Qui sont les 100 meilleurs patrons du monde ?

La Harvard Business Review a publié un classement des meilleurs PDG de la planète pour 2019. Ce palmarès ne prend pas simplement en compte les performances sur une année mais sur la durée d’un mandat et intègre des composantes extra-financières.

CE N’EST PAS le patron de Google, ni celui de Facebook et encore moins celui d’Amazon qui prend la couronne du classement des 100 meilleurs PDG du monde publié le lundi 21 octobre par la Harvard Business Review. La palme revient à un Américain, « très méconnu », Jensen Huang, qui est à la tête de Nvidia, une entreprise qu’il a cofondée en 1993 et qui fabrique des puces graphiques pour les ordinateurs. Viennent ensuite par ordre dans le Top 10 : Marc Benioff (Salesforces.com), François-Henri Pinault (Kering), Richard Templeton (Texas Instruments), Ignacio Galán (Iberdrola), Shantanu Narayen (Adobe), Ajay Banga (Mastercard), Johan Thijs (KBC), Satya Nadella (Microsoft) et Bernard Arnault (LVMH).

Jeff Bezos rétrogradé

Précision : ce classement ne prend pas simplement en compte la performance financière sur une année d’un patron ou son patrimoine, comme beaucoup le font, mais se base sur « toute la durée de leur mandat » et sur « la performance extra-financière, sociales et de gouvernance (ESG) », peut-on y lire. Ainsi, alors qu’en 2018, la dimension financière comptait pour 80 % du résultat, elle est pondérée cette année à hauteur de 70 %.

Du coup, les patrons les plus connus et perçus comme très performants ne sont pas à la fête. À commencer par Jeff Bezos, le PDG d’Amazon. Classé premier du classement financier depuis 2014, il ne pointait plus qu’à la 68è place en 2018 et a complètement disparu de cette édition 2019 « en raison des faibles performances ESG d’Amazon », souligne la Harvard Business Review. Mêmes effets et mêmes conséquences pour Larry Page, le patron de Google, ou encore Mark Zuckerberg (Facebook) qui ne figurent pas non plus dans ce top 100. Parmi les seuls rescapés des GAFA, on retrouve Satya Nadella pour Microsoft (9è) et Tim Cook pour Apple (62è). 

La bonne surprise vient du côté des Français. On comptabilise douze Français dans le classement, c’est un de plus qu’en 2018 dont François-Henri Pinault à la 3è place et Bernard Arnault à la 10è. « Cette année, c’est François-Henri Pinault qui l’a emporté sur son frère ennemi, Bernard Arnault. Une victoire qu’il doit aux résultats tant financiers qu’extra-financiers de Kering, qui s’est engagé, en septembre dernier, à devenir complètement neutre en carbone », peut-on lire encore dans le classement de la Harvard Business Review.

Hubert Joly de Best Buy, Thierry Breton d’Atos et Pierre Nanterme d’Accenture n’y figurent plus. Ils ont été remplacés par Jean-Pascal Tricoire (Schneider Electric, 48è), Yves Guillemot (Ubisoft, 74è) et Pascal Soriot (AstraZeneca, 77è). Cette édition est aussi marquée par le retour de Jean-Paul Agon (L’Oréal, 19è) qui décroche, au passage, une première place au classement extra-financier.

Parmi les autres patrons français de ce palmarès, on retrouve également : Bernard Charlès (Dassault Systèmes, 15è), Benoît Potier (Air Liquide, 18è), Jacques Aschenbroich (Valeo, 21è), Xavier Huillard (Vinci, 27è), Gilles Andrier (Givaudan, 30è), Martin Bouygues (Bouygues, 31è). « C’est une consécration pour les leaders français, récompensés aussi bien pour la bonne santé financière des sociétés qu’ils dirigent que pour la qualité de leur politique RSE », commentent les auteurs du classement.

Patrons plus performants

Par ailleurs, chaque année, Challenges et Oddo BHF évaluent la performance des chefs d’entreprise français en termes de croissance, rentabilité et résultats boursiers. Gilles Schnepp (Legrand) est le lauréat dans la catégorie CAC 40. À 60 ans, celui qui était jusqu’alors PDG du leader de l’appareillage électrique, a toujours privilégié la discrétion, se tenant le plus éloigné possible de la rumeur médiatique. Pourtant, les occasions de se mettre en avant ne lui ont pas manqué.

Déjà classé numéro un du Palmarès des patrons performants Challenges- Oddo BHF en 2016, le patron de l’équipementier électrique revient en tête cette année après avoir occupé la place du dauphin en 2017, derrière Jacques Aschenbroich (Valeo, 10è en 2018). 

