Une mise en sourdine pendant deux ans, selon l’administration Trump

Jusqu’où ira la politique-spectacle de Donald Trump ? Décidément, le président américain voit le diable partout. Obsédé par l’idée que seuls les intérêts de l’industrie qui priment, le voilà qui veut mettre en sourdine la loi Dodd-Franck… qui oblige les entreprises à révéler l’origine des minerais qu’elles utilisent. La suspension de la loi pendant deux ans, comme le propose l’administration Trump et certains lobbies économiques, pourrait présager, à terme, d’une abrogation pure et simple de la loi. Les opposants à la loi Dood-Frank, comme la National Association of Manufacturers (Association nationale des industriels) affirment que la mise en œuvre de la loi coûterait de 9 à 16 milliards de dollars à des milliers d’entreprises.

Mais en cas de suspension, les États-Unis se retrouveraient « à la traîne » dans la lutte contre le commerce des minerais issus de zones de conflit. L’Union européenne travaille actuellement à la mise en place d’une réglementation similaire. Une suspension qui risque « d’enrichir les groupes armés » selon Human Rights Watch (HRW). Depuis 2010, la loi Dodd-Frank sur les minerais provenant des zones de conflit impose aux grandes sociétés américaines de rendre traçable la chaîne d’approvisionnement des minerais entrant dans la fabrication de leurs produits. Cette loi permet notamment de contrôler que le coltan, l’or ou l’étain qu’elles achètent ne financent pas des groupes armés qui pullulent encore par dizaines dans l’Est de la RDC.

La loi américaine n’empêche pourtant pas certains minerais de sortir illégalement de la RDC, notamment par le Rwanda ou l’Ouganda, et de revenir dans le marché « légal » en étant acheminés en Asie via les pays du Golfe. Mais la loi Dodd-Frank a tout de même permis des avancées notables dans la traçabilité des minerais « douteux » et mettre en place des circuits certifiés et des coopératives fiables en RDC.

La suspension de cette règle sonne comme un très mauvais signal pour de nombreuses ONG internationales. Human Rigths Watch estime que ce coup de canif de l’administration Trump à la loi Dodd-Franck « saperait les efforts positifs déployés pour éliminer les minéraux issus de zones de conflit de la chaîne d’approvisionnement des grandes entreprises. » Un retour en arrière qui affaiblirait les entreprises jouant le jeu de la transparence. Car, selon Arvind Ganesan, directeur de la division Entreprises et droits humains à HRW, « de nombreuses entreprises de premier plan ont adopté la règle Dodd-Frank et prouvé qu’elle fonctionne. » Depuis sa mise en œuvre, de grandes entreprises comme Apple, Intel, et Tiffany & Co ont déployé de nombreux efforts pour se conformer à la législation.

Les réactions fusent de partout. « L’administration Trump ne devrait pas supprimer une règle soutenue et suivie par des entreprises de premier plan », estime Arvind Ganesan. « La loi Dodd-Franck 1502 aide à prévenir l’enrichissement par le biais des ressources minérales des chefs de guerre aux pratiques abusives en RDC.

Cette règle a servi de modèle à d’autres règles similaires dans plusieurs pays et elle empêche le consommateur américain de financer à son insu d’atroces violations des droits humains. » Human Rights Watch rappelle qu’en 2002 et 2003, « des groupes armés ont lutté pour contrôler une ville minière située dans la région de l’Ituri. Tandis que la ville a changé de main cinq fois, les chefs de guerre ont massacré 2 000 civils, procédé à des exécutions sommaires, violé, torturé et perpétré d’autres abus contre des civils. »