Selon une enquête Target, moins de la moitié de la population adulte travaille

L’étude réalisée du 9 au 16 mars auprès de 1 600 personnes sondées dans les 26 villes chefs-lieux de provinces, renseigne que seuls 45 % des Congolais adultes exercent une activité professionnelle. Les plus faibles scores concernent les provinces du Kongo-Central (31 %) et de la Tshopo (29 %).

TARGET SARL est un cabinet d’études et de consulting basé à Kinshasa, en République démocratique du Congo. Il exerce ses activités dans plusieurs pays africains, notamment en Angola, au Burundi, au Cameroun, en République du Congo, au Gabon, en République démocratique du Congo, au Rwanda…, grâce à un réseau de consultants expérimentés (analystes, enquêteurs, superviseurs, recruteurs, formateurs, modérateurs…). Target, précise-t-on, exécute ses études de marché et sondages d’opinion conformément aux standards internationaux ICC/ESOMAR.

L’enquête de Target apporte un élément nouveau dans la controverse autour du binôme emploi-chômage en RDC. Ce qui compte dans cette controverse, estiment des observateurs,  c’est de mieux contrôler les chômeurs. La face cachée de l’emploi en RDC se découvre dans les quartiers populaires de Kinshasa. Réunis souvent autour des jeux de dames, de cartes ou de six, les chômeurs, pour la plupart des jeunes, se serrent les coudes, taillent bavette en s’appuyant sur la bonne parole pour s’aider à retrouver confiance. En tout cas, ils tentent de ne pas s’isoler et de ne pas désespérer.

Car être chômeur à Kinshasa enlève toute considération sociale. Trouver un emploi est un parcours du combattant, explique Françoise Matingu, 30 ans, diplômée (licence) de l’Université protestante au Congo (UNPC) en 2012 et depuis, au chômage. À ses côtés, Pascal Kilandamoko, 45 ans, avoue se sentir infantilisé. « On est vraiment sous pression dans la famille », regrette-t-il. « Parfois, j’envoie mes candidatures chaque semaine et les employeurs ne me répondront pas », insiste-t-il. Comme lui, Robert Ntela se dit fatigué de « J’ai l’honneur de… », comme lui, il ironise aussi sur les lettres de demande d’emploi. « Partout, on vous dit qu’il n’y a pas toujours d’offres d’emploi. Mais vous apprendrez qu’on a recruté », déplore-t-il.

Tous les chômeurs ne soutiennent pas cette pression et c’est justement pour ça que Marouane Nsilu dit avoir décidé de s’engager comme « journalier » ou temporaire dans une usine des cosmétiques à Limete. Une tâche ouvrière qui ne correspond pas à son profil d’économiste, licencié de l’université de Kinshasa, ni à son physique d’homme frêle. Aujourd’hui, il sensibilise ses amis pour créer une association Jobsrecherche. 

Marouane Nsilu estime que les règles ne sont pas strictes dans notre pays en matière d’emploi. « Si les jeunes diplômés ne retrouvent pas un emploi au bout de deux ans, ils risquent notamment d’être exclus du système », souligne-t-il. Quand un jeune est au chômage, c’est aussi mauvais pour la famille, la collectivité et le pays. Pour Marouane Nsilu, le chômage a pris de l’ampleur et il y a de quoi s’en inquiéter. 

Les premiers et les plus durement touchés sont justement les universitaires. D’après lui, il y a un décalage entre les qualifications et les besoins, il y a une rigidité du marché du travail. « Conséquence : la vie d’adulte est remise à plus tard face à des possibilités d’emploi maigres ou inexistantes. On ne sait pas se marier quand on n’a pas de travail. Quel est ce parent qui donnerait sa fille en mariage à un homme qui ne travaille pas ? », se demande-t-il.

C’est pourquoi, il estime que les chômeurs devraient être « davantage responsabilisés », au moins pendant leur première année sans emploi, car « ils pourraient chercher du travail plus sereinement, sans toutes ces contraintes ». Des contraintes acceptées mais souvent mal vécues par les chômeurs, surtout au-delà de 50 ans. « Les entreprises ne veulent pas embaucher des cadres plus vieux », confie Pierrot Malengela, un ancien cadre de 62 ans au chômage depuis plusieurs années.

Que fait l’ONEM ?

