Paul Gardner Allen, le milliardaire philanthropique, a tiré sa révérence

Co-fondateur en 1975 avec Bill Gates du géant américain de l’informatique Microsoft, il est décédé lundi 15 octobre à 65 ans des suites d’un cancer, ont annoncé sa famille et son entreprise Vulcan.

YEUX CLAIRS, lunettes et fins cheveux blonds, Paul Allen est mort des complications d’un lymphome non-hodgkinien, à Seattle dans le Nord-Ouest des États-Unis, ont indiqué sa famille et son entreprise dans un communiqué. Au début de ce mois, Paul Allen avait annoncé que cette maladie, traitée une première fois en 2009, avait récidivé, mais que les médecins étaient « optimistes ».

Saluant un « de ses plus proches amis », qui « méritait plus de temps », Bill Gates a estimé que « l’informatique personnelle n’aurait jamais existé sans lui », selon une déclaration citée par la presse américaine. Paul Allen avait quitté Microsoft créé avec Bill Gates en 1983 pour fonder et présider la société d’investissement Vulcan dont le siège est à Seattle et qui gère des actifs dans la culture, l’immobilier, les médias et le sport. Sa fortune était estimée lundi 15 octobre après sa mort à 20,3 milliards de dollars, selon le magazine Forbes. 

Pour Steve Ballmer, un autre ancien de Microsoft et ex-patron du groupe, que Paul Allen accusait aussi d’avoir tenté de l’arnaquer dans les années 1980, a évoqué sur Twitter « un grand mentor ». Le patron de Google Sundar Pichai a quant à lui salué un « grand pionnier » du monde de la technologie.

Malgré une histoire compliquée avec le géant des logiciels, Satya Nadella, le patron de Microsoft a salué la mémoire de son co-fondateur, qui « a créé des produits, des expériences et des institutions magiques, et en le faisant (…) a changé le monde », selon un communiqué. « Sa curiosité et son exigence de haute qualité sont des choses qui vont continuer à m’inspirer, ainsi que nous tous chez Microsoft », lui a-t-il rendu hommage, saluant « des contributions indispensables pour notre entreprise, notre industrie et notre communauté ».

Le monde du sport lui a aussi rendu hommage, notamment Roger Goodell, le président de la Ligue nationale de football américain (NFL), qui a écrit dans un communiqué que « sa passion pour le jeu, combinée à sa détermination tranquille, ont conduit à une organisation modèle, tant sur qu’en dehors du terrain ». Pour sa part, Adam Silver, le président de la NBA (basket-ball) a salué la « vision » et « la générosité » du disparu.

Pavé dans la mare

Paul Allen avait fait parler de lui avec son autobiographie « Idea Man » (Homme d’idées) en 2011, dans laquelle il affirmait notamment que Bill Gates aurait comploté pour réduire ses parts dans le géant du logiciel Microsoft. De quoi s’agit-il ? Pour Bill Gates, sans son ami d’enfance, connu sur les bancs de l’école, « l’informatique personnelle n’aurait jamais existé ».

En 1983, Paul Allen s’était pourtant fâché avec Bill Gates et claqué la porte de Microsoft qu’ils ont co-créé en 1975. Dans son autobiographie, il a affirmé que Bill Gates avait tenté de « l’arnaquer ». Les deux hommes avaient fondé « Micro-Soft » après qu’un test a prouvé la valeur de leur programme BASIC, et Paul Allen affirmait également dans son livre qu’il avait toujours escompté qu’ils se partageraient la société à 50/50. 

« Mais Bill avait une autre idée », se réservant 60 % parce qu’il aurait accompli une plus grande partie du travail de programmation », explique Paul Allen. En 1977, ils signent un accord : 64 % du groupe pour Gates, 36 % pour Allen. Mais en 1982, il surprend une conversation entre Bill Gates et Steve Ballmer, un autre dirigeant du groupe, discutant « de la façon dont ils pourraient diluer mes parts dans Microsoft en s’accordant des options, à eux-mêmes et à d’autres actionnaires », selon la version de Paul Allen.

