La remise en service des quatre quais de la première section du port de Matadi nécessitait une cinquantaine de millions de dollars. Des investisseurs chinois étaient prêts à financer l’opération à hauteur de 31 millions, et la Banque mondiale avait décidé d’apporter 20 millions de dollars. Le port de Matadi, le plus important du pays, connaît depuis des années une baisse de régime à cause de la vétusté de ses équipements et de ses infrastructures. C’est ainsi que l’essentiel de l’activité de manutention a été donc détourné vers Boma. En 2006, l’ONATRA avait conclu un accord de partenariat avec la China Machine Building International Corporation (CMBIC) pour la réhabilitation des infrastructures et des équipements, mais aussi du réseau ferroviaire. Ce partenariat devait s’étendre à tous les départements – maritime, terrestre et ferroviaire – de cette entreprise publique. À propos des infrastructures, outre les quais aux ports, il était également question de réhabiliter le matériel roulant, les télécommunications, la signalisation, l’électricité et les unités de production. Dans cet accord, la CMBIC s’engageait également à résoudre la sempiternelle question d’approvisionnement en carburant afin de permettre à l’ONATRA de renforcer ses capacités de transport et d’évacuation des marchandises. À l’époque, l’Office national des transports se proposait de transporter cinq millions de tonnes de marchandises, alors qu’au cours du second semestre de 2006, il n’atteignait que 123 295 tonnes contre 91 542 tonnes au premier semestre sur le chemin de fer. Au niveau de la manutention, il avait réalisé au second semestre 1 206 292 tonnes contre 1 051 916 tonnes au premier semestre.
Outre la CMBIC, l’ONATRA avait signé trois contrats avec Noki Trading, TKEXPORT et Chuatung pour l’acquisition, sur fonds propres, d’engins de manutention, notamment des élévateurs, des autogrues, des remorques, des grumiers et des tracteurs portuaires. Le contrat signé avec les Espagnols a fait long feu… Selon des études de faisabilité, le redressement de la SCTP coûterait des centaines de millions de dollars dont le gouvernement ne dispose pas. « C’est le préalable pour que des investisseurs privés s’y engagent », selon un expert de cette entreprise. Les recettes de la société étaient estimées à 200 millions de dollars dans les années 1980. Elles sont tombées à moins de 60 millions de dollars, selon des sources syndicales. Tout est donc à réhabiliter à la SCPT.
Campagne anti-Bolloré dans le Kongo-Central
Au Kongo-Central, des notables de la province battent campagne contre le projet de construction d’un pont route-rail sur le fleuve Congo pour relier Kinshasa à Brazzaville. Ils estiment que la réalisation de cet ouvrage mettra en péril les ports de Boma et de Matadi. Contrairement à la plupart des notables du Kongo-Central, le député MPCR Jean Claude Vuemba n’est pas foncièrement opposé à la réalisation de ce pont. « Je suis un panafricaniste, donc je suis favorable à l’intégration », dit-il. Mais il met un bémol en termes de préalable : « Dans la situation actuelle, les armes ne sont pas égales entre la RDC et le Congo-Brazzaville. La construction du port en eau profonde à Banana, dans le Kongo-Central constitue le préalable à cet ouvrage. La création de ce port dont le projet est vieux de plus de quinze ans, permettra à la RDC d’entrer en compétition avec le Congo et l’Angola qui ont déjà leurs ouvrages qualifiés. Depuis plus de dix ans, des sociétés internationales chinoises, sud-coréennes et sud-africaines tentent sans succès de jeter en eau profonde le port de Banana et de moderniser ceux de Boma et Matadi ».
Si ce préalable de modernisation n’est pas rempli, Vuemba souligne que les ports de Matadi et de Boma seront asphyxiés par le port de Pointe-Noire aux mains du Groupe Bolloré. « Le Kongo-Central apporte au budget de l’État près de 35 % des recettes grâce à ces deux ports qui sont les plus chers au monde et dont l’état est fort déplorable », précise-t-il. La Banque africaine de développement (BAD) avait financé pour deux millions de dollars l’étude des inconvenants qui agrémenteraient la province du Kongo-Central. « Nous savons qu’il existe un groupe français aigri derrière tout ça », charge le député. Pour lui, le groupe Bolloré veut prendre sa revanche après avoir vu son dossier sur le port de Banana rejeté. « Bolloré veut contrôler tout le golfe de Guinée, lance Vuemba. Avec le port de Pointe-Noire qui est déjà entre ses mains, Bolloré verrait dans ce pont sur le fleuve Congo une opportunité de détourner l’activité portuaire de Boma et de Matadi vers Pointe-Noire ».