Prix sur le marché : la tension ne baisse pas chez les consommateurs

LA HAUSSE des prix des biens et des services, principalement des denrées alimentaires, sur les marchés de Kinshasa se passe désormais de tout commentaire. Il y a une année, le dollar valait à peine 1 680 FC. Aujourd’hui, il en vaut 1 750 FC et l’emballement des prix sur les principaux marchés et dans les commerces de la capitale s’en fait très concrètement ressentir. Les ménages apprennent à faire des coupes dans leur budget ou à diminuer de volume le panier de la ménagère. D’ailleurs, il y a longtemps qu’on ne parle plus de panier mais plutôt du « sachet » de la ménagère. 

Des femmes rencontrées au Marché-Central disent, toutes, leur ras-le-bol. Les prix affichés ne sont qu’un trompe-l’œil pour attirer la clientèle. Dans beaucoup de magasins, les ventes sont en chute libre. La tendance est désormais à la vente à crédit, avec le concours des banques commerciales. D’autres commerçants, plus agressifs, font du porte-à-porte pour des ventes adaptées en imaginant des formules. 

Morosité ambiante

Les prix changent à tout moment, cette fois-ci, pas en fonction du taux de change ou presque. La plupart des entrepreneurs et des commerçants ne savent pas comment réagir et suivre surtout le rythme de la dépréciation du franc. Les charges sont souvent en dollar et les recettes en franc. Les ménages sont inquiets de la situation de morosité ambiante. 

Les prix des produits alimentaires de base ont triplé, voire quadriplé par rapport à l’année passée.  Entre le 9 décembre 2019 et le 18 janvier 2020, les variations des prix ont entraîné une inflation qui se chiffre à 0,78 %, contre 0,873 % de dépréciation du taux de change. Qui n’est pas le seul facteur expliquant l’évolution des prix sur le marché des biens et services, mais aussi d’autres facteurs tels que le mauvais état des routes de desserte agricole, la saisonnalité, la rupture de stock, les anticipations  des opérateurs économiques et les conditions climatiques.

Au cours de cette période, il y a eu une hausse préoccupante des prix de quelques produits de grande consommation tels que le sucre, le poulet congelé, le haricot et le maïs de graine. Pour arrêter cette tendance haussière, Acacia Bandubola, la ministre de l’Économie, consciente que la hausse des prix est la conséquence d’un déséquilibre entre l’offre et la demande, a préconisé des mesures conjoncturelles, mais aussi des actions de grande envergure pour relancer la production et consolider la croissance. 

C’est dans cette optique qu’elle a notamment convié les dirigeants de la sucrière de Kwilu Ngongo à une séance de travail le 27 janvier dernier et le Comité de suivi des produits de première nécessité à renouveler les accréditations de leurs membres en vue de la tenue de sa première réunion. Aujourd’hui, par exemple, le prix du sucre (sachet de 5 kg) est passé de 6 000 à plus de 9 000 francs. Les ménages se trouvent exactement dans la même situation que les moutons et les bœufs souffrant de la maladie du tournis, pris d’une sorte de vertige, tournent convulsivement sur eux-mêmes. La flambée actuelle des prix surprend les Congolais après des années d’accalmie sur le marché. 

La riposte

Acacia Bandubola, la ministre de l’Économie nationale, a donné de la voix. Elle s’est rendue dernièrement aux marchés de Kinshasa pour constater de visu la flambée des prix de certains produits de première nécessité, dans la perspective de chercher les voies et moyens de baisser la tension sur les marchés. Après cette ronde,  Acacia Bandubola tente de rassurer : des mesures seront prises pour juguler cette hausse des prix. Par exemple : « S’agissant du sucre produit localement par la Sucrière de Kwuilu-Ngongo, nous avons convoqué les responsables de cette société à Kinshasa. Il s’est avéré que les prix de leurs produits ont été revus à la hausse à cause notamment du cours mondial de ce produit qui a augmenté de plus de 30 %, mais aussi à cause de la problématique du réchauffement climatique et de la faible récolte. » Au lieu de 100 000 tonnes, la sucrière de Kwilu-Ngongo  n’a récolté que 60 000 tonnes, occasionnant un déficit de 40 000 tonnes. « Cela a provoqué la rareté de ce produit sur le marché entraînant ainsi la hausse de prix », a déclaré la ministre de l’Économie nationale.

Après un échange avec Jean-Lucien Bussa, le ministre du Commerce extérieur, Acacia Bandubola a annoncé la suspension de la mesure gouvernementale prise en 2019 interdisant, entre autres, l’importation et la vente du sucre brun en RDC, afin de protéger l’industrie locale. Félix Antoine Tshisekedi, le président de la République, devrait présider une importante réunion sur les finances publiques et sur les difficultés que traverse le pays. 

On s’en souvient, José Sele Yalaghuli, le ministre des Finances, a d’ailleurs présenté au conseil des ministres les contraintes actuelles de l’économie congolaise et les pistes durables de solution. D’après lui, l’économie nationale est confrontée actuellement à l’exigüité structurelle des ressources financières face aux urgences humanitaires, aux besoins sociaux et sécuritaires pressants ainsi qu’aux priorités de développement. Par exemple, le niveau de pression fiscale qui est l’un des plus favorables du monde, soit 11 % contre 20 % pour la moyenne africaine au Sud du Sahara, avec comme conséquence un excès structurel des dépenses sur les recettes publiques. Il en découle donc un déficit structurel qui explique l’accumulation des arriérés et retards de paiement.

Le second problème est l’existence des externalités négatives. Le ministre des Finances explique qu’il s’agit des obstacles empêchant le fonctionnement normal de l’environnement où opèrent les entreprises et les hommes d’affaires, notamment le caractère peu favorable de climat des affaires et des investissements, marqué, entre autres, par la multiplicité des tracasseries et des taxes, des goulots d’étranglement tenant aux difficultés d’accès à l’eau et à l’électricité, etc.

Face à cette structure de déficit structurel et de climat des affaires peu favorable à l’éclosion des investissements, il y a nécessité de maintenir la coopération avec les partenaires extérieurs (FMI et Banque mondiale) et de prendre des mesures fortes au niveau des finances publiques et à celui du fonctionnement du système économique. Le président de la République a levé l’option de faire appel aux partenaires multilatéraux notamment le FMI et la Banque Mondiale, option qui a permis la conclusion du Programme de référence dont la première retombée favorable a été l’octroi à la RDC de 368 millions de dollars au titre de facilité de crédit rapide.