«Taxe rose» : pour une TVA à 0% sur les protections périodiques

Mettre au cœur du débat l’achat de ces produits indispensables à la vie des femmes est une question d’égalité et de santé publique. Plusieurs pays ont déjà fait ce choix. A quand la France ?

J’ai passé quinze ans à la rue, il m’est arrivé d’avoir froid et pourtant le plus dur a été ailleurs : devoir prendre du vieux papier journal comme protection hygiénique certains mois parce que je n’avais pas assez d’argent pour m’acheter des serviettes. Cette sensation sur la peau, cette humiliation, je ne la souhaite à aucune femme. Cela m’a marqué à tout jamais.

Il y a quelques mois, l’Ecosse est devenu le premier pays au monde à rendre gratuites les protections périodiques pour les étudiants. En janvier, l’université de Lille a mis en place des «kits précarité menstruelle». Ces deux exemples ont un grand mérite : mettre au cœur du débat l’injustice que représente l’achat de ces produits indispensables à notre vie de femmes.

Nous sommes la sixième puissance économique au monde et, chaque mois, nous sommes des centaines de milliers de femmes invisibles à devoir nous débrouiller comme l’on peut, faute d’argent. Ces femmes, je connais leur visage : elles sont étudiantes, elles sont mères célibataires, elles sont gilets jaunes. Elles n’arrivent pas à joindre les deux bouts, alors elles se sacrifient.

Elles se sacrifient parce qu’elles n’ont pas le choix, tout simplement, cela a été mon cas à une époque ; elles se sacrifient parce qu’elles doivent arbitrer dans leur budget et, dans ce cas-là, on pense d’abord à ses enfants. Lorsque l’on est à quelques euros près, chaque centime compte pour remplir le frigo.

80 euros par an La dépense des serviettes est loin d’être négligeable pour beaucoup d’entre nous : c’est entre 5 et 7 euros par mois, un peu plus de 80 euros par an. C’est une dépense obligatoire qui est taxée par l’Etat.

Si les hommes avaient besoin de serviettes hygiéniques, cela ferait longtemps que nous n’aurions plus de taxe sur ces produits-là. Aujourd’hui la «taxe tampon», comme je l’appelle, est de 5,5% en France ; elle reste à 19% en Allemagne et atteint même 27% en Hongrie.

Réduire le taux à 5,5% comme cela a été fait en France, c’est une première étape.

Je formule aujourd’hui deux propositions pour aller plus loin : d’abord une TVA à taux zéro sur les protections périodiques en France, avant une généralisation aux autres pays européens. C’est cela l’Europe que nous voulons.

J’entends déjà certains lecteurs dire : voici une belle idée mais elle est impossible. C’est, au contraire, tout à fait possible et en voici la preuve.

Cette harmonisation européenne sera la stricte application de «la clause de l’Européenne la plus favorisée». Son but : faire valoir dans toute l’Europe la loi qui est la plus favorable aux droits des femmes. Si nous gagnons ce droit en France, nous le gagnons partout en Europe. Ce serait un pas énorme que nous franchirions. Il nous faudra, alors, être attentives et nous assurer que les marques et les supermarchés répercutent bien cette baisse de la TVA comme il se doit et ne se remplissent pas les poches en passant.

C’est tout à fait possible, enfin, parce que c’est déjà appliqué dans plusieurs pays qui ont fait le choix d’une TVA à taux zéro sur ces produits. C’est le cas de l’Australie, du Canada, du Kenya ou encore du Nigeria. Depuis quelques semaines, c’est au tour de la Suisse d’ouvrir le débat.

Il n’est pas digne de la France et de l’Europe d’être à la traîne sur ce sujet. C’est une question de justice, d’égalité et de santé publique. C’est aussi une question de pouvoir d’achat pour de nombreuses femmes.

Elina Dumont ancienne SDF, comédienne, candidate aux élections européennes