L’État souffle le chaud et le froid

Le code minier les met en exergue et les définit comme les substances minérales précieuses possédant les propriétés particulières qui leur donnent ainsi une valeur marchande élevée. Mais voilà que le gouvernement renonce à la caution.

L’État congolais a renoncé à percevoir des cautions sur les comptoirs des pierres de couleur depuis la fin du premier trimestre 2017, renseigne le ministère des Mines sans en avancer les motivations. Toutefois, selon une source à la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations (DGRAD),  la caution des comptoirs des pierres de couleur serait cédée aux administrations provinciales. La mesure serait élargie même aux comptoirs d’or et de diamant. Et pourtant au premier trimestre 2017, du temps du gouvernement Badibanga, le Trésor public a perçu plus de 36,2 millions de francs de caution alors que les prévisions n’étaient que de 22,5 millions de. La DGRAD a donc noté un taux de réalisation de 160,8 %.

En 2016, la caution a été perçu avec un taux de réalisation de 195 %, soit quasiment 188 millions de francs des recettes sur des assignations de 90,2 millions. En 2015, les comptoirs ont payé près de 213 millions de francs de caution alors que les assignations du ministère des Mines n’étaient que de 89,6 millions. Par ailleurs, la quotité de la taxe ad valorem à payer à chaque exportation des pierres de couleur de production artisanale pour le Trésor public n’a plus jamais été perçue depuis des lustres. En tout cas, les statistiques du ministère des Mines sous couvertes par la DGRAD affichent zéro franc au cours de quatre derniers exercices.

Il sied de noter que la dernière révision des actes générateurs de recettes dans le secteur minier remonte à 2013. Et la caution des comptoirs des pierres de couleur ainsi que la quotité de la taxe ad valorem à payer à chaque exportation des pierres de couleur de production artisanale pour le Trésor public reviennent au gouvernement central.

Dix comptoirs établis en RDC 

D’ailleurs, fin 2016, la Cellule technique de coordination et de planification minière (CTCPM), qui dépend du ministère national des Mines, a officiellement répertorié 10 comptoirs d’achat et de vente des pierres de couleur dont trois à Kinshasa et cinq au Nord-Kivu. Le plus grand comptoir se trouve dans la province du Haut-Katanga à Lubumbashi. International China Africa Mining (ICAM Group Sarl), puisque c’est de cette entreprise qu’il s’agit, serait-elle même passée dans la phase de production. Hélas, le ministère des Mines n’a pas de statistiques ni de production, ni d’achat, ni de vente par des comptoirs des pierres de couleur.

Selon des experts, les  entreprises des pierres précieuses de couleur sont complètement différentes de celles de diamant ou d’or. Les pierres de couleur, contrairement aux diamants, sont la plupart du temps extraites par des mineurs indépendants, des petits exploitants miniers, qui travaillent dans des pays comme Colombie, Bolivie, Sri Lanka, Birmanie, Pakistan, Madagascar,  Tanzanie, au Kenya… Il convient de relever que la RDC n’est pas comptée parmi les pays producteurs de pierres de couleur.

L’extraction s’effectue à la pioche et la pelle, et rarement avec des équipements lourds, font savoir les experts de Gemselect, une des grandes firmes mondiales d’achat et de vente des pierres de couleur. Et de poursuivre que les pierres de couleur atteignent le marché de diverses manières, bon nombre d’entre elles impliquant des affaires relativement petites entre des hommes d’affaires indépendants. En Thaïlande, l’un des centres mondiaux d’échange et de traitement des gemmes de couleur, la plupart des gemmes sont taillées par des petites entreprises. L’offre de pierres de couleur est constamment en mouvement en fonction de la production des mines à travers le monde. Et les prix sont en constante évolution aussi bien selon l’offre que la demande. Parce qu’il y a un marché libre des pierres précieuses de couleur, il existe de nombreuses opportunités pour les acheteurs intelligents qui connaissent le marché, notent les experts.

Selon le chercheur Aurélien Reys de l’université Paris-Diderot Sorbonne, l’équivalent de 3,7 milliards de dollars de pierres de couleur aurait été échangé dans le monde en 2010, soit le double des exportations réalisées en 2000. Les pierres de couleur taillées rubis, saphirs, et émeraudes représentent à elles seules la moitié de la valeur de ces échanges et sont en légère augmentation. Les exportations de pierres brutes sont par contre en légère diminution depuis dix ans et ne représentent que 10 % de la valeur totale des exportations réalisées, traduisant certainement une volonté accrue des pays à organiser leur production afin que les pierres extraites soient taillées avant d’être exportées.

La boulimie chinoise

La Chine se présente depuis 2010 comme le partenaire privilégié de nombre de pays extracteurs, dont le principal est Madagascar. L’Uruguay y exporte  la quasi totalité de ses quartz et améthystes (pour 4,8 millions de dollars en valeur, soit 15 107 tonnes) et le second partenaire du Brésil (12 178 tonnes). Si les pierres les plus recherchées sont généralement de moindre qualité, les quantités importées restent néanmoins gigantesques et font du géant asiatique l’acteur émergent du début de ce troisième millénaire.

Ses importations de gemmes de couleur ont en effet été multipliées par huit en dix ans et ont pour principal objet d’alimenter son marché de consommation national et sa filière de production bijoutière. D’autres pays asiatiques se sont imposés sur la scène internationale comme des intermédiaires influents, tel Singapour qui a multiplié par cinq ses importations entre 2000 et 2017, et par près de quinze ses exportations qui atteignent aujourd’hui 85 millions de dollars en moyenne.

D’autres pays comme la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Autriche et l’Afrique du Sud, ont renforcé une position continentale favorable principalement par le développement de leurs activités de commerce et de taille. Pourtant, le code minier met en exergue les pierres précieuses qu’il définit comme les substances minérales précieuses constituées d’un ou de plusieurs éléments chimiques et possédant les propriétés particulières qui leur donnent ainsi une valeur marchande élevée. Le code minier en compte six à savoir diamant, émeraude, rubis, saphir, chrysobéryl et topaze. Et la durée du permis de recherches des pierres précieuses est de quatre ans renouvelable deux fois pour une période de deux ans à chaque renouvellement, alors que celle des autres substances minérales est de cinq ans renouvelable deux fois pour une durée de cinq ans à chaque renouvellement.