Relèvement du capital, solvabilité et compliance : les thèmes de 2019

LA SPÉCIFICITÉ du métier du banquier est d’utiliser l’argent des déposants pour en faire profiter l’économie et participer ainsi à sa croissance. Vu sous cet angle, l’année 2018 devra être « globalement bénéfique pour l’ensemble du système bancaire congolais », à en croire Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), lui-même. 

En tout cas, il fonde son optimisme sur les indicateurs clés dans le secteur. S’adressant à la presse, le 21 décembre 2018, par l’exemple, à l’issue de la 11è réunion du Comité de politique monétaire de la BCC, le gouverneur de la Banque central a indiqué que le système bancaire va réaliser des « très bons résultats » en 2018 au niveau monétaire et au niveau financier. D’après lui, les dépôts sont en augmentation, soit au-delà de 4,5 milliards de dollars, contre 3,7 milliards en décembre 2017. Par ailleurs, les bilans vont dépasser 6,8 milliards de dollars.

Deogratias Mutombo note également que les ratios de liquidité sont en « bonne position ». Il y a de moins en moins des défauts de remboursement des crédits et les ratios de solvabilité ont été regardés de près grâce à la réglementation prudentielle à un ratio de solvabilité de base et à un ratio de solvabilité globale d’au moins 7 % et 10 % respectivement. Ces ratios représentent le rapport entre les fonds propres et les risques bancaires pondérés comprenant les éléments d’actifs et ceux de hors bilan auxquels est appliqué un facteur de conversion.

Globalement, constate-t-il, les résultats nets après impôt du système bancaire pourront tripler en 2018 après un mouvement en dents de scie. Le Gouv’ de la BCC rappelle qu’il y a eu une perte en 2016, puis un bénéfice en 2017 d’un peu moins de 35 millions de dollars. Conclusion : 2018 est une « année satisfaisante sur le plan de la stabilité macroéconomique et de la stabilité macro prudentielle ». En chiffres, les banques commerciales opérant en République démocratique du Congo pourront réaliser un résultat net après impôt de 100 millions de dollars.

Politique prudentielle

À la Banque centrale, on attribue ces résultats à la gestion prudentielle. Ceci dans le but d’accompagner les mesures gouvernementales de redressement économique amorcé en 2016. Cette politique prudentielle vise le respect de l’ensemble des ratios de la banque, qu’il s’agisse de la couverture des risques, de la préservation de la liquidité, de la conservation des fonds propres et de l’obtention de résultat net positif. 

Pour la Banque centrale, il est désormais impératif que le front réglementaire se stabilise et que les banques commerciales s’adaptent à l’évolution, notamment numérique indispensable dans un contexte de mondialisation accrue. On rappelle qu’en 2016, à la suite de la crise dans le secteur, la BCC avait publié un projet d’une nouvelle version de l’Instruction n°14 aux banques, dans le cadre de la mise à jour générale de sa politique prudentielle. La version définitive de cette modification a été publiée en janvier 2018. 

Il s’agit en fait de la 6è modification de cette Instruction. En effet, en qualité de régulateur du système bancaire national, la BCC poursuit deux objectifs principaux. D’abord, mettre en phase la réglementation locale avec les pratiques internationales de gestion prudentielle des institutions financières, notamment en introduisant les recommandations des accords de Bâle II signés en 2004 et celles des accords de Bâle III signés en 2010 en réponse à la crise financière de 2007-2008, à savoir l’extension de la notion des risques bancaires aux risques opérationnels et de marché ainsi que le renforcement de l’exigence en fonds propres avec notamment le relèvement du montant du capital minimum ainsi que l’introduction des coussins de sécurité. Ensuite, utiliser la politique prudentielle comme instrument de politique monétaire afin d’accélérer la dédollarisation de l’économie nationale.

