Serge Onyumbe Wedi, le ferrailleur de l’école gratuite

Il ne considère pas sa « défaite » aux législatives nationales du 30 décembre 2018 comme un blue feeling. Au contraire, cela est pour lui une motivation de plus, pour être davantage, encore, utile à son pays et plus près de la population. Silhouette d’athlète, d’aucuns diraient de top model, lunettes d’intello, BCBG, il détonne avec sa structure, l’ASBL JeuneZeVieux.

EN RÉPUBLIQUE démocratique du Congo, on court un grave danger. La politique – c’est-à-dire la course au pouvoir pour l’enrichissement personnel – est en train de tuer, à petit feu, les compétences et d’asphyxier les talents innés. Conséquence immédiate : les cadres sur qui le pays peut et doit compter demain deviennent une espèce rare. Encore plus qu’hier, les jeunes cadres se politisent à outrance pour un positionnement individuel et non pour servir la nation qui a investi dans leur formation intellectuelle. Mais il y a encore, heureusement, des élites, qui, en dehors de la sphère politicienne, font preuve de culture de l’excellence. Qui a dit que la RDC était en panne de cadres compétents, c’est-à-dire des hommes qu’il faut à la place qu’il faut ?

Samedi 17 août, le siège de l’ASBL JeuneZeVieux, au 141 de l’avenue Victoire dans la commune de Kasa-Vubu, est pris d’assaut par les membres de la structure. Mais aussi par des sympathisants et des résidents dans le quartier. Peu après 11 heures, il va se tenir une cérémonie de remise des diplômes de participants à la centaine de membres qui ont suivi une formation en communication de masse, assurée par le cabinet d’expertise du professeur Aimé Kayembe.

Ecce homo !

Côté jardin, Serge Onyumbe Wedi (SOW), le coordonnateur national de JeuneZeVieux, est naturellement le chouchou des jeunes comme des vieux, venus assister à la cérémonie. « C’est notre préféré, c’est notre espoir… Nous aimons le voir comme ça : saluant tout le monde avec un petit sourire béat, prêt à apporter soutien quand on lui expose un problème », confie Dorothée, une trentenaire. 

« Voyez vous-même, l’adrénaline n’est pas tombé ! C’est dommage que, candidat à la députation nationale pour démontrer sa compétence en étant tout à la fois l’élu de tous, mais aussi l’expression d’une fraction de la population, la CENI ait décidé autrement alors que nous étions convaincus de son succès », témoigne, Jérôme, 72 ans. 

Ce jour-là, Serge Onyumbe se sent bien. Non pas parce que des jeunes du quartier venus en nombre l’adulent. Mais parce qu’il vient de gagner un pari : celui de l’encadrement de la jeunesse. Un pas de plus dans son action sociale. Les photographes l’ont dans le viseur, à l’affût du moindre geste. Les caméras de télévision sont là aussi. Mais il a de la tête, comme d’ailleurs à son habitude. Jouer de la sorte est la marque des fins communicateurs. 

À 35 ans, Serge Onyumbe a des étoiles de leadership plein ses yeux vifs depuis son enfance. Un fulgurant parcours qui commence dans son milieu d’habitat : enfance dans la commune de Bumbu, passion pour la boxe amateur dès l’âge de 17 ans au sein du club Nzube dans la commune de Ngiri-Ngiri, avec lequel il a participé à plusieurs tournois. 

Le voilà, aujourd’hui, expert en communication sociale et en négociation sociale, après son bac+5 en communication sociale obtenu en 2009. Sorti fraîchement émoulu de l’université, il est chargé de communication chez ProCredit Bank Congo, qui est devenue Equity Bank Congo, de 2009 à 2015. Depuis 2015, Serge Onyumbe exerce comme chargé de communication à la Banque Commerciale Du Congo (BCDC). Bosseur créatif, fonceur avant que d’être un penseur, hyper-réactif, son parcours est jalonné aussi de multitâches professionnelles, qui font que les gens reconnaissent facilement Serge Onyumbe dans la rue, les magasins, les bureaux, etc. Comme les élites de sa génération qui rêvent d’être ministre, être député, être président de la République, Serge Onyumbe se détache un brin de l’objet de toutes ces fascinations. Il ne renonce pas au rêve, mais ce qu’il veut d’abord : s’émanciper et émanciper les autres.

