Les grandes revendications de demain

La rentrée parlementaire approche. Elle s’annonce déjà mouvementée.  Les élections, tout court, seront vraisemblablement la priorité de la session ordinaire de septembre à l’Assemblée nationale. Mais le dossier de la viabilité des nouvelles provinces et de la rétrocession de 40% est très attendu. 

Le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, doit déposer, au bureau du président de l’Assemblée nationale, au plus tard le 15 septembre, le projet de loi portant budget 2016. La viabilité des nouvelles provinces en dépend.   C’est, paraît-il pour respecter la Constitution que le gouvernement a découpé le territoire en 26 provinces. Et la même Constitution dispose que les provinces retiennent à la «source» 40% des recettes nationales récoltées par elles.

Joutes en perspectives

Mais les signes avant-coureurs ne sont guère rassurants quant au respect de cette disposition de la Constitution. Le gouvernement aurait dû transmettre au bureau de l’Assemblée nationale le projet de loi de consolidation du budget 2015 au cours de la dernière session ordinaire qui s’est clôturée le 15 juin dernier. Ce projet de loi de consolidation devrait, en effet, inclure les édits d’intégrations budgétaires résultant des budgets consolidés des provinces et des entités territoriales décentralisées (ETD). Mais rien n’est venu. Le régime de rétrocession se poursuira-t-il en 2016 ?

En tout cas pour l’exercice budgétaire 2015, le gouvernement Matata a disposé, à titre de rétrocessions aux provinces, de recettes à caractère national de l’ordre de 2.033.648.191.977 de francs, soit un peu plus de 2 milliards de dollars. Cette enveloppe est répartie de la manière suivante : 171.295.751.555 de francs, pour la Province-Orientale qui a éclaté en 4 provinces (Tshopo, Ituri, Bas-Uélé et Haut-Uélé) ; la province du Katanga, également découpée en 4 nouvelles provinces (Haut-Katanga, Lualaba, Haut-Lomami et Tanganyika) a droit à 549.085.011.834 de francs. Le Kasaï-Occidental, quant à lui, scindé en Kasaï-Central et Kasaï s’est vu réserver quelque 91.357.734.163 de francs. Le Sankuru, le Kasaï-Oriental et la Lomami qui formaient naguère le Kasaï-Oriental, sont crédités d’une enveloppe de  86.513.056.318 francs contre 133.230.028.987 francs pour le Bandundu, divisé désormais en trois provinces : Kwilu, Kwango et Mai-Ndombe.

Par ailleurs, une somme de 137.036.601.244 de francs a été allouée à l’Équateur qui compte actuellement 4 provinces (Nord et Sud-Ubangi, Équateur et Tshuapa). Quant aux provinces non découpées, le budget 2015 alloue à Kinshasa, 266.460.057.974 de francs ; 190.328.612.839 de francs au Kongo-Central ; 161.779.320.913 de francs pour le Nord-Kivu, 133.230.028.987 de francs pour le Sud-Kivu et 91.357.734.163 de francs pour le Maniema.

Le ras-le-bol des provinces

Cependant, à un trimestre de la fin de l’exercice 2015, la rétrocession se fait plutôt à compte-goutte et à plusieurs vitesses d’une province à une autre. Les provinces expriment, tout haut, leur ras-le-bol face au régime du pain sec leur imposé par Kinshasa. Le gouverneur du Nord-Kivu, Julien Paluku, a dit avoir collecté, au premier trimestre  2015, plus de 46 milliards de de francs pour le compte du Trésor public et envisage d’atteindre le triple de ces recettes d’ici décembre prochain.

Au Kongo-Central, l’on se vante de financer le budget de l’État à plus de 33%. Pourtant, la province accuse un déficit en énergie électrique malgré « son » Inga et «son » pétrole. Pis encore, la nouvelle loi de finances condamne  les provinces à se soumettre à Kinshasa. Son article 15 stipule, en substance, que les provinces et les ETD ne peuvent emprunter sur le marché international que sous l’aval ou la garantie du pouvoir central qui en détermine les modalités dans le cadre de la loi de finances.

Et le gouvernement central est censé ne contracter que les emprunts concessionnels, à quelques exceptions près. Aussi, les rémunérations du personnel politique doivent être évaluées conformément au décret du Premier ministre fixant la composition des cabinets politiques et au tableau des équivalences des grades déterminé par  le gouvernement sur l’ensemble du pays, notamment pour les provinces et les ETD.

Que de motifs de mécontatement ! Que de remous en vue de l’application de la clause Constitutionnelle consacrant la retenue par les provinces de 40% des recettes nationales qu’elles réalisent ! Ces provinces sont passées de 11 à 26 et sont, d’entrée de jeu, prises à court par des échéances politiques et des obligations financières.

