Pourquoi la Banque centrale a-t-elle relevé son taux directeur ?

En réajustant le vendredi 14 août le taux directeur de la Banque centrale, de 7.5 % à 18.5 %, le Comité de politique monétaire a-t-il été bien inspiré ? Le taux directeur est le taux d’intérêt fixé par la Banque centrale d’un pays ou d’une union monétaire afin de réguler l’activité économique.

DEOGRATIAS Mutombo Mwana Nyembo, le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), a expliqué le vendredi 14 août à l’issue de la réunion du Comité de politique monétaire (CPM) qu’avec la pandémie de Covid-19, le taux directeur de la Banque centrale avait été baissé pour soutenir l’activité économique et permettre le refinancement. D’ailleurs, a-t-il laissé entendre, beaucoup de pays africains ont procédé ainsi. 

Cependant, le contexte a changé. Pour contenir l’expansion monétaire du fait de la surliquidité, il a fallu relever le taux pour atteindre la positivité, c’est-à-dire être au-dessus du taux d’inflation en annualisé. 

D’après le gouverneur de la Banque centrale, le taux d’inflation attendu à fin décembre est de 20 %. « Avec un taux directeur à 18,5 %, on peut dire que ce n’est pas une négativité avérée. 

Classique, tout cela !

Nous avons estimé qu’il faut d’abord atteindre ce niveau, puis observer le comportement du marché », a fait remarquer Deogratias Mutombo. Ainsi, son taux directeur est passé de 9 % (venant de 20 % à 14 % en avril 2019) à 7.5 %. 

Le coefficient de la réserve obligatoire sur les dépôts à vue en monnaie locale a été également revu, de 2 % à rien. 

Taux directeur, coefficient de la réserve obligatoire, Produit intérieur brut (PIB), taux d’intérêt, taux de change, taux de chômage, inflation, indice des prix à la consommation, balance commerciale, réserve de change, offre de la monnaie… constituent ce qu’on appelle les indicateurs économiques. Certains analystes trouvent que la décision de la Banque centrale « manque d’ambition ». Nous avons posé la question à Claver Mampuya, économiste congolais évoluant en expatriation.  

Business et Finances : Quel est votre sentiment à propos de la décision de la Banque centrale de relever son taux directeur maintenant ?

Claver Mampuya : C’est tout classique que la Banque centrale procède de la sorte perce qu’elle est censée avoir la connaissance et maîtrise de tous les paramètres, je vais dire de tous les indicateurs économiques. En effet, c’est à travers les indicateurs économiques que les États civilisés suivent et déterminent leurs progrès économiques. 

BEF : Quels sont les principaux indicateurs économiques ?

C. M. : Les principaux indicateurs économiques sont le PIB, les taux d’intérêt, le taux de change, l’inflation ou l’indice des prix à la consommation (IPC), les réserves de change, la balance commerciale et l’offre de la monnaie (M2). 

BEF : Que faut-il entendre par taux d’intérêt ?

C. M. : Le taux d’intérêt est le loyer de l’argent exprimé en pourcentage, calculé selon des conventions prédéfinies et exprimant sur la durée du prêt les intérêts par rapport au montant du capital. 

Par exemple, en RDC, la Banque centrale met en place une politique de change pour ancrer les taux du marché monétaire et les autres taux d’intérêt. Il y a, entre autres, le taux directeur qui est le taux auquel les banques empruntent et placent la liquidité auprès de la Banque centrale. 

Le taux d’intérêt est également appelé coût du loyer. Pour gérer l’inflation et garder le système de change stable, la Banque centrale avait sensiblement réduit son taux directeur. 

Il faut retenir que le haut niveau du taux directeur augmente le coût d’emprunt des secteurs réels au détriment, par exemple, de la croissance des petites et moyennes entreprises (PME). 

On parle aussi de taux interbancaire offert qui est le taux auquel les banques se prêtent entre elles. Mais il n’existe pas encore en RDC.

