Depuis 2014, le secteur de l’électricité a été libéralisé en République démocratique du Congo. La SNEL, opérateur public, s’attend à une rude concurrence. Mais ses jours ne sont pas comptés.
Avec la loi de libéralisation du secteur de l’électricité, l’État n’a plus le monopole. Cette loi offre l’opportunité aux opérateurs privés d’investir dans cette filière. Toute la chaîne est concernée : de la production à la distribution, en passant par le transport. La Société nationale d’électricité (SNEL), entreprise publique, détenait un monopole de fait dans ce secteur, gérant la quasi-totalité des infrastructures. Désormais, elle est appelée à être un opérateur comme tout autre et devra se préparer à travailler dans un environnement concurrentiel qu’on espère loyal. Pour autant, l’opérateur public va survivre, du moins dans un premier temps. Pour convaincre quelques députées sceptiques, le gouvernement assurait qu’avec la concurrence, il y aura une amélioration des conditions de travail et l’électricité pourra être amenée dans les milieux urbains, péri urbains et ruraux.
Aux agents de la SNEL qui s’inquiètent pour leurs emplois, on indique que cette loi vise à augmenter la production de l’électricité et à améliorer la qualité des services à fournir à la population. L’exposé des motifs de la loi sonne comme un acte d’accusation de la politique mise en œuvre depuis plusieurs années. Principe de base : l’électricité est l’un des facteurs majeurs et irréversibles qui conditionnent le développement économique, social, technologique et culturel de toutes les nations, de tous les peuples, de toutes les communautés ou de tout individu pris isolément.
S’adapter au contexte
Depuis l’époque coloniale, le secteur de l’électricité était régi par des textes épars, inadaptés et difficiles à mettre en œuvre par rapport à l’évolution actuelle de l’environnement politique, économique et social sur le plan tant national qu’international. La loi sur l’électricité vient remédier à cet état de choses en fixant, d’une part, les modalités d’exercice du droit d’accès à l’énergie électrique garanti par l’article 48 de la Constitution et, d’autre part, en édictant, en termes des règles, de dispositions d’ensemble qui prennent en compte la réalité et les différentes contraintes inhérentes à une gestion rationnelle, efficace et bénéfique à tous, de toutes les activités du service public de l’électricité.
La loi s’articule autour de deux axes principaux : les objectifs poursuivis et les principes pour atteindre ces objectifs. Dans l’ensemble, ces objectifs consistent principalement à répondre à l’obligation prescrite à l’État par la Constitution, celle de résoudre les problèmes mis en évidence lors du diagnostic posé sur le faible taux d’accès à l’énergie électrique et sur l’absence d’un cadre juridique adapté et attractif; attirer, à travers des mesures de sécurisation, les investisseurs et favoriser une émergence énergétique nationale par le recours au partenariat public-privé afin de faire de la RDC une puissance énergétique. Pour atteindre ces objectifs, la loi a édicté les principes ou les règles parmi lesquels la libéralisation et l’ouverture du marché de l’électricité à tout opérateur; la répartition des compétences concurrentes entre le pouvoir central, les provinces et les entités territoriales décentralisées. La loi pose également comme principe l’érection de tout site hydroélectrique ou géothermique en site d’utilité publique inaliénable ; l’obligation de protection de l’environnement pour tous les projets de développement; l’obligation prescrite à l’État de promouvoir l’électrification du milieu rural et périurbain, en vue d’accroître le taux de desserte en électricité sur l’ensemble du territoire national ; la garantie de la protection tant de l’opérateur que du consommateur.
Innovations importantes
Parmi les innovations apportées par cette loi, on retiendra la promotion et le développement de l’offre de l’électricité en milieu urbain, périurbain et rural par la création des conditions économiques permettant la réalisation, la sécurisation, la rentabilisation des investissements ainsi qu’une émergence énergétique nationale, par le recours à la formule partenariat public-privé. Autre trait à souligner : la couverture des besoins en électricité de toutes les catégories de consommateurs par des fournitures de qualité et dans le respect des normes de l’environnement et de sécurité. Le nouveau texte a le mérite de faire obligation pour l’État de garantir le respect des règles de concurrence loyale.Par ailleurs, il fixe des règles tarifaires claires et de facturation selon les principes de vérité des prix, d’égalité, d’équité et de non-transferabilité des charges. On peut également citer l’instauration des différents régimes juridiques pour l’exercice des activités du service public de l’électricité, notamment la concession, la licence, l’autorisation, la déclaration et la liberté. La loi prévoit également l’instauration du contrat de délégation en vue de la gestion, par un tiers, de tout ou partie des installations de production de l’État, des réseaux de transport ou de distribution, ouvrages et autres dépendances destinés au service public de l’électricité, selon l’un des modes retenus, à savoir la concession de service public, l’affermage, la régie intéressée et la gérance. Autres régimes : la création d’un nouveau cadre institutionnel comprenant le gouvernement central, la province, l’autorité de régulation et l’établissement public chargé de la promotion et du financement de l’électrification en milieux rural et périurbain ; l’instauration d’un mécanisme de règlement de différends, etc.
L’érection de certains faits soit en fautes administratives, soit en infractions pénales spéciales et leur répression conséquente, en vue d’une application efficace de la loi ; le traitement des questions relatives aux servitudes inhérentes aux activités du service public de l’électricité et des dispositions fiscales, douanières et sociales ; et la protection des consommateurs et la réparation des préjudices subis par eux du fait des exploitants sont aussi prévus. Par ailleurs, la nouvelle législation dispose que les biens nécessaires au fonctionnement du service public de l’électricité constituent, en tant que propriété d’une personne publique, des dépendances du domaine public.
La loi énonce le principe selon lequel des ouvrages de production indépendante de l’électricité ainsi que ceux des exploitants indépendants des réseaux de transport et/ou de distribution sont exclus du domaine public. Elle édicte, en outre, que tout investisseur privé peut être propriétaire des ouvrages de production indépendante de l’électricité. L’arrivée de nouveaux opérateurs est de nature à changer radicalement les règles de jeu dans l’offre d’électricité, réduire la fracture entre les centres urbains et l’arrière-pays et mettre fin aux problèmes récurrents de coupures intempestives, délestage, courant de mauvaise qualité… Le taux d’accès à l’électricité en RDC est actuellement d’environ 9%.