DEPUIS l’année dernière, le mouvement était perceptible à Mbuji-Mayi. Et les choses semblent désormais évoluer vite. Pour preuve, la firme roumaine AM Developments International va débourser très rapidement 180 millions de dollars pour permettre à la Minière de Bakwanga (MIBA) de renouveler son outil de production et d’améliorer sa desserte en énergie électrique (qui est passée de 18 MW à 2 MW) à partir de la centrale hydroélectrique de Tshiala. L’accord que la MIBA vient de conclure avec cette firme autorise cette dernière justement à exploiter le diamant sur le massif 1 du polygone minier. Elle va également mener des études pour la certification des deux massifs de la MIBA à Bena Kabimba. AM Developments International a également épongé les arriérés de salaires des travailleurs actifs de la MIBA
Mais que devient la firme canadienne Saint-Louis BGM Sarl qui a déboursé en octobre 2019 des fonds pour la relance des activités minières ? Pour se reprendre, la société recherchait au moins 20 millions de dollars. En juin dernier, la direction générale de la Minière avait réceptionné un second lot d’outils de production en provenance de Dubaï via la gare de la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC) à Mwene-Ditu. Cette acquisition traduisait la vision du nouveau leadership politique dans le pays.
Plan minimaliste
Le plan minimal de redressement de la Minière de Bakwanga nécessitait donc 20 millions de dollars, en vue d’accroître la production à la fin de 2019, c’est-à-dire passer de 30 mille à 100 mille carats. Le conseil d’administration se fondait sur l’acquisition du matériel (camions bennes, bus, compacteur, pelle chargeuse, sondeuse, concasseurs et nouvelle laverie pour le traitement des concentrés) grâce à un financement de 5 millions de dollars du Trésor public, afin de relancer les activités minières à Mbuji-Mayi.
Il faut dire que la MIBA était près d’un dépôt de bilan, recommandé d’ailleurs par un audit interne. Mais pour plusieurs considérations, il a fallu maintenir la Minière en survie malgré les difficultés. Aujourd’hui, la MIBA doit se transformer en une nouvelle société. C’est l’avis des originaires du Kasaï-Oriental. Entreprise parapublique, détenue à 80 % par l’État et à 20 % par Mwana Africa, la MIBA a besoin d’équilibre. Le plan minimal mis en place vise à exploiter la kimberlite (13 massifs dans le polygone minier).
Le plan minimal ouvre également la voie à la sous-traitance, en vue d’accroître la production et moderniser le système d’extraction des minerais, de réhabiliter les pistes dans le polygone ainsi que la voie d’accès à Disele, où se trouve la riche roche de kimberlite actuellement en état de délabrement avancé. Toujours dans le même plan, il est question d’exploiter d’autres minerais, tels que le cuivre, l’or et le nickel chrome.
Bref, la MIBA ambitionne de jouer à nouveau son rôle de poumon économique de l’espace Grand Kasaï. C’est pourquoi, l’appel est lancé à la population de protéger l’outil de travail et le site minier. La MIBA détient des carrés miniers dans toutes les provinces démembrées qui formaient les deux Kasaï (oriental et occidental).
Les raisons du déclin
Les déboires de la MIBA sont dus en interne à la mauvaise gestion des ressources, l’absence d’investissement et à l’intervention de la MIBA dans la vie de la nation congolaise. La faillite de la MIBA est aussi due à la baisse des cours du diamant sur le marché international ainsi qu’à l’absence de diversification de la production. Celle-ci est restée focalisée sur le diamant, rendant ainsi l’économie de l’entreprise non résiliente.
À Mbuji-Mayi, le refinancement de la MIBA était devenu un enjeu électoral. À qui allait profiter la mise à mort de la Minière de Bakwanga ? Certains milieux ne cachaient plus leur indignation devant ce qu’ils considéraient comme une « indifférence totale » des décideurs du pays. Vraisemblablement, ils n’ignorent pas ce qu’a été son apport dans le budget de l’État. La MIBA produit une moyenne de 2 000 carats de diamant par jour. Toutefois, la certification demeure encore une condition sine qua non pour les bailleurs de fonds internationaux afin d’assurer des investissements durables pour la production.
La cession d’une partie des actifs de la société à Sengamines au début des années 2000 a été un coup dur. La Sengamines a été par la suite liquidée et remplacée par une autre société, SACIM, de droit congolais qui exploite sur les gisements de Senga Senga, une localité du territoire de Miabi.
À ses débuts, entre 1962 et 1964, la production mensuelle de la MIBA avoisinait plus au moins 12 et 13 millions de carats. Jusqu’à un passé récent, la MIBA a sorti du sous-sol kasaïen plus ou moins 680 millions de carats. Une production dont les économies (recettes) ont profité à l’État, avant que celle qui a été considérée comme une « vraie vache à lait » pour les différents pouvoirs qui se sont succédé à la tête de notre pays, ne soit jetée sans ménagement dans la poubelle de l’histoire industrielle du pays qui connaît une désindustrialisation inquiétante.
Vers les années 1990, à la suite de l’épuisement des minerais détritiques, exploités près de 80 ans durant, la MIBA s’est dotée d’un programme quinquennal en vue d’assurer son avenir. L’activité devait se focaliser sur l’exploitation de la kimberlite ou la roche mère du diamant, renseignent des sources à la MIBA. C’est bien dommage que l’environnement socio-politique n’ait pas favorisé la mise en place de ce programme, déplore-t-on dans la ville diamantifère. Les différentes guerres qu’a connues le pays ont lourdement influé, négativement, sur la vie même de la MIBA, en tant que société industrielle. La MIBA est pour le Kasaï-Oriental ce que le Nil est pour l’Égypte, fait remarquer un notable kasaïen passé à l’opposition.