Les intérêts l’emportent sur les droits humains

Certaines compagnies qui œuvrent dans ce secteur mènent, depuis un certain temps, des actions d’éclat pour prouver leurs réalisations en faveur des communautés locales et de l’environnement. Mais, des rapports continuent à prouver le contraire.

Le chiffre d’affaires de Glencore est trente fois plus que le budget de la RDC
Le chiffre d’affaires de Glencore est trente fois plus que le budget de la RDC

De nombreuses organisations non-gouvernementales s’opposent à une exploitation de minerais qui ne se soucie pas des communautés locales et de l’environnement. Plusieurs entreprises minières ont ainsi été épinglées dans les différents rapports pour avoir négligé le volet social. Le géant des matières premières, Glencore, est le dernier à être cité dans le troisième rapport publié cette année, par les ONG Pain pour le prochain, Action de carême et RAID (Rights and Accountability in Development). Elles reprochent à cette société d’avoir privilégié les intérêts économiques au détriment des populations locales et de l’environnement. Depuis 2013, Glencore répond par une offensive de charme en invitant ONG, politiciens, autorités et population suisses pour parler du bien-fondé de ses affaires et dénigrer ainsi toutes les allégations portées contre elle. Dans la province du Katanga, cette entreprise contrôle deux complexes miniers dont elle achète toute la production: KCC et MUMI (Kamoto Copper Company et Mutanda Mining). Ces filiales fournissent 19% de la production de cuivre et 82% de celle de cobalt avec un taux de croissance, fin 2013, supérieur à 50%. La société affirme aussi qu’elle respecte, dans son fonctionnement, les normes internationales en vigueur, notamment les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. Elle a aussi demandé son admission aux principes volontaires sur la sécurité et les droits de la personne. Mais des questions demeurent quant à sa capacité et à sa détermination à traduire cela en actions concrètes, dans ses activités courantes. A Kolwezi, la concession tentaculaire de KCC est entourée par les communes de Luilu, Musonoï et Kapata où le niveau de chômage et de pauvreté est très élevé. Un grand nombre de jeunes qui y vivent travaillent dans l’exploitation minière artisanale. « La police des mines déployée pour protéger le site fait souvent recourt à une force disproportionnée lorsqu’il s’agit d’empêcher les intrusions de mineurs artisanaux dans ses concessions », indique le rapport. A plusieurs reprises, au cours des dix-huit derniers mois, la police des mines a tiré à balles réelles en poursuivant des mineurs artisanaux sur le site de KCC, faisant des morts et des blessés graves. De l’avis des ONG, « Glencore paraît avoir adopté une réponse de type militaire pour ce qui est, en fin de compte, un problème social complexe. Cela ne peut qu’augmenter le risque de nouvelles violations des droits humains ».

L’environnement en pâtit…    

Glencore paraît avoir adopté une réponse de type militaire pour ce qui est, en fin de compte, un problème social complexe. Cela ne peut qu’augmenter le risque de nouvelles violations des droits humains.

Un autre enjeu environnemental concerne la réserve de chasse de Basse-Kando, dans le district de Kolwezi. En RDC, les réserves de chasse ont été créées pour protéger des espèces animales. Toute nouvelle activité humaine y est interdite. « Il ne peut être octroyé des droits miniers ou de carrières dans une zone protégée, ni y être érigé une zone d’exploitation artisanale», stipule le Code minier. Etant donné que la Basse-Kando est une réserve de chasse et que la concession 662 de MUMI se trouve au milieu de la réserve, cette concession n’aurait pas dû être attribuée à cette filiale de Glencore, selon ces ONG. La réplique de Glencore ne s’est pas fait attendre : « Nous réfutons l’affirmation selon laquelle il y aurait eu exploitation ambigüe de la loi sur les mines. Le Code minier indique très clairement que le Cadastre minier accorde toutes les licences d’exploitation minière en conformité avec les lois du pays, y compris le Code minier. En outre, nos activités relèvent de la direction du ministère des Mines».  Aux yeux du RAID, d’Action de carême et Pain pour le prochain, la situation est plus complexe. Les responsables de MUMI savent pertinemment qu’ils sont dans une réserve de chasse et n’ont rien fait pour clarifier la situation. Au contraire, ils ont « profité des incohérences du gouvernement congolais » pour s’installer durablement, fustigent-elles. Ils ont refusé, selon elles, le dialogue avec les acteurs chargés de la protection du site, notamment l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN). Déjà en 2006, la régisseuse du domaine de Basse-Kando avait écrit à Bazano, premier propriétaire de la concession et partenaire commercial de Glencore dans MUMI, pour dénoncer « une infraction aux lois congolaises sur les aires protégées ». Mais ni Bazano, ni Glencore plus tard, n’ont pris contact avec l’ICCN pour tenter de mettre les points les i. Pourtant, des structures indépendantes qui suivent le secteur des ressources naturelles ne cessent d’appeler ces sociétés au respect des règles environnementales. « Il faut que les industries extractives suivent le plan du développement local, qu’elles respectent les droits de l’homme et du travail, et s’attèlent à protéger l’environnement », avait rappelé Georges Bokundu, représentant de l’ONG SARW (South African Ressources Watch).

 

INFO BOX

  • En 2013, le chiffre d’affaires de Glencore était évalué à 239,7 milliards de dollars, plus de trente fois le budget de la RDC.
  • L’entreprise est présente dans plus de 50 pays au monde, notamment en Colombie, aux Philippines et en Zambie.
  • En 2011, sur 16,7 millions de dollars dépensés à titre de dépenses sociales, près de 15 millions ont été investis dans de grands projets d’infrastructures dont les principales bénéficiaires sont les filiales et non des communautés locales.