L’ONU appelle à une forte mobilisation

 

Selon les Nations Unies, près de 2,4 milliards de personnes d ans le monde n’ont pas encore accès à un meilleur assainissement. Et un nombre croissant de régions et de pays connaissent une augmentation du stress hydrique, exacerbée par la croissance rapide de la population, l’urbanisation et bien sûr le changement climatique. Tous ces problèmes et tant d’autres ont été évoqués dans la capitale suédoise lors des travaux de la Semaine mondiale de l’eau. Pour le président de l’assemblée générale de l’ONU, Peter Thompson, l’eau et l’assainissement occupent une place centrale parmi les 17 Objectifs de développement durable (ODD) qui ont été universellement adoptés par les 193 États membres des Nations Unies en septembre 2015.

D’après lui, avec l’Accord de Paris sur le climat, la mise en œuvre des 17 ODD représente la meilleure chance pour l’humanité d’atteindre un mode de vie durable sur la planète Terre avant qu’il ne soit trop tard. Il a encouragé la communauté internationale à s’unir et à se mobiliser dans une action globale concertée en faveur de l’ODD n° 6, c’est-à-dire garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau. Lors de l’évaluation des Objectifs du millénaire pour le développement en septembre 2015 à l’ONU, il a été constaté que les progrès étaient insuffisants en vue d’une amélioration du cadre de vie des ménages en matière de desserte en électricité ainsi que d’accès à l’eau potable, l’assainissement et au logement.

La situation en RDC

En République démocratique du Congo, la proportion de la population utilisant une source d’eau améliorée a atteint la moitié de la population en 2014 contre une cible fixée à 71 %. Tandis que la proportion de la population utilisant des infrastructures d’assainissement améliorées est passée à 20,5 % en 2013, alors que la cible à atteindre était fixée à 55 %. Les logements ne répondent pas encore aux normes de salubrité et les disparités sont criantes entre milieu rural et milieu urbain.

Les cibles des huit OMD ont été inscrites de manière cohérente dans les différents programmes d’actions du gouvernement et dans le Document de stratégie pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSCRP). Des programmes macroéconomiques et des programmes sectoriels ont été ainsi mis en œuvre parmi lesquels le Programme intérimaire renforcé (PIR), le Programme économique du gouvernement (PEG), le Programme national de lutte contre le sida (PNLS), le Programme national multisectoriel de lutte contre le sida (PNMLS), le Programme national de nutrition (PRONANUT), le Programme national de santé à la reproduction (PNSR), le Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), le Programme cadre de création d’emplois et de revenus (PROCER), le Programme multisectoriel d’urgence de réhabilitation et reconstruction (PMURRR), etc.

L’expérience du dispositif DSRP en RDC présente des acquis, notamment aux niveaux de l’implication nationale, du développement des capacités de mise en œuvre et de suivi des programmes ainsi que de la décentralisation du processus aux niveaux sectoriel et provincial.

Le financement des OMD a nécessité des ressources importantes. À titre illustratif, l’évaluation du coût global de différentes interventions pour l’atteinte des cibles des OMD à l’horizon 2015, spécifiquement dans les huit secteurs prioritaires (agriculture et lutte contre la faim, éducation, genre, santé, eau et assainissement, transports, énergie et environnement), a révélé que pour la période allant de 2009 à 2015, il a fallu mobiliser 101,3 milliards de dollars, soit un coût moyen/habitant autour de 135,8 dollars en 2009 et 242,6 dollars en 2015 alors que le PIB/habitant s’est chiffré à 96,5 dollars en 2009 et a été estimé à 273,9 dollars en 2015.

Dans le cadre du second mandat du président Joseph Kabila, le gouvernement s’est doté d’un nouveau programme d’action (PAG) couvrant la période 2012- 2016. Ce dernier poursuivait 6 objectifs conformes aux orientations du DSCRP 2 et de la Déclaration du millénaire : poursuivre et finaliser les réformes institutionnelles afin de renforcer l’action de l’État (Objectif 1) ; consolider la stabilité macroéconomique, accélérer la croissance et créer des emplois (Objectif 2) ; poursuivre la modernisation des infrastructures (Objectif 3) ; améliorer le cadre de vie et les conditions sociales (Objectif 4) ; renforcer le capital humain et l’éducation à la citoyenneté (Objectif 5) ; et renforcer la diplomatie et la coopération au développement (Objectif 6).

