L’Est échappe de plus en plus à la SNEL

L’Ouganda va fournir son énergie à Beni, Butembo et Bunia d’ici 2020. D’aucuns redoutent déjà que ce secteur stratégique ne soit sous le contrôle des pays accusés d’être à la base de l’instabilité en RDC, même s’il est libéralisé. 

Partout dans le pays, la Société nationale d’électricité (SNEL) n’a pas bonne presse. L’électricité fournie n’est jamais au goût des consommateurs, ménages et unités de production. Dans l’Est, d’aucuns se réjouissent que de la signature d’un accord d’interconnexion entre l’Ouganda et la République démocratique du Congo.

Au terme de cet accord, le gouvernement ougandais va apporter 22 millions de dollars dans le financement du projet, en plus de 150 millions comme appui financier de la Banque africaine de développement (BAD). Selon le protocole d’entente qui a été signé à Kampala, une ligne de transport du courant partira du district de Kasese dans l’Ouest de l’Ouganda pour alimenter les villes de Beni et Butembo dans le Nord-Kivu, ainsi que la ville de Bunia dans la province de l’Ituri.

Côté cour, la ministre ougandaise, Irène Muloni, s’est félicitée de l’engagement de la BAD à financer ce programme. Sauf imprévu, le projet pourra se réaliser en 2019. Outre la construction de la ligne électrique 220 kV double terne (352,2 km), il est prévu également la construction de 3 postes, la réhabilitation et l’extension d’un poste, ainsi que l’électrification rurale par poste, à couplage capacitif pour alimenter 5 villages situés à plus ou moins 10 km le long de la ligne.

Le ministre de l’Énergie et des Ressources hydrauliques, Jean-Marie Ingele Ifoto, a, quant à lui, remercié les présidents Joseph Kabila Kabange et Yoweri Museveni Kaguta pour « leur politique de bon voisinage » et de « rapprochement harmonieux » des deux peuples en vue de « partager en commun le fruit du potentiel énergétique dans la sous-région. »

Côté jardin, des voix se lèvent pour dénoncer cet accord, qui met la RDC dans la situation de l’arroseur arrosé. En effet, après l’Afrique du Sud qui va voler au secours de l’industrie minière du Katanga avec un apport de 200 MW sur un déficit d’au moins 600 MW dans l’offre de la SNEL, c’est maintenant le tour de l’Ouganda d’alimenter la RDC en électricité. Les institutions financières internationales, notamment la Banque mondiale, sont accusées d’être complices de la « privatisation du secteur de l’électricité » en RDC.

État des lieux

La vérité est que la SNEL est dans l’incapacité d’assurer le monopole du secteur d’électricité et de fournir l’électricité de bonne qualité. D’où, la nécessité d’ouvrir le secteur aux investisseurs privés. La SNEL ne peut pas se développer, ni améliorer la qualité de son électricité, ni répondre aux besoins de la population, car son outil de production est devenu obsolète. L’offre énergétique du moment.

La capacité installée est d’environ 2 500 MW, dont 2 463 MW en hydroélectricité. Le taux de disponibilité de la puissance installée est de 56 %. L’offre à l’horizon 2020 sera de 2 600 MW grâce à la réhabilitation des centrales publiques d’Inga, de Zongo et du Katanga et à la construction des centrales hydroélectriques de Kakobola, Grand Katende, de Zongo II  et de la centrale à gaz de Muanda et à charbon de Luena. La demande à l’horizon 2030 sera de 6 000 MW.

Les causes principales du déficit sont l’immobilisation d’une bonne partie des machines du parc de production : 8 sur 19 à l’Ouest (Kongo-Central) et 7 sur 17 au Sud (Katanga) ; la réduction du productible des centrales hydroélectriques du Katanga et d’Inga suite à l’insuffisance des apports d’eau dans le fleuve Congo sur lequel sont érigées les 4 plus grandes centrales du pays : Inga I (351 MW), Inga II (1724 MW), Nzilo (108 MW) et Nseke (230 MW) ; l’augmentation de la demande suite à la renaissance de l’industrie minière et à la reprise économique, en général, sans nouvelles infrastructures de production d’électricité…

L’importation du courant est prévue dans la stratégie du gouvernement. Par exemple, le maintien, et au besoin l’augmentation, de l’importation d’électricité à partir de la Zambie, tirage des lignes 220 kV Goma-Rutshuru-Butembo-Beni et Nkenda (Ouganda)-Beni-Butembo-Bunia.

Les projections de l’évolution de l’offre et de la demande en énergie électrique ont montré que le déficit pouvait être résorbé à l’horizon 2017 moyennant l’accélération des travaux de réhabilitation et modernisation des infrastructures de production, de transport et de distribution financés par les partenaires ; la construction de nouvelles centrales hydroélectriques, à gaz, à charbon et solaires avec lignes associés ; la mise en œuvre du plan d’économie d’énergie et d’efficacité énergétique ; l’application de la nouvelle loi du secteur de l’électricité et des tarifs rémunérateurs ; la prise en compte du facteur énergie électrique dans les plans d’investissement des exploitants miniers et appui des autres partenaires…