La procédure à suivre

Le projet de loi de finances est déposé au plus tard le 15 septembre de chaque année au  bureau de l’Assemblée nationale par le Premier ministre, chef du gouvernement, conformément à l’article 126 de la Constitution et à l’article 83 de la loi de finances publiques. Les deux Chambres du Parlement disposent de 60 jours pour l’examen et le vote du budget de l’État (loi de finances) en raison de 40 jours pour l’Assemblée nationale et de 20 jours pour le Sénat. Il va sans dire que toute entreprise inhérente au budget de l’État au niveau du Parlement – à savoir la convocation d’un ministre ou d’un mandataire de l’État,  la Constitution d’une commission paritaire en cas de divergences  entre les deux Chambres, le vote dudit budget…  – doit se réaliser avant la clôture de la session de septembre consacrée à l’examen du budget qui est fixée au 15 décembre.

Dans l’entre-temps, les provinces, ainsi que toutes les entités territoriales décentralisées ne disposent que de 15 jours pour finaliser leurs édits et décisions budgétaires afin de se conformer au cycle budgétaire du pays, qui impose que l’année budgétaire commence le 1er janvier et se termine le 31 décembre d’une année civile. « D’où la nécessité pour le gouvernement de la République de communiquer au plus tard le 16 décembre, avec diligence, juste après le vote du budget, les 40% des recettes à caractère national du pouvoir central vers la province », lit-on dans un rapport du ministère du Budget. « Il en est de même pour la province qui doit communiquer aux ETD, juste après le vote de son édit, les enveloppes de 40% revenant aux entités y rattachées, en ce compris les modalités de répartition ».

Janvier 2016, mois de tous les dangers ?

En vue de permettre aux provinces et ETD de voter leurs édits et décisions budgétaires avant le 31 décembre, date butoir fixée dans le système d’exercice du vote du budget, il est demandé aux intervenants dans le processus d’approbation de la loi d’en accélérer la signature et la publication. En cas de renvoi du budget de l’État pour seconde lecture ou délibération par les Chambres, la procédure inhérente aux crédits provisoires est d’application. Mais en tout état de cause, la loi de finances de l’année, en l’occurrence 2016, doit être promulguée, conformément à la Constitution, au plus tard le 31 janvier 2016.

Le budget de la province est naturellement élaboré par le gouvernement provincial et approuvé par l’Assemblée provinciale avant sa promulgation par le gouverneur de province. À quelques semaines de la rentrée de septembre, les 21 nouvelles provinces n’ont pas encore leurs animateurs. Et pour les ETD, en attendant la mise en place de leurs organes délibérants, leurs prévisions budgétaires, élaborées par l’exécutif de chaque entité, sont approuvées par le responsable de l’entité et discutées dans la commission budgétaire des ETD ouverte par le gouverneur de province. Une fois approuvées par la commission provinciale, les prévisions budgétaires de l’ETD doivent, en outre, être approuvées par le gouverneur de province avant d’être publiées, au niveau local, notamment par le bourgmestre et le chef de secteur ou de chefferie.

La loi de finances indique qu’aucune prévision ne sera acceptée ni dépouillée, si elle n’est dûment signée par les autorités compétentes précitées. Pour ce faire, la DPSB est appelée à mettre à la disposition de chaque province et de chaque ETD les documents et maquettes budgétaires utiles dont la nomenclature des recettes et des dépenses ou encore la Programmation budgétaire des actions du gouvernement (PBAG), la lettre d’orientation budgétaire, les états de suivi budgétaire, les rapports d’exécution des lois de finances antérieures.

En ce qui concerne les opérations d’intégration et de consolidation, l’ETD est censée voter sa décision budgétaire au plus tard le 20 février, la province vote son édit d’intégration au plus tard le 30 mars tandis que le pouvoir central effectue la consolidation des budgets au plus tard le 31 mai, date du dépôt de cette loi au bureau de l’Assemblée nationale. Le Parlement devra l’adopter au plus tard le 15 juin.  Pour permettre aux provinces et aux ETD de produire l’édit budgétaire, il importe que le ministre du Budget, Michel Bongongo, communique aux gouverneurs des provinces, dès le vote du budget par le Parlement,  l’équivalent en francs des 40% des recettes à caractère national revenant à chacune des 26 provinces.

À leur tour les gouverneurs sont dans l’obligation de transmettre les montants dus aux ETD aux responsables locaux. Tout ceci doit se faire endéans six mois pour des provinces sans gouverneurs ni administrations, autrement des provinces sans tête ni queue. Impossible n’est pas RDC, aime-t-on à répéter dans les milieux politiques congolais. Or il se trouve que l’économie est fille d’ordre, de la raison.