, la situation est préoccupante. Didier Manara Linga, député national et porte- parole du caucus, explique que les affrontements entre les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et les exploitants artisanaux, associés aux rebelles Maï-Maï Malaïka ont des conséquences socio-économiques dans cette partie du pays. Sur le fond, les exploitants artisanaux persistent et signent. Ils tiennent à mener leurs activités dans la concession de l’entreprise Banro  Corporation, la filiale de Namoya Mining, qui exploite l’or à Salamabila dans le territoire de Kabambare, au Sud du Maniema. 

Par ailleurs, le parc de la Lomami dans le territoire de Kailo est aussi enclin à l’insécurité. Ce qui a entraîné le déplacement de plus de 6 000 familles jusqu’à présent sans abris. 

D’autres déplacés se dirigent actuellement vers Kindu, et les sinistrés de Kampene ne sont pas secourus par le gouvernement après les éboulements de terres ayant causé mort d’hommes dans cette zone minière.  Après ce tour d’horizon de la situation, les élus originaires du Maniema ont présenté à Sylvestre Ilunga Ilunkamba, le 1ER Ministre, un « plan de sortie de crise ». La proposition consiste en une organisation d’une concertation, d’abord, à Kinshasa, entre les responsables de Banro Corporation, les forces vives de Salamabila et le gouvernement central sous les auspices du 1ER Ministre lui-même. Ensuite, en une organisation d’une conférence, à Kindu, réunissant toutes les parties prenantes, y compris les Maï-Maï Malaïka soutenus par les exploitants artisanaux.

Cohabitation forcée

Dans les colonnes de Business et Finances (BEF, n°242), nous écrivions que « Banro fait les frais du contexte politique et social à l’Est ». La situation de la compagnie canadienne est celle d’une cohabitation forcée, entre un acteur disposant de titres légaux et des exploitants artisanaux qui tentent de faire prévaloir « le caractère légitime » de leurs activités. Une situation que viennent empoisonner les agents publics et les groupes armés.

Interrogé sur le sort de Banro en République démocratique du Congo, un notable de la région, que nous appellerons Paluku, car ayant requis l’anonymat, trouve « normal » que de cette « cohabitation forcée » découlent de « nombreuses tensions ». « D’ailleurs, nous prévient-il, félicitons-nous que ces tensions soient encore latentes, et rarement ouvertes, à l’instar de ce qui se passe pour le moment à Namoya. Mais il va arriver un moment où ça va s’embraser, si l’État ne prend pas ses responsabilités. Cela risque, un jour, de déstabiliser tout l’Est du pays, si ce n’est pas encore fait ». 

Pourquoi Banro est-elle le mal-aimé des populations dans la province du Maniema ? Paluku hésite un moment, puis il explique : « Quand la société débarque en RDC en 1996, il n’y avait pas de code minier. Banro était liée à l’État congolais par la convention minière de 1997, puis par ses deux avenants de 2002 et 2010. Donc, le code minier de 2002 n’était pas opposable à Banro. Ainsi, la société bénéficiait d’un régime fiscal avantageux, jugé confus autour des modalités de la rétrocession de certains bénéfices aux communautés locales. » 

À plusieurs reprises, la compagnie canadienne a invoqué le cas de force majeure pour justifier la suspension de ses opérations minières dans la région du Sud-Kivu et du Maniema. Outre l’insécurité permanente dans les mines, les relations avec les communautés locales et les autorités gouvernementales, nationales et provinciales, évoluent en dents de scie et donnent à polémique. 

En date du 24 septembre dernier, par exemple, Brett A. Richards, le président et directeur général de Banro Corporation Ltd, a adressé une correspondance à l’inspecteur général du Travail, de l’Emploi et de la Prévoyance sociale pour lui notifier un « cas de force majeure », conformément à l’article 57 point 8 du code du travail congolais. Et il énumère les circonstances qui justifient la décision de « suspendre les opérations » à Namoya Mining SA, Lugushwa Mining SA, Kamituga Mining SA et Banro Mining Congo SA, ainsi que « les contrats de travail de tous leurs employés ».

