Renégociation en vue de l’accord sur le pétrole du Tanganyika

Le protocole d’accord de la coopération sur la promotion de l’exploration et de l’exploitation des gisements transfrontaliers conclu entre la RDC et la Tanzanie expire le 11 octobre. Et après ?

EN DÉPIT du réchauffement des relations entre les deux pays, le dossier inhérent à l’exploitation commune du pétrole du lac Tanganyika n’enregistre guère d’avancées notables. La faute à qui ? Le pays de Tshisekedi n’a pas encore versé un seul rond pour la mise en exécution du protocole d’accord de la coopération sur la promotion de l’exploration et de l’exploitation des gisements transfrontaliers entre la République démocratique du Congo et la Tanzanie. Mais il se rapporte, des sources bien renseignées, que les deux parties pourraient revenir derechef sur la table des négociations pour amender ledit protocole d’accord. 

Les gouvernements congolais et tanzanien avaient décidé, en effet, de réunir des fonds en vue de procéder notamment à de nouvelles données sismiques. « Convenu depuis le 3 octobre 2016, la Tanzanie est déjà prête à donner sa part et attend ainsi le même geste de la part de la RDC », a fait comprendre le ministère des Hydrocarbures à la commission Ecofin de l’Assemblée nationale.  Le gouvernement a prévu dans le budget 2019 environ 56 milliards de FC, soit  un peu plus de 32 millions de dollars, pour non seulement mener des opérations de certification des réserves gazière et pétrolière mais aussi pour l’acquisition des équipements informatiques et la construction d’une nouvelle raffinerie moderne et d’un bâtiment pour l’administration des hydrocarbures. Quelque 22.5 milliards de FC ont été prévus pour ces différents projets au cours de l’exercice 2018, mais à fin décembre 2018, la certification des réserves n’avait toujours pas commencé, encore moins les missions d’exploration des bassins sédimentaires pourtant reprises dans le budget de fonctionnement du ministère des Hydrocarbures qui se chiffre à plus de 3.2 milliards de FC. Pour 2019, cette rubrique a été créditée de 4 milliards de FC. Après quasiment un semestre, rien n’a été signalé.  

Exploration et certification

De l’avis des experts, ces prévisions de dépenses sont insignifiantes pour mener avec efficience les missions d’exploration et de certification des réserves pétrolières et gazières. Lors de la première conférence internationale sur le potentiel en hydrocarbures du lac Tanganyika, mi-février 2017, à Kalemie, chef-lieu de la province du Tanganyika. Des experts avaient conclu qu’il existait des indices suffisants de l’existence du pétrole. 

Aimé Ngoie Mukena, alors ministre des Hydrocarbures, a même avancé le chiffre d’une vingtaine de blocs pétroliers à explorer pour l’ensemble du Graben Tanganyika. « J’ai déjà coupé onze blocs dans le Graben Tanganyika. Les Zambiens en ont trois, les Burundais deux ou trois et les Tanzaniens en ont deux », avait-il dit. Donc la RDC devrait avoir 3 ou 4 blocs. Mais 20 mois plus tard, il se rapporte que la RDC aurait cédé ses intérêts à des particuliers, juste comme dans le Graben albertine. Ici, les blocs I et II du Graben déjà confiés à la société Oil of DRC, filiale du groupe Fleurette, appartenant à Dan Getler, l’homme d’affaires israélien. Ce dernier est sous le coup de sanctions du Trésor américain depuis décembre 2017, selon Lettre Afrique Énergies.

Spéculation sur spéculation

L’entreprise pétrolière Oil of DRC soutient avoir investi 80 millions de dollars et compte exploiter les blocs I et II du lac Albert. Les études sismiques ont déjà été réalisées mais les activités n’ont pas encore démarré. L’un des responsables de cette société indiquait, en 2015, que l’étape de forage était imminente. Oil of DRC dit disposer d’une réserve de 3 milliards de barils de pétrole. 

Une réserve qui pourrait être de même ampleur du côté ougandais du lac Albert, où, grâce à Total, l’exportation de brut devrait commencer à moyen terme après la construction d’un pipe-line débouchant sur l’océan Indien.

Côté RDC, le résultat des tests sismiques, qui ont coûté « plus de 20 millions de dollars », selon Oil of DRC, « montrent des ressources potentielles considérables qui peuvent augmenter fondamentalement (…) le PIB de la RDC si elles sont extraites et exportées de façon sûre et économique », se félicitait-on à Oil of DRC. Rien n’est venu jusque-là. Et voilà que ça spécule derechef que la RDC envisagerait de construire une unité de transformation de cobalt chez le voisin tanzanien car l’énergie électrique ferait défaut dans l’ex-Katanga pour la réalisation de ce projet at home. 

Il revient naturellement à l’État congolais de rassurer l’opinion en levant des équivoques sur toutes ces affaires. En tout cas, la Tanzanie pourrait ne plus attendre que la RDC remplisse sa part de charge à moins d’une année de l’extinction du protocole du 3 octobre 2016. La Tanzanie, on le sait, a officiellement sollicité une assistance technique de son voisin ougandais en vue de démarrer les opérations de prospection dans le bassin d’Eyasi Wembere (centre du pays) ainsi que les opérations de forage dans le lac Tanganyika. Pourtant l’Ouganda n’est pas un État riverain du Tanganyika. Ce lac réunit, en effet, quatre pays, à savoir le Burundi, la RDC, la Zambie et la Tanzanie. 

Le lac Tanganyika a fait l’objet de nombreuses recherches d’hydrocarbures  lancées par plusieurs compagnies, universités et organismes. D’autant que dans certaines parties de son bassin ou dans le lac lui-même, des suintements de pétrole sont visibles et dans la partie congolaise, ceux-ci ont une dimension impressionnante, faisant d’eux les suintements les plus grands au monde. Du côté tanzanien, les recherches sont les plus avancées et laissent entrevoir l’existence de réserves pétrolières importantes. Le Burundi s’est aussi lancé dans cette recherche et a déjà octroyé des licences de prospection. La RDC et la Zambie sont un peu en arrière.