Un contentieux oublié ?

Le port de Dar es Salaam, la capitale économique de la Tanzanie, est-il un patrimoine congolais ? Si certains le pensent, il s’avère que le gouvernement ne l’a jamais revendiqué.

Le port de Dar es Salaam, en Tanzanie.
Le port de Dar es Salaam, en Tanzanie.

Zone douanière commune, amélioration du commerce et du transit dans le corridor nord (ACT-CN), que des projets mitoyens entre la RDC et la Tanzanie, mais celui de prolonger le réseau ferroviaire congolais  (SNCC) vers les ports de Mombasa (Kenya) et de  Dar es Salaam (Tanzanie) au bord de l’océan Indien, qui compte pourtant parmi les résolutions-clés des concertations nationales, n’intéresse pas encore les décideurs.Cette résolution qui aurait été soutenue par un délégué proche de l’opposition vise en réalité à déterrer un contentieux vieux de plus de quarante ans entre Kinshasa et Dodoma.

Les faits remontent, à 1971. Envieux, soupçonneux, jaloux de l’aura de Mobutu Sese Seko sur le continent, selon un ancien des services zaïrois,  le président tanzanien Julius Nyerere, en mal de positionnement sur l’échiquier africain, montait de bric et de broc, bisbilles et anicroches diplomatiques entre le Zaïre et la Tanzanie.

Le Tanzanien aurait même envisagé l’exclusion du Zaïre de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) car, il considérait Mobutu, d’après le professeur Mamba wa Ngindu, comme le meurtrier de Patrice Emery Lumumba.

Et à brûle-pourpoint, sans négociation au préalable avec Kinshasa, Nyerere décida de nationaliser  les installations portuaires de Dar es Salaam et de Kigoma, construites avec les fonds de la Gécamines. D’où les relations en dents de scie entre Kinshasa et Dogoma. En 1986, Mobutu se vantera même, lors d’une harangue populaire à Nsele, de l’incursion de commandos zaïrois à 20 km en territoire tanzanien, lesquels offraient volontiers « aux caïmans de 6 m dans le Tanganyika», précisait-il, des soldats tanzaniens venus les repousser. (…).

La requête de l’ANEP

Grace à la normalisation des rapports entre les deux États, Julius Nyerere, quoiqu’il n’était plus chef de l’État,  ayant été invité à visiter la RDC par l’AFDL, l’Association nationale des entreprises du portefeuille (ANEP), demanda officiellement à la Tanzanie de remettre la Gécamines dans ses droits en lui restituant la gestion de ses deux ports de Dar es Salaam et de Kigoma, ainsi qu’un pan de chemin de fer du réseau tanzanien. Fin 2010, l’administratrice directrice générale de la Société nationale d’assurance (SONAS), Carole Agito, en  sa qualité de présidente du Conseil de l’administration de l’ANEP réitèra la demande lors de la visite, à Kinshasa, du ministre tanzanien de la Coopération avec les États membres de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Curieusement, le gouvernement ne montra le moindre intérêt pour la requête de l’ANEP.  Depuis, aucune démarche officielle n’a été effectuée par Kinshasa ni vers la Tanzanie ni vers la justice internationale. Pourtant, non seulement la Tanzanie rechigne à donner suite à la requête de l’ANEP, mais les entreprises publiques ou privées qui transite leurs marchandises par les  ports de Dar es Salaam et de Kigoma sont aussi traitées en parias. L’ANEP a déjà fait part du refus des armements desservant Dar es Salaam, par exemple, d’acheminer les conteneurs de ligne en RDC.

Les Congolais sont également soumis à une multiplicité de taxes et de cautions douanières sur un même fret, qui pis est en transit. Comme pour faire davantage preuve d’une foi punique, la compagnie ferroviaire tanzanienne, TAZARA, rejette  toute collaboration avec la SNCC, les Tanzaniens refusant même d’envoyer les wagons estampillés TAZARA en RDC. Les opérateurs économiques se voient ainsi contraints de passer par la voie routière, ce qui n’est pas sans incidence sur les coûts du trafic et sur le temps. Et pourtant, la RDC et la Tanzanie font partie de deux communautés régionales à vocation économique, le COMESA et la SADC. En 2010, quand l’ANEP s’activait à reprendre les ports congolais de l’océan Indien, les échanges entre les États membres du Marché commun de l’Afrique orientale et australe, COMESA, valaient plus de 17 milliards de dollars. Que gagne réellement la RDC dans ces organisations économiques régionales? Le gouverneur honoraire de la Banque centrale du Congo, Jean-Claude Masangu Mulongo est formel : « Notre pays n’exploite pas ses avantages comparatifs au sein des organisations régionales dont il est membre, CEPGL, CEEAC, COMESA, SADC. Partout la RDC est classée  dernière ou avant-dernière ».  Et pourtant, après le COMESA,  la SADC et l’EAC ont annoncé la mise en place d’une zone de libre-échange dans les prochains jours.