Sur ses talons, dans le classement 2018, Philippe Brassac (Crédit agricole) et Antoine Frérot (Veolia Environnement) témoignent de la vitalité retrouvée de leurs sociétés. Mais, malgré des indicateurs en hausse, ces poids lourds du CAC 40 ont été surpassés par Legrand, poids moyen de l’indice parisien avec ses quelque 38 000 collaborateurs et ses 5,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Et l’une des rares sociétés de premier rang à avoir conservé son siège mondial en région, à Limoges (Haute-Vienne), où elle a été créée en 1 860. Agilité, régularité, esprit d’équipe sont aujourd’hui ses mots d’ordre.

« Il n’y a pas que la performance financière, a souligné Gilles Schnepp jeudi 6 décembre, en recevant son prix à Paris dans le cadre du 5e Sommet de l’économie organisé par Challenges. Il y a aussi la performance extra-financière, c’est-à-dire la façon dont les entreprises travaillent. »

Pour ce patron à l’allure flegmatique, presque britannique, cette nouvelle distinction est une consécration au moment où la dissociation des instances de gouvernance lui permet de passer en douceur les rênes de l’entreprise à un dirigeant de quinze ans son cadet. Un homme du sérail recruté il y a vingt-deux ans alors qu’il sortait d’un poste de coopérant en Corée du Sud. « Il nous avait signalé un leader de l’appareillage électrique que nous pourrions acquérir, se souvient Gilles Schnepp. Trois mois plus tard, c’était chose faite. »

Pour Gilles Schnepp, « le plus important, c’est la continuité avec la promotion d’un talent interne ». Le diplômé de l’Essec et de Sciences-Po Paris, entré chez Legrand en 1997 comme patron de la filiale sud-coréenne, a intégré le comité de direction en 2010. En vingt ans de maison, il a occupé de nombreux postes, notamment à la direction de la stratégie et aux fusions-acquisitions, une activité clé pour le spécialiste de l’appareillage électrique, qui a absorbé près de 170 sociétés au fil des ans.

Croissance externe

« Depuis toujours, nous avons vocation à planter le drapeau hors des frontières », expliquait Gilles Schnepp au Sommet de l’économie de 2016. Quelques mois plus tard, en juin 2017, il réalisait la plus importante acquisition de l’histoire de Legrand, avec l’américain Milestone. Cette société, qui affichait alors un 464 millions de dollars de chiffre d’affaires, est spécialisée dans les installations audio et vidéo pour les bureaux, les centres commerciaux ou les logements. De quoi accélérer le développement du groupe dans les infrastructures numériques. Payée 1,2 milliard de dollars, cette acquisition a représenté une étape décisive pour le français, qui réalise aujourd’hui environ un tiers de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis.

Mettant ses pas dans ceux de son prédécesseur, Benoît Coquard a mené à bien, mi-novembre, la reprise d’une start-up française créée en 2011, Netatmo, qui produit notamment des stations météo et des caméras connectées. Depuis 2015, Legrand était déjà actionnaire minoritaire, aux côtés d’Iris Capital et de Bpifrance, de cette jeune pousse innovante qui emploie 200 personnes à Boulogne-Billancourt et affiche un chiffre d’affaires de 45 millions d’euros. « Une société qui nous apporte un regard nouveau sur un secteur qu’on connaît bien », souligne Gilles Schnepp. 

Pour Matthias Desmarais, directeur de la recherche d’Oddo BHF, qui réalise le Palmarès des patrons performants en partenariat avec Challenges, ce souci permanent est l’une des dimensions principales de la réussite du groupe. « L’innovation dans le secteur électrique, qu’il s’agisse de contrôle de luminosité, de management des câbles ou de réduction de la consommation d’énergie, est au coeur de la stratégie de Legrand, souligne-t-il. Une innovation qu’ils prolongent par des acquisitions. »

L’histoire de la reprise de Netatmo illustre parfaitement cette façon de faire. Le fondateur de cette start-up, Fred Potter, devient ainsi directeur de la technologie d’Eliot, le programme de solutions connectées lancé par Legrand en 2015. Une activité qui génère aujourd’hui 488 millions d’euros de ventes, soit près de 10 % du chiffre d’affaires global, et devrait continuer à croître très vite : en 2017, sur près d’une centaine de familles de produits inscrites au catalogue de Legrand, seulement trente étaient connectées, contre vingt en 2015. Même si toutes n’ont pas forcément vocation à être digitalisées, la marge de progression est encore importante. Le groupe, qui a affiché une croissance de 10 % en 2017 et de 11,3 % pour les neuf premiers mois de cette année, est sur une pente ascendante.