Les exonérations accordées aux miniers coûtent cher au Trésor public

Aucun service de l’État ne dispose des statistiques fiables sur le volume de la production locale ou la quantité d’huiles pour automoteurs importées. Depuis 2013, la base imposable repose sur des estimations à l’absurde.

Refus de coopérer par des producteurs locaux et des importateurs que ce sont généralement des entreprises pétrolières commerciales ou prévarication des entités de contrôle et financières de l’État ? En tout cas, chaque service générateur de recettes de l’État y va avec ses calculs de probabilité. Pour la Direction générale des douanes et accises (DGDA), l’assiette imposable pour l’exercice 2017 sur les liquides pour freins hydrauliques et préparations lubrifiantes importés se chiffre à 18.3 milliards de francs. Le taux d’imposition sur les droits d’accises pour ce produit étant de 10 %, la DGDA escompte percevoir quelque 1.8 milliard à fin 2017.

En 2016, les liquides pour freins hydrauliques et préparations lubrifiantes importés avaient rapporté plus de 1.2 milliards de francs à la douane congolaise sur des assignations de l’ordre de plus de 314 millions de francs, soit un taux de réalisation de 402,6 %. En 2015, la DGDA a réalisé une contreperformance d’environ 30 % avec des recettes d’un peu plus de 1 milliard de francs sur des prévisions de plus de 3 milliards. En 2014, se fondant sur aucune projection fiable, la douane a dépassé de 37 % ses assignations et réalisé, en numéraires, plus de 577 millions de francs des recettes contre des prévisions de 420 millions. Pour ce qui est des huiles de graissage et lubrifiants importés, la Direction générale des douanes et accises a décidé de ne pas avancer la moindre prévision dans le budget 2017. Pourtant, en 2014, elle avait perçu plus de 217 millions de francs sur ces produits contre des prévisions de plus de 240 millions de francs, soit un taux de réalisation de 90,2 %. Les recettes des droits d’accises sur les huiles de graissage et les lubrifiants importés ont cependant périclité en 2015. Pour des projections de 72.8 milliards de francs, les recettes n’ont été que de 1. 3 milliard, soit 1,9 % de taux de réalisation. La douane a plus que doublé ses prévisions en recettes en 2016, avec un taux de perception de 267,6 % pour un montant de plus de 3,7 milliards contre des assignations de 1.4 milliard de francs.

Par ailleurs, il sied de noter que la production locale des huiles de graissage et lubrifiants (Cobil, Sonahydroc, ex-Cohydro, etc.) s’écoule sans grandes difficultés sur le marché. Mais l’État a du mal à y percevoir ses droits. Chaque fois que la DGDA a ses assignations sur les huiles de graissage et lubrifiants locaux, elle ne perçoit rien. Si elle ne prévoit rien, elle gagne, par contre, quelques substantiels revenus. En 2014, par exemple, la DGDA avait des prévisions de plus de 128 millions de francs sur ces produits. Rien n’est venu. En 2015, la douane n’avait rien prévu au titre de droits d’accises en régime intérieur, mais elle a quand même récolté plus de 782 000 francs. En 2016, la stratégie de non-prévision a payé derechef ; à fin décembre, la Direction générale des douanes et accises s’en est sortie avec plus de 451 millions de francs.

Dans le budget 2017, la DGDA a des prévisions de plus de 592 millions de francs sur la production des huiles de graissage et lubrifiants. In globo, la DGDA compte percevoir moins de 2,5 milliards de francs, soit moins de 3 millions de dollars. Du menu fretin, au regard de la demande en lubrifiants en RDC.

Input minier

L’industrie minière congolaise compte parmi les gros consommateurs des lubrifiants et des huiles de graissage. Le code minier vieux de 15 ans y a consacré une législation douanière particulière. Les lubrifiants sont en effet soumis à un droit d’entrée de 3 % pendant toute la durée du projet minier. Mais voilà pratiquement 5 ans que la loi portant sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a supprimé le droit d’entrée pour les lubrifiants et les réactifs au bénéfice des entreprises minières. Le code minier stipule que si une législation de droit commun, adoptée ou promulguée sur le territoire national postérieurement à la date d’entrée en vigueur du code (2 juillet 2002), prévoit des dispositions fiscales ou douanières plus favorables que celles contenues dans le code, ces nouvelles dispositions sont immédiatement applicables de plein droit dès leur entrée en vigueur.

Selon la loi sur les mines, jouissent également du bénéfice de l’ensemble du régime fiscal et douanier les sociétés affiliées exerçant des activités minières, les sous-traitants exerçant des activités minières qui entrent dans le champ d’application du code minier et qui résultent exclusivement des contrats conclus avec le titulaire. Naturellement, ces exemptions ne sont pas sans conséquence sur les recettes de l’État. Le régime douanier et fiscal dans le secteur minier ferait partie des points amendés dans le projet de loi portant révision du code minier. Ce texte pourrait être soumis à examen en chambres au cours de la session parlementaire de septembre prochain.

Dans l’entretemps, il sied de rappeler que l’application du taux de droit commun aux minings, que ce soit par la DGDA, la Direction générale des impôts (DGI), la Direction générale des recettes administratives, domaniales, judiciaires et de participations (DGRAD) ou encore l’Office congolais de contrôle (OCC),   relève plutôt de la sanction, selon l’esprit du code minier. En fait, ce n’est qu’en cas de fraude sur la déclaration lors des importations dans le cadre des travaux d’extension d’un projet minier, le titulaire d’un titre minier est passible des droits d’entrée et de la contribution sur le chiffre d’affaires à l’importation au taux de droit commun.

Autre gros consommateur de lubrifiants, le transporteur public routier, Transco. Ici, les dépenses liées à l’achat du carburant et des lubrifiants sont prises en charge par l’État sur décision de l’ancien 1ER Ministre, Augustin Matata Ponyo. Seulement voilà, ces dépenses sont pratiquement passées du simple au double, entre 2014 et 2015, de 6.9 milliards à 12 milliards de francs, soit environ 13 millions de dollars. Ces produits sont fournis par la compagnie pétrolière Cobil. Dans un rapport officiel sur l’entreprise Transco, il ressort que Cobil ne transcrit  pas les volumes de lubrifiants qu’il fournit à Transco, mais uniquement les montants. Par exemple, 27.8 millions de francs mentionnés sur la facture n° 15-003733 ou encore 36.6 millions de francs sur la facture 15-003480… Le carburant et les lubrifiants représentent en moyenne 35 % des charges totales de Transco, mais ces dépenses ne sont pas reprises dans la comptabilité de la compagnie de transport routier. Du fait de la primature. Secret d’État ?