Sur les droits, taxes et redevances, l’ordonnance-loi n°18/003 fait polémique

SELON l’Administration parafiscale, le secteur du tourisme aurait dû rapporter gros pendant la période des festivités et des élections, n’eut été la suppression de la redevance sur les nuitées, repas et boissons pour les catégories 0 à 1 étoile et 0 à 1 fourchette. Cela est dû à l’ordonnance-loi n°18/003 du 13 mars 2018, qui a également supprimé l’acte générateur de recettes sur l’homologation des sites touristiques. 

Mêmes doléances au ministère de la Santé publique où l’on déplore la désactivation de certains actes générateurs de recettes au Sydonia World, notamment la taxe de désinfection, désinsectisation et dératisation des véhicules routiers transfrontaliers (DDVR) ainsi que la taxe sur le contrôle sanitaire aux postes frontaliers (contrôle des établissements classés, déclaration générale de santé des aéronefs, navires, caboteurs et les membres d’équipage ainsi que des passagers à bord). 

Le gouvernement sortant a en outre accordé des exonérations aux importateurs de produits d’origine toxique (PROTOX) bien que nuisibles à la santé de la population et des communautés régionales en violation du Règlement sanitaire international, déplore-t-on au ministère de la Santé publique. 

L’ordonnance-loi n°18/003 du 13 mars 2018 est, en effet, remise en cause dans la plupart des ministères et services publics pour avoir perdu de juteux actes générateurs de recettes au profit des autres institutions ou assujettis. Par exemple, les agents du ministère de la Culture et des Arts déplorent la suppression de certains actes générateurs dont la taxe de décoration (qui procurait à elle seule plus de 50 % des recettes) à la suite de cette ordonnance-loi. 

Au ministère des Travaux publics, des Infrastructures et de la Reconstruction, le budget des recettes 2019, soit 364,7 millions de nos francs, accuse une régression de plus de 55 %, par rapport à celui de 2018, soit 812,2 millions de francs. 

C’est « suite à l’application de l’ordonnance-loi du 13 mars 2018 portant nomenclature des droits, taxes et redevances du Pouvoir central, supprimant la taxe d’agrément des bureaux d’études, qui à elle seule finance à plus de 65 % les recettes du secteur », lit-on dans un document annexe à la loi de finances 2019. 

La bataille des assujettis

La Police nationale du Congo (PNC) se frotte les mains car son budget prend en compte dans les prévisions 2019, l’acte générateur libellé « Extrait de casier judiciaire », jadis taxé par le pouvoir judiciaire, conformément à la loi organique portant organisation et fonctionnement de la PNC ainsi que dans cette ordonnance-loi du 13 mars 2018.En ce début d’année où chaque service d’assiette s’applique à collecter davantage des recettes, l’on observe une certaine guéguerre autour des contribuables. Lesquels ne savent plus à quel ministère ou à quel service payer telle ou telle autre taxe ou redevance. 

Par exemple, un conflit de compétence oppose le ministère de l’Industrie à l’Office congolais de contrôle (OCC) à propos de l’élaboration des normes et du contrôle qualité sur divers articles. Le ministère de l’Industrie devrait réaliser quelque 6 554 786 027 FC, soit un peu plus de 4 millions de dollars, à fin décembre 2018. Mais les experts-maison estiment que le ministère qui est un service d’assiette peut réaliser davantage de recettes, si l’OCC cessait de lui faire ombrage. 

Alors que sa contribution au budget de l’État est nulle depuis des lustres, l’OCC conteste, en effet, au ministère de l’Industrie le droit de percevoir des frais sur une dizaine d’actes générateurs de recettes liés aux normes et contrôle qualité. 

Il s’agit notamment de la taxe sur l’autorisation d’usage de la marque de conformité aux normes nationales, des taxes relatives aux opérations de vérification et de détention des instruments de mesure à usage industriel et/ou commercial utilisant le mètre comme unité de longueur, des taxes inhérentes aux opérations de vérification et de détention des instruments de mesure à usage industriel et/ou commercial utilisant le kilogramme comme unité de masse. Il s’agit aussi des taxes liées relatives aux opérations de vérification et de détention des instruments de mesure à usage industriel et/ou commercial utilisant le carat comme unité de masse ainsi qu’aux opérations de vérification et de détention des instruments de mesure à usage industriel et/ou commercial utilisant le môle comme unité de masse. 