Le préalable des infrastructures

Nombre d’observateurs pensent qu’avoir accès à une eau potable propre et sûre ainsi qu’à des systèmes d’assainissement adéquats passe par l’amélioration des infrastructures. D’après eux, les effets d’une amélioration supplémentaire des infrastructures africaines sur la croissance pourraient être encore plus importants. En effet, des simulations suggèrent que si tous les pays africains rattrapaient l’Île Maurice, le leader régional en matière d’infrastructures, la croissance par habitant en Afrique pourrait augmenter de 2,2 points de pourcentage. Rattraper la République de Corée l’augmenterait de 2,6 points de pourcentage par an. En Côte d’Ivoire, en RDC et au Sénégal, les effets seraient encore plus importants.

Il est donc peu probable que les pays africains atteignent les ODD, notamment ceux relatifs à l’eau et à l’assainissement. Il appert que l’accès universel à ces services ainsi qu’à d’autres par les ménages ne pourrait être possible qu’à l’horizon 2060 dans la plupart de ces pays. Même là où les réseaux infrastructurels sont déjà en place, la majorité de ménages n’est toujours pas raccordée, sans doute parce que l’accès universel comprend plus que la mise en route physique des réseaux.

Le constat est aussi que la densité de population urbaine est relativement faible par rapport aux normes mondiales, ce qui ne permet pas de bénéficier de fortes économies d’échelle dans la fourniture des services d’infrastructure. En conséquence, les coûts de la fourniture d’un train de services infrastructurels de base peuvent facilement être deux fois plus élevés que ceux d’autres villes du monde en développement. Par exemple, les ressources en eau de l’Afrique sont abondantes, mais les infrastructures de stockage et de distribution sont insuffisantes ou largement sous-exploitées.

C’est pourquoi la sécurité liée à l’eau demandera une augmentation substantielle de la capacité de stockage de l’eau, actuellement de 200 m3 par habitant. Dans d’autres parties du monde, une telle capacité est de l’ordre de milliers de m3. Les coûts de l’extension du stockage de l’eau sont extrêmement élevés par rapport à la taille des économies d’Afrique, d’où il faut beaucoup d’investissements progressifs, concentrés au départ sur la sécurité des ressources en eau des pôles de croissance clés. L’eau doit aussi être distribuée à des fins agricoles. Seuls 7 millions d’ha situés dans une poignée de pays sont équipés pour l’irrigation. Bien que ces surfaces représentent moins de 5 % des surfaces cultivées de l’Afrique, elles génèrent 20 % de la valeur de la production agricole. Environ 12 millions d’ha supplémentaires pourraient être rendus économiquement viables sous irrigation à condition que les coûts soient maîtrisés.

Le constat est également que les services d’infrastructure sont deux fois plus élevés en Afrique qu’ailleurs. Non seulement les réseaux d’infrastructures d’Afrique sont déficients, mais le prix des services fournis est très élevé par rapport aux normes mondiales. Que ce soit pour l’énergie, l’eau, le transport routier, la téléphonie mobile ou les services Internet, les tarifs africains sont fortement supérieurs à ceux pratiqués dans les autres parties du monde en développement.

Les besoins de l’Afrique en infrastructures sont évalués à environ 100 milliards de dollars par an, selon la Commission économique pour l’Afrique (CEA). La satisfaction des besoins d’infrastructure de l’Afrique exige un important programme d’investissement dans l’infrastructure et l’entretien. Environ un tiers des besoins d’investissement dans l’énergie (quelque 9 milliards de dollars par an) est associé au stockage d’une eau à usage multiple pour la gestion de l’énergie hydraulique et des ressources en eau. Après l’énergie, l’alimentation en eau et l’assainissement suivis des transports sont les postes de dépense les plus importants. Par exemple, les dépenses de l’alimentation en eau et de l’assainissement sont déterminées par la réalisation des ODD. C’est dans les États fragiles que l’envergure des défis en matière d’infrastructure est, et de loin, la plus grande. Les conflits récents qui ont affecté ces pays ont généralement mené à la destruction ou au démembrement de leurs (déjà modestes) parcs infrastructurels nationaux.