Les mandataires publics sommés de déclarer leurs patrimoines

Un moratoire de deux semaines a été accordé aux mandataires retardataires pour remplir l’acte de déclaration de patrimoine annuelle à l’OSCEP. Son directeur général rappelle que c’est une obligation légale doublée d’un devoir civique et patriotique. 

 

Pour l’exercice 2017, jusqu’à la mi-février, seul le directeur général de la Société minière de Kilo-Moto (SOKIMO SA), Jean-Baudouin Kodravele Yingatu, a déclaré son patrimoine à l’Observatoire de surveillance de la corruption et de l’éthique professionnelle (OSCEP). Il a rempli l’acte devant une officière de cet organisme public. Le directeur général de l’OSCEP, Saint-Augustin Mwendambali, a, pour la dernière fois, rappelé à l’ordre, le 15 février, les mandataires de l’État dans les entreprises publiques, les établissements et services publics, ainsi que dans les entreprises d’économie mixte. D’après lui, déclarer ses avoirs à cet observatoire est un devoir civique et patriotique, conformément au décret-loi n°017/2002 du 3 octobre 2002, portant Code de bonne conduite de l’agent public de l’État.

Éthique professionnelle

Récemment, le directeur général de l’OSCEP a usé de la pédagogie en conviant les mandataires publics à un échange au ministère de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale. Objectif : leur expliquer le bien-fondé de la déclaration de patrimoine. Grande a été sa déception de constater que la plupart des mandataires se sont excusés en faisant représenter.  Pourtant, l’Observatoire de surveillance de la corruption et de l’éthique professionnelle a solliciter les services d’un expert en la matière pour expliquer aux mandataires comment remplir l’acte de déclaration de patrimoine par l’agent public de l’État.

Saint-Augustin Mwendambali estime que la déclaration des avoirs s’inscrit dans le cadre de « la vision du chef de l’État qui prône une gestion des affaires de l’État pétrie de valeur de transparence ». Pour lui, « les dispositions pertinentes du Code de bonne conduite de l’agent public de l’État font obligation à chaque agent mandataire public de procéder, à son entrée en fonction, annuellement durant l’exercice et au terme de sa carrière ou de son mandat, à déclarer ses avoirs et dettes personnels et de ceux de sa famille immédiate auprès de l’organe compétent de l’Observatoire du Code de l’éthique professionnelle qui est devenu Observatoire de la surveillance de la corruption et de l’éthique professionnelle depuis juillet 2016. »

Il existe 17 catégories d’agents publics de l’État, dont le président de la République, les membres des deux chambres du Parlement, ainsi que ceux du gouvernement et les agents administratifs de tous les ministères… La constitution (article 99) fait, en effet, obligation à ceux qui nous dirigent et gèrent la chose publique de déclarer leurs biens ainsi que de ceux de leurs proches (mari ou épouse), même ceux des enfants mineurs et/ou adoptifs. En attendant le fonctionnement effectif de la Cour constitutionnelle, c’est à la Cour suprême que revient la tâche de communiquer à l’administration fiscale le patrimoine familial de chaque membre de l’exécutif.

La constitution de la République démocratique du Congo souligne, sans ambages, à propos de l’exécutif, qu’avant leur entrée en fonction et à l’expiration de celle-ci, le président de la République et les membres du gouvernement sont tenus de déposer, devant la Cour constitutionnelle, la déclaration écrite de leur patrimoine familial, énumérant… leurs biens immeubles, y compris terrains non bâtis, forêts, plantations, terres agricoles… et tous autres immeubles, avec indication des titres pertinents. Et que le patrimoine familial inclut les biens du conjoint selon le régime matrimonial, des enfants mineurs et des enfants, même majeurs, à charge du couple.

Faute de cette déclaration, endéans 30 jours, la personne concernée est réputée démissionnaire. L’on se rappelle que l’Assemblée nationale, en fait la majorité présidentielle (MP), avait rejeté la demande d’un audit des patrimoines déclarés par les ministres du cabinet Matata I, présenté par le député MLC Fidèle Babala… qui soutenait pourtant disposer des faisceaux d’indices de complaisance, de tromperie dans la présentation de ces patrimoines. La question rebondit depuis, à chaque remue-ménage au sein de l’exécutif national. Interrogé sur la question, le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga, a indiqué que « c’est systématiquement que les personnes entrant dans un gouvernement procèdent au greffe à la Cour suprême de justice qui fait office de Cour constitutionnelle à la déclaration de leurs biens. C’est aussi systématiquement que ceux qui sortent le font. »

Et d’ajouter que « l’article 99 de la constitution congolaise ne prévoit cependant pas la publication des biens déclarés dans les médias. Seule la Haute Cour est dépositaire de la déclaration de patrimoine… Les informations sont protégées par le secret professionnel des juges. Ce ne sont pas des choses qu’on dévoile au public. La loi ne le permet pas ». D’après Lambert Mende, « on ne va pas contrôler les gens sans qu’il y ait problème. On peut vérifier si le patrimoine déclaré correspond au patrimoine réel et si la différence n’est pas due à des prévarications sur le Trésor. » Pourtant, début 2016, dans le cadre de 28 mesures urgentes levées par le gouvernement, les mandataires des régies financières ont été conviés en toute urgence à déclarer leurs patrimoines. Il s’est agi notamment de la Direction générale des douanes et accises (DGDA), la Direction générale des impôts (DGI) et de la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGDA).

Mais d’où vient alors cette soudaine résolution du gouvernement d’imposer aux mandataires des régies financières à déclarer leurs avoirs ? Selon Lambert Mende, le gouvernement s’emploie d’ores et déjà à renforcer le régime des « sanctions positives et négatives » à l’égard des agents du fisc et des opérateurs économiques par la libération des montants dus au titre de la rétrocession aux services générateurs de recettes, la répression des agents impliqués dans la fraude et la corruption. En d’autres termes, il pèse de lourdes présomptions de corruption dans le chef de ceux qui sont censés renflouer les caisses de l’État.