La CIRGL demande à être consultée pour une solution consensuelle

Le point de vue de la CIRGL est que la suppression ou la révision de la Section 1502 censée réguler le secteur bancaire et financier américain, au terme de la revue de la loi qui a été demandée par Donald Trump le 3 février, fait peser « le risque de résurgence des guerres dans la région des Grands lacs ». En mai 2007, à Bujumbura au Burundi, le secrétariat exécutif de la CIRGL a établi quatre programmes, avec l’ambition d’appliquer le Pacte sur la sécurité, la stabilité et le développement dans la région des Grands lacs signé par les chefs d’États et de gouvernement à Nairobi en 2006.

L’un de ces programmes, le programme Démocratie et bonne gouvernance est chargé de la mise en œuvre du Mécanisme régional de certification. La Section 1502 de la loi Dodd-Frank oblige les compagnies enregistrées auprès de la SEC (le gendarme américain de la Bourse) à déclarer si elles se fournissent en RDC ou dans les pays voisins, en « minerais du sang ». Ce qui pourrait être considérée comme un obstacle à la compétitivité des entreprises américaines à l’international, dont Donald Trump voudrait les affranchir.

La CIRGL considère également la suspension ou la révision de cette loi comme un défi car elle va à l’encontre des intérêts de l’Afrique des Grands lacs. Quelle que soit l’option qui sera levée par le Trésor américain, la CIRGL entend continuer à travailler avec les douze pays membres de l’organisation. Le programme Démocratie et bonne gouvernance a déjà développé le Mécanisme régional de certification des minerais, commencé les audits au sein des compagnies minières, pour voir si elles respectent les consignes. En tout cas, il s’est engagé à poursuivre le processus de traçabilité.

En effet, la loi Dodd-Franck en Afrique centrale vise à mettre fin au contrôle du sous-sol par les groupes armés. Il s’agit de s’assurer que ce ne sont pas eux qui exportent les minerais pour financer leurs guerres et semer le désordre dans la région des Grands lacs. Depuis l’adoption de cette loi, et grâce au travail de la CIRGL, les conflits armés ont diminué que ce soit au niveau de chaque pays ou entre les États. La CIRGL a offert un cadre de dialogue entre les États membres. Elle a réussi à amener les dirigeants de la région des Grands lacs à s’asseoir ensemble soit lors de sommets de chefs d’État, soit pendant les conseils des ministres au niveau régional, pour discuter de toutes ces questions relatives à l’exploitation minière. Par ailleurs, la CIRGL a réussi à mettre en place un système qui permet de tracer l’origine des minerais, de détecter s’ils proviennent des sites tenus par les groupes armés ou pas. Elle donne des certificats aux compagnies minières en règle, qui montrent que leurs minerais sont exempts de conflits, et peuvent ainsi avoir accès au marché américain.

La CIRGL redoute que la suppression de la loi Dodd-Franck ne puisse raviver les conflits armés en RDC, car elle a réussi à neutraliser les groupes armés qui contrôlaient certains sites miniers. C’était, par exemple, le cas du M23, ou des Maï-Maï qui n’ont plus de forces faute de pouvoir commercialiser les minerais. Même chose pour les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). D’après la CIRGL, le grand danger aujourd’hui, c’est que si cette loi est supprimée, les grandes entreprises qui avaient l’habitude de s’approvisionner en RDC n’hésiteront pas à faire de ces groupes armés leurs nouveaux fournisseurs. La CIRGL qui a en fait un système fort, capable de déterminer la traçabilité des minerais, agissant indépendamment de la loi Dodd-Frank, appelle le président et le Congrès américain à ne pas toucher à cette loi, et à entrer en consultations avec elle pour la recherche d’une solution consensuelle.