BEF : On parle souvent de taux de change…

C. M. : Le taux de change d’une monnaie est le cours ou le prix de cette monnaie par rapport à une autre monnaie. En d’autres termes, c’est la parité d’une monnaie par rapport à une devise. 

Par exemple, le franc par rapport au dollar. Il y a deux manières d’exprimer un taux de change, soit en termes de nombre d’unités monétaires étrangères par unité nationale, soit en termes de nombre d’unités nationales par unité étrangère. Le taux de change est soit fixe, soit flottant. 

BEF : Quand est-ce que le taux de change est fixe ou flottant ?

C. M. : Il est fixe ou constant par rapport à une monnaie de référence, en général le dollar ou l’euro, par décision de l’État qui émet cette monnaie. Dans ce cas, le taux de change ne peut alors être modifié que par une décision de dévaluation ou de réévaluation du même État. C’est le cas du franc CFA par rapport à l’euro. 

Par contre, le taux de change est flottant lorsqu’il est déterminé à chaque transaction par l’équilibre entre l’offre et la demande sur le marché des changes. Il s’agit d’un marché mondial interbancaire des monnaies, de moins en moins centralisé, sur des lieux spécifiques de cotation et d’échanges, car reposant sur des liaisons informatiques entre banques. 

En RDC, on applique le taux flottant pour le franc congolais (CDF) par rapport au dollar. La notation du taux de change se fait des deux sortes. Par exemple, le taux de change du CDF en dollar est noté CDF/USD ou CDFUSD = 1 950. Ce qui signifie que 1 CDF vaut 1 950 dollar. 

BEF : Que faut-il retenir de l’offre de la monnaie ?

C. M. : Pour contrôler la liquidité sur le marché, la Banque centrale utilise une politique monétaire. Celle-ci est soit restrictive, soit expansionniste. 

Lorsqu’elle est restrictive, la Banque centrale vend des titres via des opérations d’appel d’offre et augmente le ratio de réserves bancaires obligatoires. Elle est expansionniste quand la Banque centrale achète des titres via des opérations d’appel d’offre et diminue le ratio des réserves bancaires obligatoires. Par offre de la monnaie, il faut entendre surtout le suivi de la masse monétaire par la Banque centrale. La masse monétaire a tendance à augmenter à mesure que l’économie croît. Le coefficient de réserve obligatoire sert également à réguler la masse monétaire en circulation. L’augmentation de la dépense publique, par exemple, lors des élections, contribue à une forte augmentation de la masse monétaire dans l’économie.

BEF : D’où l’inflation dont on parle…

C. M. : L’inflation, c’est la hausse des prix. On parle d’inflation lorsqu’il y a une hausse généralisée et persistante du niveau général des prix à la suite d’un grossissement anormal et excessif des moyens de paiement. Autrement dit, l’inflation est la perte du pouvoir d’achat de la monnaie qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix.  Il s’agit d’un phénomène persistant qui fait monter l’ensemble des prix et auquel se superposent des variations sectorielles des prix. 

L’inflation est mesurée en utilisant l’indice des prix à la consommation, calculé sur la base de la tarification d’un panier de biens et services, dépenses d’investissement non comprises. 

Les données de l’indice des prix à la consommation sont fournies hebdomadairement par la Banque centrale. 

BEF : Venons-en maintenant aux réserves de change…

C. M. : Les réserves de change sont des ressources que l’on met à la disposition des opérateurs économiques pour soutenir la monnaie nationale. En RDC, le produit de la vente des matières premières brutes (cuivre, cobalt et pétrole) contribue pour beaucoup à la constitution des réserves de change. 

Outre le fait de soutenir la monnaie nationale, les réserves de change contribuent à attirer (afflux) les capitaux étrangers (investissements). 

Par exemple, à fin décembre 2018, les réserves de change se sont établies à 879,5 millions de dollars, soit moins d’un mois d’importations.