Quant se faire soigner devient un casse-tête

De la simple goutte épaisse à l’hospitalisation, recevoir des soins médicaux est un luxe que la majorité des congolais ne peuvent se permettre : c’est de plus en plus onéreux.  

L’Hôpital du Cinquantenaire a été construit pour réduire la fréquence des transferts à l’étranger.
L’Hôpital du Cinquantenaire a été construit pour réduire la fréquence des transferts à l’étranger.

Dans les hôpitaux et centres médicaux de la capitale et du reste du pays, un principe tacite existe : pas d’argent, point de soins. La situation est néanmoins pire dans l’arrière-pays où le manque d’installations et d’équipements médicaux est criant. Il faut avoir les poches pleines pour arriver à se faire soigner. À commencer par la consultation et les examens de laboratoire. De plus en plus, les médecins recourent à la technologie pour diagnostiquer avec précision : la radiologie, le scanner, échographie, électrocardiogramme… cela représente des frais qui ne sont pas souvent à la portée du citoyen lambda. Sans compter la prescription et les frais d’hospitalisation qui ne sont pas une mince affaire : ils sont exorbitants pour les gagne-petit. Conséquence : la plupart des congolais désertent les hôpitaux et se tourne vers les guérisseurs ou les Églises de réveil.

Lorsqu’on ne sent pas bien, la première chose à faire c’est d’aller voir un médecin ou se rendre dans un centre médical pour les premiers soins. Au lieu de favoriser l’accès aux soins de santé, la consultation médicale est devenue, une barrière. Dans les hôpitaux publics, les frais de consultation varient généralement entre  6 000 et 10 000 francs. À cela s’ajoute la fiche médicale, s’il s’agit de la première consultation. Chez les privés, il faut débourser entre 15 000 et 20 000 francs, en plus de la fiche, qui coûte 2 000 francs. Dans certains cabinets médicaux spécialisés, la consultation varie entre 30 et 40 dollars. À la Clinique Ngaliema, les consultations ordinaires ont lieu l’avant-midi alors que les consultations spécialisées s’effectuent l’après-midi. La consultation ordinaire coûte 10 000 francs pour les fonctionnaires et agent de l’État sur présentation de la carte d’ayants droit. Les autres patients paient 12 000 francs, tandis que les « VIP » déboursent 30 000 francs. Quant à la consultation spécialisée, les différentes catégories paient respectivement 12 000, 15 000 et 40 000 francs. Lorsqu’il s’agit d’une urgence, les ayants droit paient 20 000 francs (la journée) ou 25 000 francs (la nuit), alors que c’est 25 000 francs (la journée) ou 30 000 francs (la nuit) pour les autres. À l’hôpital général de Kinshasa, ex-Mama Yemo, les frais de consultation varient selon les cas : 15 000 francs à l’ordinaire, 18 000 francs en urgence et 20 500, la nuit. L’hôpital du Cinquantenaire, applique, pour sa part, un tarif unique pour la consultation : 5 000 francs. Ailleurs, c’est le cas de l’hôpital pédiatrique de Kalembelembe, la consultation spécialisée (chirurgie, stomatologie, neuro-pédiatrie…) coûte 28 000 francs.

L’imagerie à la mode

Dans les hôpitaux publics ou les cliniques privées, les prix de l’imagerie médicale varient entre 25 et 35 dollars. À la Clinique Ngaliema, par exemple, un électrocardiogramme ordinaire coûte 25 000 francs pour les ayants droit et 30 000 francs pour tout le monde. Le prix d’une échographie gynéco-obstétricale ordinaire est de 37 000 franc pour les ayants droit et 40 000 francs pour les autres. À l’hôpital de l’Amitié sino-congolaise de Ndjili, il faut débourser 170 dollars pour un examen au scanner. Le même examen est facturé 230 dollars ou 250 dollars l’après-midi et les jours fériés à l’hôpital général de Kinshasa. C’est aux Cliniques universitaires de Kinshasa que le scanner coûte cher : 400 dollars en urgence et 500 dollars les jours fériés et les dimanches. Selon le professeur Aloïs Nguma Monsanza du département de gynécologie obstétrique, ces frais servent à couvrir les dépenses spéciales, notamment celle liée au carburant. Quant à la dialyse, le traitement se fait dans quelques formations : Hôpital général, Cliniques universitaires, Ngaliema Medical Center… Il revient à 250 dollars à l’Hôpital général.

Quant aux frais d’hospitalisation, ils varient d’un hôpital à un autre. Dans la plupart des cas, ils sont liés à la durée du séjour, au confort et à la réputation du médecin traitant, surtout chez les privés. À l’hôpital du Cinquantenaire, par exemple, une chambre ordinaire est facturée 53 dollars par jour, tandis qu’une chambre VIP coûte entre 215 et 279 dollars. Aux Cliniques universitaires de Kinshasa, une hospitalisation d’au moins une semaine coûte entre 100 000 et 300 000 francs selon les cas. Pour une césarienne, le coût de l’hospitalisation, tous frais compris, varie entre 600 dollars dans le public et 1 000 dollars dans le privé. Opérer une appendicite sans recours au bistouri coûte environ 2 000 dollars à l’hôpital du Cinquantenaire de Kinshasa.