En dépit d’une lettre d’excuses de six pages de Bill Gates, Paul Allen décida de quitter Microsoft. Problème : Gates voulait lui racheter ses parts à 5 dollars l’action mais Allen en demandait 10. Faute d’accord, Paul Allen quitta le groupe avec ses actions sous le bras. Bien lui a en pris : vers 2000, il a revendu ses actions et est devenu richissime.

Sur ses relations avec Bill Gates, il dira dans une interview qu’« Idea Man » n’était pas une « vengeance »… tout en admettant que s’ils en parlaient en tête à tête, « ce sera une discussion animée ». C’est dans la ville de Seattle où il est né qu’il a appris l’informatique à 15 ans – avec Bill Gates, déjà – et dans laquelle il établira, avec son comparse, le siège de leur empire. L’aventure Microsoft lui a permis d’investir à tout va.

Le cancer ne l’a jamais vraiment quitté : diagnostiqué en 1982 porteur d’un lymphome de Hodgkin, un cancer du système lymphatique qu’il soigne alors par radiothérapie, il est touché en 2009 d’un lymphome non hodgkinien qu’il soigne à nouveau… avant d’être finalement terrassé par ce même cancer en ce mois d’octobre.

En dépit de ces problèmes médicaux, Paul Allen a connu une riche vie d’investisseur. Le succès de Microsoft a en effet permis à l’ingénieur en chef de Microsoft – Bill Gates était le commercial – de financer de nombreux projets notamment aérospatiaux : pour diversifier son portfolio (immobilier, recherche scientifique, etc.). Il s’est passionné, bien avant Elon Musk, pour l’espace. Il investit ainsi dans SpaceShipOne (2004) et dans Stratolaunch System (2011). Paul Allen est le fondateur de Stratolaunch, une entreprise ayant construit un avion géant capable de lancer des fusées dans l’espace, actuellement testé en Californie. Un premier vol d’essai est prévu pour 2019.

Outre ses envies d’espace, Paul Allen était aussi connu pour ses investissements sportifs. Il possédait l’équipe de football américain (NFL) de Seattle, les Seahawks et l’équipe de basketball (NBA) de Portland, les Trail Blazers. Des placements variés qui lui ont permis de financer sa folie pour les yachts. 

Il s’est rendu célèbre pour avoir fait construire l’Octopus qui était, en 2003, le plus long yacht privé du monde (127 m), un engin d’exception équipé de deux hélicoptères, d’un sous-marin habitable, d’un sous-marin drone, d’une piscine, d’un court de basketball et d’une salle de conférence. À ce navire s’ajoutaient deux autres yachts, appelés Tatoosh (92 m) et Méduse (47 m, revendu en 2016).

RAS sur le testament

Aucune information n’a pour l’heure été communiquée quant à son testament mais celui-ci est très attendu : Paul Allen ne s’était pas marié et n’avait pas d’enfants à qui léguer ses 20 milliards de dollars… Considéré comme une des figures tutélaires de l’informatique, cet Américain était aussi un milliardaire philanthrope touche-à-tout.

« La vie de Paul était diverse et vécue avec enthousiasme. Cela se reflétait dans ses innombrables centres d’intérêt : la technologie, la musique, les arts, les bio-sciences ou l’intelligence artificielle », entre autres, a résumé Bill Hilf, à la tête de Vulcan.

Ardent philanthrope particulièrement dans le domaine de la santé, Paul Allen a promis en 2010 de léguer 50 % de sa fortune aux œuvres caritatives. Investi dans sa ville natale Seattle, et sa région au nord-ouest des États-Unis, il y a fondé plusieurs musées. Il possédait deux yachts géants consacrés à l’exploration et à la recherche scientifique. Paul Allen avait fréquenté dans les années 1970 l’Université de l’État de Washington – où se trouve Seattle – et était un grand fan du guitariste Jimi Hendrix. 

Il jouait lui-même de la guitare avec son groupe The Underthinkers, qui a sorti un album en 2013.