L’ouverture du marché chinois aux entreprises étrangères est une réforme majeure

Censée entrer en application le 1er janvier 2020, la nouvelle loi devrait attirer davantage de capitaux étrangers. Cependant, elle est critiquée d’être taillée sur mesure pour plaire aux Américains dans les négociations sur la guerre commerciale entre Pékin et Washington. Décryptage.

LA NOUVELLE loi sur les investissements étrangers en Chine a été adoptée le 15 mars par l’Assemblée populaire nationale (APN). Voté à une large majorité des députés (2 929 voix pour, huit contre et huit abstentions), ce texte, censé garantir davantage d’équité aux entreprises étrangères sur le marché chinois, est considéré comme une réponse aux pressions de Washington. C’est dont se défend Pékin.  Néanmoins, cette loi chinoise qui entrera en application en janvier prochain, innove en plusieurs points. Par exemple, elle interdit aux « fonctionnaires chinois d’utiliser des moyens administratifs pour forcer les entreprises étrangères à transférer leur technologie ». Les investisseurs étrangers doivent pouvoir jouir de « l’égalité de traitement » et « d’accès aux marchés » par rapport à leurs homologues chinois, « sauf dans les secteurs protégés » par le gouvernement chinois. La Chine se réserve par ailleurs le droit de prendre des mesures de rétorsion contre les pays discriminants à l’égard des investissements chinois avec des « mesures correspondantes »…Avec « les provisions unifiées pour l’accès, la promotion, la protection et la gestion des investissements étrangers », cette nouvelle loi devient fondamentale pour les investissements étrangers en Chine. Elle vise à la fois à améliorer la transparence des politiques vis-à-vis des investissements étrangers et à s’assurer que les sociétés nationales et étrangères font l’objet d’une série de règles unifiées et d’une concurrence loyale.

De toute évidence, cette loi qui est une réforme majeure pour l’ouverture du marché chinois, devrait attirer davantage de capitaux étrangers. Elle ne serait pas taillée sur mesure pour faire un clin d’œil aux Américains dans la guerre commerciale qui oppose Pékin à Washington, selon Li Keqiang. Le 1ER Ministre chinois a assuré lors de la conférence de presse après le vote à l’APN qu’il s’agit tout simplement des « mesures de régulation impartiales ». 

D’après lui, il est aussi question de « protéger la vie privée des individus », étant donné que l’espionnage des individus comme celui des entreprises est illégal en Chine. « Ce n’est pas comme ça que la Chine se comporte. Nous n’avons jamais fait cela et nous continuerons à ne jamais le faire dans le futur », a-t-il fait savoir. Dans le texte qui a été soumis au vote des députés, figuraient les sujets qui fâchent entre les deux puissances, notamment la propriété intellectuelle et le vol des technologies. Les entreprises chinoises sont accusées de voler les technologies d’entreprises américaines. C’est le cas avec l’emblématique affaire Huawei, groupe chinois traîné en justice par l’Administration Trump.

Attentes déçues ?

Cependant, estiment certaines entreprises, notamment américaines, cette loi qui était très attendue par les partenaires occidentaux, ne va pas assez loin. En cause : elle comporte des « clauses restrictives » que les compagnies étrangères sont toujours tenues de respecter en Chine. Ce pays a entrepris des réformes économiques au moment où son économie ralentit. Selon la loi chinoise, les droits de propriété intellectuelle des investisseurs étrangers seront protégés.  Mais le texte n’interdit pas explicitement aux entreprises privées chinoises d’imposer les transferts de technologie. D’où les inquiétudes de la Chambre européenne de commerce à Pékin. Washington fait aussi la même critique : la loi autorise l’État chinois à prendre le contrôle des actifs étrangers quand l’intérêt public est menacé. Ou à évaluer les entreprises étrangères dont l’activité pourrait affecter la sécurité nationale. Des termes flous qui ne sont pas pour rassurer les investisseurs étrangers. La mise en œuvre de la loi constitue également un grand point d’interrogation : ce sont les gouvernements locaux en Chine qui devront veiller à son application, notamment gérer des bureaux de plaintes pour les entreprises. Mais est-ce que la justice locale jouera-t-elle vraiment le jeu et acceptera-t-elle de donner raison à des entreprises étrangères contre des entreprises locales en cas de litige ? Est-ce que les entreprises chinoises, qui sont encore souvent des entreprises subventionnées et qui évoluent dans le giron de l’État, seront incitées à jouer le jeu de la concurrence ? C’est surtout ce genre de garanties que les investisseurs attendaient.