Le quai principal du port de Matadi en attente de réhabilitation

Après l’acquisition des équipements de manutention, la SCTP s’emploie à moderniser l’une de plus grandes et anciennes plateformes de la principale station maritime du pays.

D’ici fin septembre, sauf imprévu, la direction générale de la Société commerciale des transports et des ports (SCTP) va rendre public le nom de l’entreprise locale qui aura remporté le marché des travaux de maintenance de la structure métallique des pieds 5, 6 et 7 du quai Fuka-Fuka, long de 525 m. La SCTP ne précise pas combien vont coûter ces travaux, si ce n’est qu’ils seront  réalisés sur fonds propres de la société. On sait aussi que l’entreprise sélectionnée devrait avoir un chiffre d’affaires annuel de 500 000 dollars, ces trois dernières années, et disposer en banque d’un montant équivalent à au moins 20 % du coût de son offre pour les travaux attendus.

Le port de Matadi compte 10 quais, dont six sont dans un état qui nécessite une réhabilitation sinon un remplacement à moyen terme. Les derniers travaux de maintenance au port de Matadi remontent à 2005, grâce à un financement du port belge d’Anvers. Les travaux ont porté sur le quai appelé Venise dont la superficie a été élargie à 5 000 m² afin de pouvoir recevoir des navires de 300 000 tonnes. En 2006, le port de Matadi a enregistré un volume de transbordements record de 1,7 million de tonnes grâce à la capacité d’accueil du quai Venise.

Vieux de plus de 70 ans 

Le quai Fuka-Fuka est opérationnel depuis 1940. C’est le second poste d’accostage du port de Matadi après le quai appelé « Matadi », 650 m de long, construit en 1935 par la Compagnie des chemins de fer du Congo (CCFC), en vue de recevoir les marchandises destinés à la ville de Kinshasa, alors Léopoldville, et à l’intérieur du pays. Créé en 1886, le quai Matadi n’était, au départ, qu’un port de transit qui s’était allongé en 1950 avec un troisième appelé « Kala-Kala » d’une longueur de 468 m. Sept autres quais s’en suivront au rythme de l’évolution des besoins économiques et infrastructurels du pays. Il s’agit notamment du quai pétrolier à près de 7 km en aval de Fuka-Fuka,  le quai public pour les produits inflammables et explosifs, le quai SOCOPE (Société congolaise des pêches, ex-PEMARCO, anciennement PEMARZA).

En 1974, l’ex-Office national des transports (ONATRA) dut réaliser des travaux d’aménagement du quai Fuka-Fuka, du fait de la croissance de la manutention. C’est ici que furent déposés les premiers gros conteneurs en provenance de l’étranger. La capacité de manutention du port de Matadi est présentement de  2 500 000 tonnes par an et celle de stockage des conteneurs se limite à 3 500 conteneurs de 20 pieds. La fermeture partielle de Fuka-Fuka a une incidence sur les activités portuaires, étant donné que depuis fin 2016, le port tourne au ralenti, au rythme d’un navire en moyenne le mois. Conséquence : les agents du port de la SCTP les mieux payés accusent 7 mois d’arriérés des salaires. De l’avis des experts, le principal port maritime de la République démocratique du Congo paye un lourd tribut de la désorganisation et de la corruption. Mais il fait surtout face à une concurrence à laquelle il n’a jamais été préparé.

Politique managériale en question

Le conseil d’administration et la direction générale de la SCTP n’ont pas su s’accorder sur la politique managériale de l’entreprise. La présidente du conseil d’administration, Vicky Katumwa, a ouvertement accusé le directeur général, Kimbembe Mazunga, suspendu puis démis de ses fonctions, de péculat. Ce dernier s’en est défendu soutenant qu’à sa suspension, l’argent de la SCTP logeait dans une banque de la place en vue de l’acquisition des équipements pour l’entreprise. L’on en est resté dans cette guéguerre d’accusations et de contre-accusations jusqu’à la nomination par ordonnance présidentielle de l’ancien ministre du Budget, Daniel Mukoko Samba, en qualité de directeur général.

Il est cependant vrai que la SCTP avait acquis du matériel de manutention dont des grues, mais qui sont restés bloqués dans les dépôts de la Direction générale des douanes et accises (DGDA), au sein même du port de Matadi. La SCTP avait sollicité une mesure d’exonération auprès du gouvernement, mais le dossier n’a guère évolué jusqu’à ce jour. Pendant ce temps, le nouveau port privé en amont de Matadi, monte en puissance. Matadi Gateway Terminal (MGT) est une joint-venture constituée par la firme philippine ICTSI, le groupe Ledya et la SCTP, qui détiendrait 10 % des parts. MGT traite des conteneurs, le trafic roulier ainsi que les colis lourds.

Opérationnel depuis 1886, le port de Matadi nécessite une modernisation de fond en comble. Du temps du régime de Transition dit de 1+4, un accord de jumelage avait été obtenu entre le port d’Anvers et celui de Matadi. Le ministère belge des Affaires étrangères, Louis Michel, à l’époque, avait annoncé un chapelet de partenariats privilégiés devant aboutir à la modernisation du port de Matadi, principale plaque-tournante de l’activité économique en RDC. Les rentrées financières aux ports maritimes de Matadi et Boma représentent 35 à 40 % du budget de l’État. Le 12 avril 2005, deux accords ont été même signés à Bruxelles, entre le ministère belge de la Coopération au développement et l’autorité portuaire d’Anvers, d’une part, et entre l’ONATRA et le ministère congolais des Transports et des Voies de communication, d’autre part. Hélas, pour des raisons politiques, les autorités de Kinshasa ont gelé plusieurs projets de coopération avec la Belgique.

Bolloré entre en danse 

Le port de Matadi ainsi que son appendice, le chemin de fer qui le relie à Kinshasa, fait l’objet d’un appel d’offre international de mise sous-gestion privée lancée par l’ancienne ministre du Portefeuille, Louise Munga, dans des conditions plutôt opaques. Le bureau syndical de la SCTP s’y est farouchement opposé. Ici, l’on redoute que le port et le chemin de fer soient cédés au groupe français Bolloré. En 2010, l’Agence française de développement (AFD) avait financé, avec une enveloppe de 1 million d’euros, des études de faisabilité des partenariats publics-privés pour les ports maritimes et le chemin de fer Matadi-Kinshasa de l’ex-ONATRA. Bolloré a, on le sait, déjà repris le port de Pointe-Noire en république du Congo voisine qu’il a érigé en port autonome. Le groupe français y organise un important trafic de transbordement vers Matadi, via des navires de faible tirant d’eau.

La mouvance syndicale de la Société commerciale des transports et des ports  redoute que Bolloré ne fasse davantage la part belle au port de Pointe-Noire. Mais à défaut des solutions efficientes pour le redressement de l’ex-ONATRA, alors que Bolloré s’affiche repreneur, beaucoup, parmi les 13 000 agents et retraités de l’entreprise, se résolvent à cet apophtegme du Conte de Lisle : enfer ou ciel, peu importe. Pourvu qu’on y trouve du nouveau.