Il s’agit également des taxes relatives aux opérations de vérification et de détention des instruments de mesure à usage industriel et/ou commercial utilisant l’ampère comme unité de courant électrique. 

Tensions entre ministères

Les autres taxes querellées portent sur les opérations de vérification et de détention des instruments de mesure à usage industriel et/ou commercial utilisant l’unité de température et de vérification et de détention des instruments, de mesure à usage industriel et/ou commercial de conditionnement en masse et en volume. 

Pour autant, les prévisions des recettes de 2019 du ministère de l’Industrie sont de 6 948 073 189 FC, soit 3.9 millions de dollars. 

Pour ce faire, le ministère de l’Industrie envisage de mener des missions de contrôle mixte avec la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et des participations (DGRAD). Ce ministère compte également renforcer les capacités de différents acteurs de la chaîne de la recette, notamment en provinces, tout en mettant à jour le répertoire des assujettis dont un grand nombre a préféré se soumettre à l’OCC.

Par ailleurs, les ministères de l’Environnement et du Développement durable, des Hydrocarbures et de la Santé publique récusent toute immixtion du ministère de la Recherche scientifique par rapport à l’acte de permis de recherche. Le ministère de la Recherche scientifique gère, en effet, des taxes sur l’autorisation d’exercer une activité de production, de traitement, d’extraction, de recherche, d’exploitation, professionnelle et d’agrément. 

Parmi celles-ci, il y a la taxe sur le permis de recherche dans le domaine scientifique et la taxe d’agrément et d’identification d’un centre privé de recherche ainsi que celle d’enregistrement des résultats en matière de recherche scientifique. De près de 45 millions de francs 2016, les recettes escomptées de ces différentes taxes n’excèdent guère les 10 millions du fait de la résistance de certains ministères à laisser la Recherche scientifique les percevoir. 

À titre exemplatif, un centre de recherche sur les hydrocarbures ou sur Ebola doit, selon la loi inhérente à la répartition des actes générateurs de recettes, payer sa taxe sur le permis de recherche au ministère de la Recherche scientifique plutôt qu’aux hydrocarbures ou à la Santé. Mais hélas, des entreprises préfèrent s’en remettre aux ministères de tutelle. 

Par conséquent, l’on observe la non subordination de la délivrance des brevets d’invention à la certification des procédés techniques d’un résultat de recherche scientifique. 

Par ailleurs, le ministère de la Recherche scientifique ne dispose pas d’un répertoire des assujettis. Il n’a pas non plus une représentation au niveau provincial et sa collaboration avec la DGRAD se limite juste à la reprise du ministère sur la liste des services d’assiette.

La Banque centrale s’emmêle  

Autre conflit d’actes générateurs de recettes dû à l’ordonnance-loi du 13 mars 2018, c’est celui qui oppose le ministère des Finances à la Banque centrale. 

La BCC a, en effet, décidé unilatéralement de percevoir les recettes inhérentes aux amendes transactionnelles, particulièrement celles portant sur l’infraction à la législation de change. Pourtant ces amendes relèvent depuis toujours du ministère des Finances. 

En 2017, le ministère des Finances avait pourtant réalisé un taux de perception de 207 % des recettes, soit plus de 2.6 milliards de francs pour des assignations de 1.2 milliard. Les amendes transactionnelles particulièrement celles portant sur l’infraction à la législation de change avaient rapporté 2 389 160 132 FC. 

Le ministère des Finances sollicite « l’harmonisation des compétences sur les actes relatifs à la réglementation de change entre le ministère et la BCC », lit-on dans le document intitulé « Annexe explicative des prévisions des recettes de l’exercice 2019 » transmis en additif, au projet de loi de finances 2019, à l’Assemblée nationale par Bruno Tshibala Nzenzhe, le 1ER Ministre sortant.