Médicaments en question

La consultation du médecin se termine souvent par une ordonnance. Certains hôpitaux disposent encore d’officines. Depuis plusieurs années, la famille du patient se procure les médicaments prescrits à la pharmacie. Les médecins exigent des médicaments d’origine pour éviter les contrefaçons qui inondent le marché. Non seulement ils ne soignent rien, mais ils peuvent rendre certaines pathologies résistantes. C’est notamment le cas du paludisme, de la fièvre typhoïde, des pneumopathies (maladies respiratoires), des infections urinaires, des angines, des bronchites et gastro-entérites (vomissements et diarrhées) infantiles, des otites. Les enfants sont les premières victimes de ces médicaments contrefaits, selon un médecin des Cliniques universitaires de Kinshasa. Les faux médicaments sont utilisés à l’insu de la plupart des médecins par ignorance pour certains patients, souvent attirés par leurs prix bas. La confusion sur les médicaments engendre aussi la méfiance des patients à l’égard des médecins. Certains croient qu’un tel les a mal soignés et partent ailleurs espérant y trouver mieux. Ils parcourent ainsi les hôpitaux, ce qui complique leur suivi, en plus de leur coûter cher. De même, les traitements successifs coûtent finalement plus cher que l’achat d’un médicament certifié. Ce sont surtout les pauvres qui subissent les effets néfastes des faux médicaments vendus sur le marché. Ceux qui ont les moyens se procurent des produits fabriqués dans des pays européens comme la France et la Belgique, même s’ils sont quatre à cinq fois plus cher. En République démocratique du Congo, il n’existe pas de laboratoire de vérification de la qualité des produits importés. Pour les médicaments dits essentiels, des pharmacies privées, tenues par des étrangers, notamment des Asiatiques, ou par des Congolais, ainsi que par des organisations ayant l’autorisation du ministère de la Santé publique, le contrôle se limite à identifier les laboratoires qui les ont fabriqués.

La prise en charge 

Quelques structures médicales, surtout privées, proposent des soins selon les catégories sociales. Généralement, cela est destiné à une clientèle « haut de gamme » ou « VIP ». L’Hôpital du Cinquantenaire, la Clinique Ngaliema excellent dans ce domaine à côté d’autres cliniques privés telles que Ngaliema Medical Center, Cliniques universitaires de Kinshasa… À l’Hôpital du Cinquantenaire, les services à la carte sont pratiqués afin d’amortir le coût de l’investissement sur une période de dix ans. Géré par le groupe indien Padiyath Healthcare, cet hôpital de 500 lits a coûté environ 100 millions de dollars. Quelques hôpitaux et cliniques fixent leurs tarifs en fonction des catégories sociales. C’est le cas des Cliniques universitaires qui tiennent comptent du statut patients : employés, fonctionnaires, policiers ou militaires, étudiants, chômeurs… D’autres ont signé des conventions avec des entreprises de la place pour soigner leurs employés ainsi que les membres de leurs familles.  Par ailleurs, certains services et entreprises publics possèdent leurs propres centres médicaux où sont soignés leurs agents et les membres de leurs familles. C’est le cas de la Société commerciale des transports et des ports (SCTP), de la Gécamines, de la Régie des voies aériennes (RVA), de la Direction générale des impôts (DGI)… Outre leurs propres structures, d’autres entreprises ont signé des accords avec des hôpitaux publics ou privés. C’est le cas de la Banque centrale avec la Clinique Ngaliema, de Congo Airways avec l’Hôpital de l’Amitié sino-congolaise de Ndjili.

L’évacuation à l’étranger

Les conditions techniques ne sont pas encore réunies pour assurer une prise en charge adéquate de certaines maladies au pays. C’est notamment le cas pour une série d’interventions chirurgicales en pédiatrie, cancérologie, urologie, oncologie… Chaque année, le Trésor public et les entreprises déboursent beaucoup d’argent pour la prise en charge médicale à l’étranger. Les destinations les plus prisées sont l’Afrique du Sud et l’Inde. L’Hôpital du Cinquantenaire a été construit justement pour réduire la fréquence des transferts à l’étranger. Un député avait même dénoncé à l’Assemblée nationale cette pratique qui est devenue une source d’enrichissement pour certains. La commission d’experts médicaux chargée de sélectionner les malades à transférer à l’étranger dépend désormais du ministère du Budget.

Missions médicales humanitaires

Les démunis, eux, attendent souvent l’arrivée de missions médicales pour des interventions à caractère humanitaire. Médecins sans vacances envoie régulièrement des équipes d’intervention à l’hôpital de Kalembelembe pour les opérations des malformations. Du 16 au 31 janvier, des médecins de cette ONG sont à pied d’œuvre dans cet hôpital. D’autres structures ont eu, par le passé, à traiter par générosité des malades. C’est le cas de Gertler Family Foundation qui a réparé des malformations faciales, en opérant gratuitement des nombreux enfants et adultes, notamment à Kinshasa et au Katanga. Grâce aux opérations caritatives, plusieurs volontaires intervenant dans ce qu’on appelle l’opération Smile ont pu réparer les enfants nés avec des fentes labiales appelées bec-de-lièvre. L’association Chirpa a aussi organisé des missions chirugico-médicales avec des médecins belges en faveur des enfants ayant des malformations cardiaques.