Système financier : combler le vide !

DOLAY TSHIMANGA

LES GRANDS problèmes du moment, qu’il s’agisse de la supervision prudentielle, de la gouvernance ou de la protection des épargnants commandent de trouver les bonnes réponses. Selon une enquête récente, il faut en finir avec un certain nombre de pratiques.

Cela fait trois ans déjà, depuis que Deogratias Mutombo Mwana Nyembo, le gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), avait annoncé que son institution veillerait de « façon particulière » à affiner le cadre réglementaire et aiguiser les pratiques de supervision des institutions financières. Dans cette perspective, il ne cesse d’inviter les opérateurs du système financier national à s’impliquer « sans réserve » dans les différentes réformes envisagées, question de « consolider » la crédibilité et la solidité du système financier. 

Dans le cadre de l’amélioration de l’environnement des affaires et de la consolidation des fondamentaux du système financier, estiment des observateurs, la BCC doit accélérer le processus de migration du système financier national vers les standards internationaux. 

Beaucoup reste à faire

Il y a encore beaucoup de défis à relever pour l’essor du système financier national. La BCC en est consciente. Parmi ces défis, le faible niveau de bancarisation et d’inclusion financière, le coût élevé des services financiers et l’insuffisance du dispositif de protection de la clientèle, ainsi que l’absence de mécanismes d’assurance des dépôts, des crédits pour les petites et moyennes entreprises (PME). 

La réforme organique de la Banque centrale lui confère à coup sûr plus de marge de manœuvre dans l’accomplissement de sa mission de régulation et de contrôle du secteur financier. Ce n’est pas tout. Les causes de l’instabilité du secteur financier ne sont pas « une fatalité » pour la République démocratique du Congo, estiment des experts du cabinet Humanitas. Au contraire, il faut y travailler pour favoriser l’inclusion financière. Selon ce cabinet, dix causes seraient à l’origine de l’instabilité du système. Ce sont les causes liées aux institutions (mauvaise gouvernance, non maîtrise de la croissance, faiblesse de fonds propres, absence de diversification des produits…), les causes liées à la supervision prudentielle et les causes liées aux partenaires (coordination des activités, associations professionnelles, environnement politique et économique…).

Pour se sortir de la crise, il faut adapter la loi à l’innovation financière, aux réalités du pays pour que tout le monde en bénéficie, mettre à jour la stratégie nationale, mettre en place des fonds (d’assurance, d’investissement et de garantie), des marchés financiers. Il faut également se doter d’outils de gestion des risques externes, ainsi que liquider et redresser les institutions au cas par cas.

Pour sa part, Al Kitenge de Task Force pense qu’il faut commencer par mettre en place les fondamentaux. Le drame, dit-il, c’est la question du plan stratégique général. Que veut-on faire du système financier et quel rôle veut-on lui faire jouer dans l’architecture économique de la RDC et dans son développement économique ? Al Kitenge estime que l’appropriation du système doit être « quelque chose de volontaire et non d’imposition ». Il invite donc à s’inspirer de l’expérience des autres autour de nous, comme le Kenya et la Tanzanie, notamment en matière de microfinance. « Lorsqu’on considère la puissance de ces deux pays et la puissance de la microfinance dans ces deux pays, on se rend vite compte qu’ils veulent faire quelque chose de manière particulière qui s’adresse à une communauté particulière bien déterminée avec un succès particulier », explique Al Kitenge.

Convaincu que la législation en la matière est lacunaire à ce jour. L’implication politique est encore pesante, notamment dans la désignation du gouverneur de la Banque centrale. Il manque par exemple dans le système des fonds de garantie des dépôts. Corollairement, Al Kitenge souhaite voir des associations des consommateurs émerger pour que les citoyens jouent pleinement le rôle du plus grand surveillant de la cité. Et que la justice soit vraiment indépendante, notamment pour s’intéresser aux cas d’enrichissement illicite, de conflit d’intérêts… 

Il faut aussi, préconise-t-il, beaucoup d’éducation financière parce que « beaucoup ne savent les actes qu’ils posent ». Afin d’optimiser la généralisation des services financiers dans le pays, l’accent doit être mis sur une professionnalisation accrue du secteur et des prestataires.