Face à l’imminence d’une explosion dans la grande étendue d’eau de l’Est, des ONG ont souhaité qu’elle soit dépouillée de ses ressources toxiques. Apparemment, le gouvernement semble avoir compris.
Le Bureau central de coordination (BCECO) se dit prêt à financer le projet de dégazage du golfe de Kabuno, dans le lac Kivu. D’après son coordonnateur, Théophile Matundu, cet organisme va mettre des moyens financiers à la disposition du consultant qui a travaillé avec le gouvernement sur ce projet, pour l’acquisition d’équipements appropriés. Dans ce dossier, le gouvernement a brillé par son indécision, amenant certains observateurs à parler de manque de volonté politique.
Face au risque grandissant d’explosion lié à la concentration de gaz méthane et de dioxyde de carbone dans les eaux du lac, le Réseau provincial des ONG de défense des droits de l’homme (REPRODHOC) du Sud-Kivu avait demandé, fin août, au gouvernement d’« entamer, sans délai, le processus de dégazage du lac Kivu ». La sonnette d’alarme a été donc tirée. Un rapport du Groupe d’études environnementales du Congo (GEC) souligne que le gaz est actuellement à 9 mètres de la surface des eaux.
Des tergiversations
Dans la controverse, certains spécialistes proposent le dégazage avant de passer à l’exploitation du gaz aux fins de produire de l’électricité. D’autres, par contre, soutiennent qu’on ne peut pas dissocier les deux processus. Au ministère des Hydrocarbures, on affirme qu’un avis d’appel d’offres sera bientôt lancé pour sélectionner un consultant avant de passer à l’exploitation. Une grande société capable d’extraire le gaz et de le transformer en électricité sera choisie. Les ONG sont plutôt sceptiques, car c’est depuis plusieurs années que rien n’est fait, du côté congolais, pour mettre en valeur les ressources enfouies dans le lac Kivu. Voilà plus d’une année que le ministère des Hydrocarbures en est encore aux échanges avec quelques investisseurs intéressés. Kivu Lake Energy Corporation (KLEC), une société sud-africaine, se dit prête à tenter l’aventure de l’exploitation du gaz méthane, selon son directeur général, Dieudonné Mwendanga.
Exploitation commune
À ce jour, seul le Rwanda exploite le gaz du lac Kivu. Une station expérimentale de captage fonctionne depuis 1963 et fournit actuellement 500 000 Nm3 du méthane à la brasserie-limonaderie du Rwanda (BRALIRWA). Les eaux du lac regorgent d’importantes réserves de gaz à même de satisfaire les besoins énergétiques du Congo et du Rwanda. Celles qui sont exploitables sont estimées à 50 milliards de Nm3. Les spécialistes indiquent que le gaz du Kivu se renouvelle annuellement. Il y a quelques années, le Congo avait lancé des travaux, notamment de bathymétrie, afin de morceler le lac en concessions d’exploitation et d’envisager la mise en valeur de cette richesse commune.
Tous les experts en charge du dossier encouragent les deux pays voisins à procéder à une exploitation commune. En 2009, le Congo et le Rwanda avaient entrepris de réchauffer le projet d’exploitation commune en vue de la production de 200 mégawatts de courant électrique. Kinshasa et Kigali avaient convenu de cofinancer le projet à hauteur de 480 millions de dollars pour se partager équitablement l’électricité ainsi produite. Plusieurs pays, parmi lesquels la Russie, sont intéressés par l’exploitation, mais aucun projet ne s’est concrétisé jusque-là. Déjà, à l’époque coloniale, des études de chercheurs belges, dans les années 1950, avaient montré que le lac Kivu avait un gisement important de gaz méthane et de dioxyde de carbone d’origine magmatique. Avec les lacs Nyos et Monoun au Cameroun, il compte parmi les lacs du monde à forte teneur en gaz méthane. D’où la nécessité de surveillance et d’exploitation, car il renferme mille fois plus de gaz que le lac Nyos au Cameroun, où une explosion avait causé 2 000 morts.