Théo suit son parcours depuis plusieurs années. Il témoigne : « Outre son expérience des secteurs public, technique et de la société civile, il a des qualités personnelles qui sont essentielles pour diriger des organisations complexes. Ses aptitudes relationnelles et de leadership, sa capacité à accomplir plusieurs tâches à la fois, mais aussi sa créativité, son habileté, son dynamisme et son engagement, son humilité prouvent à suffisance qu’il sait diriger pour amener des changements et obtenir des résultats, en particulier dans les situations difficiles. »

Effet planant de la gagne 

Un membre de l’ASBL JeuneZeVieux nous susurre à l’oreille : « Je ne me laisse pas séduire facilement, vous savez. Je regarde les idées et les projets de chacun avant de me prononcer. Serge sait demander conseil, ce qui est indispensable dans un environnement complexe. Sa lucidité et son empathie permettent de parvenir à des consensus et inspirent confiance. Ces qualités associées à son charisme et à d’excellentes aptitudes de communication font de lui un candidat exceptionnel. »

L’horizon de Serge Onyumbe n’est pas brumeux après son échec à la députation nationale. « Mon avenir ne s’est pas arrêté avec les législatives de décembre 2018 », confie-t-il. Ajoutant qu’il va continuer de se battre pour ses idées, de creuser toujours le même sillon. Le coordonnateur de l’ASBL JeuneZeVieux est déjà dans l’après. Ayant l’expérience d’un pays en développement et ayant toujours démontré qu’il prend la défense des vulnérables, même en dehors de l’Assemblée nationale et du gouvernement, Serge Onyumbe nous dit, sans fausse modestie, être « bien placé pour représenter le point de vue des populations sous-desservies et pour répondre à leurs besoins ». 

Il inscrit son action dans « l’approche voulue d’une alternance qualitative et systématique ». À travers son mouvement citoyen, donc, créé en 2017, il montre son attachement au bien-être des populations par le leadership, l’innovation et une approche systématique du changement. Cette année, Serge Onyumbe a créé une école primaire où la formation sera gratuite et le fonctionnement pris entièrement en charge par sa structure. Imaginé comme un cadre d’échanges d’expériences pour l’épanouissement du pays, l’ASBL JeuneZeVieux avait déjà mis en place un programme particulier appelé « Bourse scolaire JeuneZeVieux ». 

Recette efficace, comme il le dit lui-même, ce programme est « intelligent et citoyen ». Il permet aux enfants congolais fréquentant l’école mais en situation difficile ou à ceux qui sont en dehors du système éducatif dont les parents sont démunis ou n’ont pas de moyens suffisants pour les envoyer à l’école, de pouvoir bénéficier de l’égalité des chances dans l’accès à la scolarité. Du concret : quelque 200 élèves, notamment au complexe scolaire Amour du prochain de Masina ont déjà bénéficié de ce programme. L’objectif pour l’année scolaire 2019-2020 est d’atteindre 10 000 enfants à scolariser. La constitution du pays garantit la gratuité de l’enseignement primaire à tous les enfants congolais. Le président de la République a promis de l’appliquer à partir de cette année scolaire dans les écoles publiques seulement.  

L’ASBL JeuneZeVieux est avant tout un « mouvement d’action et de plaidoyer pour oxygéner le débat national devenu atone aussi bien sur le modèle social que sur la vie politique ». Face donc à cette situation, il se positionne aussi comme un « mouvement d’interpellation des gouvernants ». Par exemple, sur la gratuité de l’école et la réforme du programme scolaire afin de l’adapter aux enjeux de la technologie, de l’innovation, de l’entrepreneuriat et du développement du pays.