L’Office national de l’emploi (ONEM), anciennement Service national de l’emploi (SENEM), a été institué par la loi n°015/2002 du 16 octobre 2002 sur le code du travail (article 204) et par le décret n°081/2002 du 3 juillet 2002. Placé sous la tutelle du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, l’ONEM est un établissement public national à caractère technique et social. Comme partout ailleurs, l’office de l’emploi joue le rôle de courroie de transmission entre les entreprises et les demandeurs d’emploi ou les chômeurs dans le recrutement. Il a aussi la mission de sensibiliser les jeunes à l’entrepreneuriat et de produire les statistiques nationales sur l’emploi.

Cependant, la gestion de l’ONEM depuis sa création laisse à désirer. Au point que la Fédération des entreprises du Congo (FEC) réclame la présidence de son conseil d’administration pour remettre de l’ordre dans la boutique. En effet, les entreprises veulent avoir un droit de regard sur la contribution de 0,5 % de leur masse salariale à l’ONEM, comme le prévoit la loi, pour son fonctionnement. La marge de 0,5 % avait été négociée avec les syndicats par le ministère de tutelle étant donné que la loi n’a pas fixé la clé de cette contribution. Mais l’ONEM veut plus, au moins 2 %, ce que la FEC ne veut pas entendre.

En mars, le ministère de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale a fait signer à l’ONEM un contrat de performance. Pour Lambert Matuku Memas, ancien ministre d’État et ministre de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance sociale, ce contrat programme de performance est un instrument de suivi et d’orientation, un tableau de bord appelé à guider les actions de l’ONEM. Pour lui, cet organisme devra emboîter le pas à l’Institut national de sécurité sociale (INSS) et à l’Institut national de préparation professionnelle (INPP). 

L’ONEM développe par exemple le Programme emplois diplômés (PED) financé par la Banque africaine de développement (BAD). Sur son site internet, opérationnel fin janvier, les chômeurs trouveront plusieurs rubriques et une carte des emplois disponibles et leurs localisations. 

Contrôle des chômeurs

Le taux de 15 % évoqué par Joseph Kabila Kabange, l’ancien chef de l’État, dans son dernier discours sur l’état de la Nation devant les parlementaires réunis en Congrès au Palais du peuple, le 19 juillet dernier, a rendu jaloux de nombreux milieux et provoqué une polémique. Mais le pays doit-il vraiment se réjouir de ce taux, alors qu’ailleurs on est en-dessous de 5 % ? Pas si sûr du point de vue des chômeurs congolais rencontrés, soumis à une très forte pression. 

Pour Marouane Nsilu, l’État doit mieux contrôler les chômeurs. Cela fait défaut. Avec ses 15 % de chômage, pense-t-il, la RDC ne fait pas rêver : « La réalité est tout autre pour les demandeurs d’emploi. Combien sont-ils dans le pays sur une population d’environ 80 millions d’habitants ? Est-ce que l’ONEM dispose des  statistiques fiables sur l’emploi ? Autant de questions que l’on est en droit de se poser… » 

Mais derrière les chiffres, l’envers du décor n’est pas si rose, comme a pu le constater Business et Finances. La réalité est que les personnes sans emploi recherchent plus activement du travail. Et souvent, ces recherches ne vont pas dans la bonne direction. Pas question de perdre son temps à trouver une offre qui correspond parfaitement à votre profil, car il faut vivre. C’est ainsi que des jeunes diplômés sont devenus vendeurs de cartes prépayées, changeurs de monnaie, commissionnaires, taximen, agents de gardiennage, etc. « Vous ne pouvez pas trouver un travail correspondant à vos qualifications, vous devez coller à la réalité du marché du travail », explique Edmond Lubaki, designer (décor intérieur) fraîchement émoulu de l’Académie des beaux-arts (ABA). Le voilà dans le commerce des pièces de rechange pour véhicules en faisant la navette entre Kinshasa et Dubaï.

Chercher en priorité dans « sa zone » géographique est un casse-tête. « Souvent on se laisse dire qu’il y a des offres d’emplois, mais à l’intérieur du pays. En réalité, c’est une façon de dire non à la demande ou pour vous décourager ; c’est qu’il n’y a rien », déplore Edmond Lubaki. Aujourd’hui, les jeunes diplômés chômeurs s’adonnent à des petites formations de quelques semaines ou mois pour un métier manuel (construction, électronique, langues étrangères). Et au bout de quelques mois, ils trouvent un poste peut-être loin de chez eux.

Certaines critiques du système en place commencent à émerger. Des syndicats de travailleurs estiment par exemple que l’embauche est plutôt fonction de la tête du client (recommandation, clientélisme) que du mérite. Les chefs d’entreprise souhaiteraient donc faire appel à des travailleurs formés à l’étranger.