Les raisons de l’adhésion de la RDC à la ZLECAF

La phase opérationnelle de la Zone de libre-échange continentale africaine a été lancée le dimanche 7 juillet à Niamey à l’occasion du 12è sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine. Félix Antoine Tshisekedi, le chef de l’État, y a pris part. Pourquoi et comment la RDC y a adhéré ? Décryptage.

LA ZONE de libre-échange continentale africaine (ZLECAF) est entrée en vigueur le 30 mai dernier dans la perspective de constituer un marché unique pour les biens et services à l’échelle continentale. Un marché fondé sur le principe de libre circulation des activités et des investissements. Très attendue, la ZLECAF représente un marché de 1,2 milliard de personnes. Selon ses concepteurs, elle créera un marché de 3 000 milliards de dollars, sans aucun droit de douane ni restriction à la frontière entre les États membres de l’Union africaine (UA).

Le commerce intra-africain représente actuellement environ 16 % du commerce total de l’Afrique, soit 2 % du commerce mondial, alors que les flux commerciaux intra-européens, par exemple, sont à hauteur de 67 %. La ZLECAF vise à stimuler le commerce intra-africain en offrant un accord commercial global et mutuellement bénéfique entre les États membres, couvrant le commerce des biens et des services, les investissements, les droits de propriété intellectuelle et la politique en matière de concurrence.

La ZLECAF supprimera progressivement les droits de douane et fera baisser les barrières non tarifaires en Afrique. Elle aidera à améliorer les infrastructures actuellement dans un état piteux et les postes frontaliers inefficaces et facilitera aussi la circulation des marchandises, des personnes ainsi que des fonds au sein du continent.

La ZLECAF stimulera également la croissance commerciale en reliant les économies fragmentées du continent dans un marché intégré. Cette zone va permettre à l’Afrique d’accélérer son développement en multipliant des échanges intra régionaux jusque-là jugés très faibles. En tout cas, lors du sommet de Kigali en mars 2018, les États membres de l’UA signataires de l’accord portant création de la ZLECAF ont donné un signal fort pour la consolidation et le renforcement des échanges commerciaux intra-africains. Pour rappel, l’idée de la création de cette zone avait été déclinée dans le Traité d’Abuja en 1991, qui dispose que les États africains doivent renforcer leurs Communautés économiques régionales (CER) en intégrant et en coordonnant leurs politiques commerciales.

La ZLECAF est alors lancée mais l’initiative ne finit pas de soulever des interrogations. Pourquoi en faire partie ? Quels sont les enjeux en termes de développement industriel dont il faut tenir compte et induire ? Faut-il se contenter seulement d’un marché de consommation ? Autant de questions qui ramènent à une réalité : cerner et comprendre les raisons de l’adhésion de la République démocratique du Congo, en tant que pôle intégrateur et compte tenu de sa position géostratégique. 

Fondement juridique

Dès lors, comment la RDC qui est à la croisée des chemins par rapport à tous les échanges que va générer la ZLECAF, va-t-elle tirer profit de l’initiative, en termes de développement, d’infrastructures et d’industrialisation pour ne pas être qu’un marché de consommation ? Pour répondre à cette question, il convient de comprendre le fondement juridique de la ZLECAF. C’est Accord vient en réalité mettre en œuvre la décision (Assembly/AU/Dec.394(XVIII) de la conférence des chefs d’État et de gouvernement, adoptée au cours de sa dix-huitième session ordinaire tenue les 29 et 30 janvier 2012 à Addis-Abeba (Éthiopie), relative au cadre, à la feuille de route et à l’architecture concernant l’accélération de la création rapide de la Zone de libre-échange continentale africaine et au Plan d’action pour la stimulation du commerce intra-africain.

D’aucuns se demandent en quoi l’existence d’une zone de libre-échange continentale africaine peut offrir des possibilités commerciales qui changeront le visage de l’industrialisation en Afrique, conformément à l’Agenda 2063. La ZLECAF, explique-t-on, représente un produit intérieur brut (PIB) de 2 500 milliards de dollars dans l’ensemble des 55 États membres de l’UA. Du point de vue du nombre des pays participants, elle sera la plus grande zone de libre-échange du monde depuis la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

La ZLECAF est également un marché très dynamique. Selon les projections, l’Afrique comptera 2,5 milliards de personnes à l’horizon 2050, soit 26 % de la population mondiale en âge de travailler, et verra son économie croître deux fois plus rapidement que celle des pays développés. Avec des tarifs moyens de 6,1 %, les entreprises sont actuellement confrontées à des droits de douane plus élevés lorsqu’elles exportent en Afrique plutôt qu’en dehors du continent.

Croissance durable

En éliminant progressivement les droits de douane sur le commerce intra-africain, la ZLECAF permettra aux entreprises africaines de négocier plus facilement sur le continent, de répondre aux demandes du marché africain en pleine croissance et de profiter des avantages offerts par ce dernier. L’intégration du continent en une zone d’échanges commerciaux unique offre de grandes possibilités aux entreprises commerciales et aux consommateurs dans toute l’Afrique et permet d’assurer un développement durable en Afrique qui est la région la moins avancée du monde. La Commission économique pour l’Afrique (CEA) estime que la ZLECAF pourrait accroître le commerce intra-africain de 52,3 % en éliminant les droits de douane à l’importation, et le doubler si les obstacles non tarifaires sont également réduits.

Les experts de l’UA soulignent que le commerce intra-africain stimulera la croissance durable et l’emploi. D’après eux, les exportations industrielles de l’Afrique devraient bénéficier le plus de la ZLECAF. Ce qui est important pour diversifier le commerce du continent et l’encourager à réduire progressivement la place accordée aux ressources extractives, comme le pétrole et les minéraux. Ces derniers représentent, de longue date, la majeure partie des exportations africaines, au profit d’une base d’exportation plus équilibrée et durable. 

Les ressources extractives représentaient plus de 75 % des exportations hors continent de l’Afrique entre 2012 et 2014, alors qu’elles comptaient pour moins de 40 % du commerce intra-africain. Le grand risque associé à des produits comme le pétrole et les minéraux est leur volatilité. La situation budgétaire et économique d’un trop grand nombre de pays africains dépend des aléas des cours de ces produits. Les mêmes experts notent que l’exploitation de la ZLECAF pour abandonner les exportations des ressources extractives permettra d’assurer des échanges commerciaux plus durables et inclusifs et moins tributaires des fluctuations des cours des produits de base. 

Peut-être plus important encore, la ZLECAF génèrera des emplois pour la jeunesse africaine en pleine expansion. En effet, les exportations des ressources extractives sur lesquelles le commerce africain repose actuellement exigent une main-d’œuvre moins abondante que les produits manufacturés et agricoles qui seront les principaux bénéficiaires de la ZLECAF. En favorisant l’avènement d’un commerce à plus forte intensité de main-d’œuvre, la ZLECAF contribuera à créer plus d’emplois.