Ngoy Kasanji redoute les effets de la crise sociale à la MIBA

Quelque 3 000 agents de la Minière de Bakwanga envisagent ferme de battre le pavé à Mbuji-Mayi. Ils réclament leurs dus, réduits pourtant de trois quart. Le climat étant délétère dans la ville, le Gouv de province s’emploie à calmer le jeu. 

Ngoy Kasanji, gouverneur du Kasai-Oriental

 

Le gouverneur de la province du Kasaï-Oriental, Alphonse Ngoyi Kasanji, a réuni, il y a quelques jours, le staff dirigeant et les représentants des travailleurs de la Minière de Bakwanga (MIBA), dans l’espoir d’obtenir un modus vivendi. Mais ventre affamé, n’ayant point d’oreille… avec plus de 50 mois d’arriérés des salaires, la conciliation recherchée par le Gouv a peu de chance de séduire les travailleurs qui ont perçu les derniers salaires émiettés à la mi-2013!

Récupération politique 

Pour Ngoy Kasanji, il faut éviter toute récupération politique dans une province réputée bastion de l’opposition et en proie à des menées subversives des miliciens Kamuina Nsapu. Ceci est établi depuis des lustres : quand la MIBA éternue, toute la région du Kasaï attrape un gros rhume fébrile. Et l’effet de domino dans les milieux d’affaires et les couches sociales est fort déstabilisateur pour les pouvoirs publics. Déjà, le prix de vente du carat de diamant est, contrairement aux places internationales, en baisse sensible dans le Kasaï. Un carat de gemme qui se négociait à 500 dollars, se vend actuellement à 350 dollars alors que le board black, diamant de qualité inférieure, s’achète à 250 dollars contre 350, fin décembre 2016.

La MIBA en fait les frais. Et la colère se lit sur les visages des travailleurs. Fin février 2017, quelque 460 tôles ondulées qui formaient la toiture de l’ex-usine de triage de diamant, ont été démontées et emportées dans un secteur présumé de haute de sécurité dans le polygone de la Minière. Selon les premières enquêtes, il appert que ce sont des agents de la MIBA, impayés depuis des lustres, qui se seraient crus en droit de récupérer ces tôles pour couvrir leurs propres toits.

Effet Kamuina Nsapu

Plus de 800 familles déguerpies de la zone au mois de novembre 2016 sont revenues en force, entraînant derrière elles des dizaines d’autres ménages devenus sans abris et sans domicile fixe. Chasser derechef ces infortunés dont des anciens de la MIBA reviendrait à allumer une mèche déjà trempée dans du pétrole. Ngoy Kasanji le sait pertinemment. Mais il reste qu’il faut, sans délai,  de l’argent pour payer les travailleurs de la Minière. Kinshasa peine à transformer ses promesses en acte. Le Gouv l’aurait maintes fois déploré à demi-mots. Le DG de la MIBA, Dieudonné Mbaya Tshakanyi, est pourtant revenu début mars de Kinshasa avec des assurances du 1ER Ministre sortant, Samy Badibanga Ntita, notamment sur la certification des gisements diamantifères avec l’appui des partenaires et l’amélioration de la situation sociale du personnel.

Samy Badibanga n’aura même pas fait le déplacement de la ville diamantifère. Le tout nouveau 1ER Ministre, Bruno Aubert Tshibala, a promis de s’y rendre. Mais à quelle fin? La MIBA a urgemment besoin au bas mot de 35 millions de dollars. Déjà, elle accuse une dette sociale d’au moins 150 millions de dollars, selon sa commissaire aux comptes, Eliane Munkeni. Qui réclame voilà deux ans la déclaration de mise en faillite de la MIBA conformément au droit OHADA. La MIBA ne tient plus que par la volonté sociopolitique de ses dirigeants. Mais pour le conseil d’administration de la Minière, il faut accorder le temps au temps… « La démarche actuelle a été de construire d’abord un plan d’urgence qui court sur une période de maximum deux ans afin de permettre de construire le futur. En effet, après le démarrage de ce Plan, nous devons être en mesure, endéans les six mois, de mettre au point un programme de relance ambitieux pour le long terme. Le Plan d’urgence intègre un certain nombre de remboursements à des créanciers, notamment concernant les dettes fournisseurs. La dette publique et la dette sociale méritent une étude approfondie qui fera partie de notre Plan de Relance », lit-on dans une correspondance sous seing du PCA de la Minière. « Pour la dette publique, après une démarche de réconciliation des comptes, nous allons certainement nous engager dans une demande de moratoires transitoires. Pour la dette sociale, sans abuser de la patience et de la compréhension de nos travailleurs, nous allons nous engager dans un dialogue qui puisse préserver les intérêts des travailleurs et de la société sur le long terme. Nous sommes convaincus que l’État congolais, qui est notre actionnaire principal, nous accompagnera dans ces démarches en tant que pouvoirs publics », poursuit la lettre du PCA.

Hélas, la démarche du conseil d’administration qui reposait sur la possibilité de recapitaliser la société afin de diminuer ou annuler l’endettement et permettre le retour vers un accès aux capitaux à risque a tourné au désespoir. Après les Chinois de Mercure, les Indiens de PML, les Américains d’EDS semblaient  avoir la recette magique pour la sortir de la zone des turbulences. Le redressement de la Minière de Bakwanga passe par un démembrement grâce auquel plusieurs entreprises minières, plutôt compétitives, naîtraient avec des projets de développement social. Malheureusement, le phénomène Kamuina  Nsapu se dresse en un obstacle de taille. Quoique quelque 400 miliciens aient déposé, fin mars 2017, leurs armes, l’insécurité demeure permanente dans la région au point que les derniers investisseurs, a-t-on appris, désireux de relancer la Minière de Bakwanga auraient finalement résolu de renvoyer sine die leur entreprise.