Ce qui en change en 2019

La modification 6 de l’Instruction 14 de la BCC introduit des innovations, notamment le renforcement des exigences en fonds propres des établissements de crédit à travers le relèvement du capital minimum, l’instauration des coussins, la prise en compte des risques de marché et opérationnels ainsi que le relèvement des pondérations de risque de crédit dans le calcul de la solvabilité minimum.

En conséquence, les banques commerciales doivent désormais (en principe au 1er janvier 2019) détenir un capital social libéré égal à l’équivalent en franc d’un montant minimum de 30 millions de dollars. Ce montant de capital minimum devra être porté à l’équivalent de 50 millions de dollars à la fin de 2020.

La notion des risques bancaires pondérés (RBP) a été étendue pour intégrer le risque de marché (8 % de la position de change la plus importante en valeur absolue) et le risque opérationnel (15 % de la moyenne des PNB des 3 derniers exercices). L’évaluation du risque de crédit a également été revue avec la notion d’échelle de crédit (non prise en compte), le facteur d’atténuation ainsi que des modifications dans la pondération des risques (notamment les participations, les comptes de régularisations…).

En plus des fonds propres pour satisfaire leur solvabilité de base, les banques doivent détenir des suppléments de fonds propres appelés « coussins » : coussins de conservation, coussins contracycliques et coussins couvrant le risque systémique. À dater du 1er janvier 2018, l’exigence minimale en solvabilité de base qui était de 7 %, est passé à 7,5 %, auxquels il convient d’ajouter le premier coussin de sécurité dit « coussin de conservation » équivalant, à 2,5 % de solvabilité pour porter le ratio de 7,5 % à 10 %. Ce minimum devra être atteint au 1er janvier 2021.

La modification 6 de l’Instruction 14 de la BCC a également introduit le ratio de levier financier afin de limiter l’effet de levier dans les activités bancaires. 

Le minimum exigé par le superviseur est de 5 % contre 4 % par les normes de Bâle. Cette modification étend la notion des personnes apparentées jusqu’au 2è rang pour les personnes physiques dans la division des risques. En cas de non-respect des contraintes, en plus de la déduction du dépassement sur les fonds propres de base, la banque se verrait infliger des sanctions pécuniaires et disciplinaires.

Les défis actuels

Il va de soi que les banques se trouvent actuellement devant trois défis importants, lesquels sont liés compte tenu de la réglementation locale et de l’environnement économique. 

D’après Yves Cuypers, le directeur général de la Banque Commerciale Du Congo (BCDC) et le président de l’Association congolaise des Banques (ACB), le premier défi est celui de la gouvernance et de la mondialisation du système bancaire. D’après lui, ce sont les États-Unis qui fixent « le tempo ». Or, pour respecter ces exigences et procéder aux mises à niveau coûteuses qu’elles nécessitent, les banques sont dans l’obligation d’investir dans ce domaine.

Le deuxième défi, souligne-t-il, c’est le développement d’une banque qui doit être aussi envisagé à travers une intégration plus ou moins partielle dans un groupe international de qualité, tout en conservant un ancrage local et national. Yves Cuypers estime qu’il est plus facile de répondre aux exigences de conformité internationale en faisant partie d’un groupe qui lui-même s’est déjà approprié cette conformité. Mais, en la matière, la BCDC qu’il dirige met tout en œuvre pour se hisser au niveau des standards internationaux.

Et le troisième défi c’est celui de la révolution numérique. Yves Cuypers parle de l’e-banking, de la banque digitale, de la monétique, des nouveaux instruments de paiement, des nouveaux acteurs que sont les télécoms qui devront à coup sûr changer le visage de la banque dans les prochaines années. « Nous devons relever ces défis technologiques. Il est fondamental, dans ce contexte mondialisé hautement concurrentiel, de porter notre regard à cinq ou dix ans et de nous poser la question de notre offre bancaire à ces horizons. 

Pour pouvoir relever le défi technologique, nous devrons investir massivement et sur le long terme. Cela nécessite d’avoir des reins financiers solides et des partenaires fiables », pose-t-il.