Primo, les « nombreuses difficultés » qui entravent les opérations minières de ces entités. « Ces difficultés comprennent de sérieuses et incessantes préoccupations sécuritaires à Namoya/Salamabila, notamment le harcèlement et les raids sur les lignes d’approvisionnement de Banro, les attaques contre le site minier lui-même et les menaces contre les employés ».

Secundo, « la situation a pris un tournant imprévisible » à partir du 26 juillet 2019, lorsque Sheikh Assani Hazaïfa Mitende (Sheikh Hassan) et des rebelles armés Maï-Maï ont enlevé quatre employés de Namoya Mining SA/Banro commis à la construction d’une route au profit des mineurs artisanaux de la communauté locale et plus généralement de la province du Maniema.

Tertio, « de sérieux problèmes sécuritaires persistent sur le site minier de Namoya/Salamabila », malgré l’issue heureuse de la prise d’otages. Pour rappel, le président et directeur général de Banro a été contraint de signer un « protocole illégal » pour obtenir la libération des otages. 

En effet, Sheikh Hassan et la milice Maï Maï qui ont pris de facto le contrôle de la coopérative des mineurs artisanaux, s’appuient sur ce « torchon » de document pour « reprendre toutes les parties » des mines de Namoya Mining SA qu’ils souhaitent, et y imposer ainsi leur loi et leurs principes, parce qu’ils se considèrent comme « les plus forts sur le terrain ».

Quarto, les menaces de mort de Sheikh Hassan à l’endroit de tout travailleur de Namoya Mining SA/Banro qui se présenterait au lieu du travail, mais aussi à l’égard des familles liées à la compagnie, ainsi que l’interdiction faite aux vendeurs locaux de traiter affaire avec Namoya Mining SA/Banro, lorsque cette dernière a refusé de céder à l’exigence de Sheikh Hassan dans son « ordre noir » du 13 septembre 2019. Quinto, le contrôle de la mine par « une force armée rebelle et terroriste » et « les menaces de mort formelles » qui pèsent sur les travailleurs constituent ni plus ni moins « un événement imprévisible ». Au vu des prises d’otages précédentes, dont on déplore la mort d’un agent  égorgé en pleine forêt après son enlèvement, il y a lieu de craindre que « d’autres événements malheureux » ne se répètent, voire ne soient inévitables et insurmontables, tout simplement parce que la compagnie n’a pas le contrôle de la sécurisation de la zone. « Cette situation a pour effet de nous empêcher temporairement de fournir du travail aux employés des entités Banro susmentionnées. Cette situation de force majeure ne s’applique pas aux employés de Tangwiza Mining SA qui devraient continuer de travail », écrit Brett A. Richards. 

Relations conflictuelles

Le moins que l’on puisse dire est que Banro n’a jamais été vraiment mise en situation de bien travailler en RDC. « À sa place, un autre investisseur aurait mis déjà la clé sous le paillasson, pris ses cliques et claques pour aller voir ailleurs », fait remarquer un expert du secteur. En effet, à plusieurs reprises, la compagnie minière a alerté les autorités gouvernementales, nationales et provinciales, de ces nombreuses difficultés qui entravent ses activités minières.

De l’avis de beaucoup d’observateurs, entre le monopole de Banro et la survie des communautés locales, l’État est face à un dilemme. Plusieurs analyses mettent en relief la difficile ré-industrialisation du secteur aurifère dans la province du Sud-Kivu), notamment à cause de « l’évolution des relations conflictuelles » entre les parties prenantes qui coexistent au sein des concessions de la société canadienne Banro. On reproche aux autorités gouvernementales de ne pas avoir initié un véritable dialogue entre ces parties prenantes, à savoir Banro, les exploitants artisanaux, les communautés affectées, les autorités et services étatiques et les sociétés civiles locales, afin qu’elles puissent envisager ensemble des solutions pour garantir une paix durable.