Le potentiel existe et les projets sont identifiés. Mais les entreprises ne se mobilisent pas pour répondre présentes au défi de l’électrification du continent.
Un consensus mondial semble se dégager sur l’électrification du continent africain. En plus de la protection de l’environnement, ainsi que de l’éradication de l’extrême pauvreté, des activistes africains de la société civile souhaitaient que le thème de l’électrification de l’Afrique figurât parmi les points à l’ordre du jour de la COP21 qui se tient du 30 novembre au 11 décembre à Paris. Le Congolais Lucien Mateso qui y participe, est de ceux qui pensent que l’Afrique peut passer, en dix ans, d’un taux d’accès à l’électricité de 30 % à 80 %. Le potentiel existe, notamment à partir d’énergies renouvelables et de réseaux décentralisés. L’équipement en investissements d’électrification ne se fera pas comme celui des pays industrialisés, sur des sources polluantes. Il faut un effort d’innovation. Les projets sont identifiés, mais ils souffrent souvent d’un problème de financement.
COP21, une opportunité à saisir
D’après Lucien Mateso, la conférence de Paris est une opportunité pour convaincre les entreprises à participer à cette aventure. « Les sommets sur le changement climatique ont toujours été l’occasion de faire adopter les grands thèmes qui engageront la communauté internationale pour les prochaines années. Voilà pourquoi, nous devons mener un plaidoyer », explique l’altermondialiste. Les financements existent, mais il faut les mobiliser, soutient Lucien Mateso. Il estime que le plaidoyer doit être fait en direction des banques de développement multilatérales, des agences de coopération, des fonds publics afin de définir les conditions préalables et l’environnement qui conditionneront le succès de l’initiative.
Sur le plan national, le Congo table sur un investissement de 52 milliards de dollars à l’horizon 2030 pour résoudre la problématique de l’énergie. Le taux de desserte de la Société nationale d’électricité (SNEL) est à ce jour de 9 % à cause de la vétusté des infrastructures et de la modicité des moyens financiers. Le gouvernement compte sur l’exportation de l’énergie électrique pour remplir ses caisses grâce à la construction du Grand Inga qui alimentera également les industries minières. Il mise aussi sur la promotion de toutes les ressources renouvelables, d’après Augustin Kabasele, directeur au ministère de l’Énergie, lors de l’atelier de renforcement des capacités des organisations de la société civile sur la problématique de l’énergie en RDC. Les infrastructures sont vétustes et l’électrification rurale embryonnaire. D’où, il faudrait une planification pour développer le secteur. Le gouvernement a élaboré, en 2009, un document de stratégies, parmi lesquelles la loi sur l’électricité. En libéralisant le secteur de l’énergie, le Congo s’attend à l’arrivée de nombreux investisseurs qui interviendront aussi en milieux rural et périurbain, selon Augustin Kabasele. Pour sa part, Raphaël Diankulu, conseiller de l’administrateur-directeur de la SNEL, a indiqué que le Congo importe actuellement 160 mégawatts de Zambie et n’exporte plus son électricité vers le Congo-Brazzaville. Mais, il continue à le faire vers le Burundi et le Rwanda (7 mégawatts) ; vers la République centrafricaine (moins de 1 mégawatt), vers l’Angola (moins de 2 mégawatts).
Le taux de recouvrement de la SNEL auprès de ses abonnés est de 30 % pour la basse tension, 80 % pour la moyenne tension et pratiquement de 100 % pour les abonnés haute tension. C’est en 1979 que l’entreprise publique a repris les activités électriques de la REGIDESO et elle manque d’investissements depuis plusieurs années pour la production d’électricité.
L’implication de la société civile
Transformée en société commerciale en 2014, la SNEL compte trois réseaux : Ouest (Kongo-Central, Kinshasa, Bandundu), Sud (ex-Katanga) et Est (Goma et Bukavu). Elle offre des opportunités, notamment le barrage hydroélectrique d’Inga, les énergies renouvelables, les petites unités de 1 mégawatt (à construire dans les centres ruraux), les ordures ménagères pour produire de l’électricité, le gaz méthane du lac Kivu. Le Centre national d’apprentissage au développement et à la participation populaire (CENADEP) et la Coalition des organisations de la société civile pour le suivi des réformes et de l’action politique (CORAP) qui ont organisé cet atelier appellent à un « processus de plaidoyer » étant donné que la société civile ne maîtrise pas les enjeux de l’énergie au Congo. « Les enjeux de l’énergie ne peuvent pas être gérés en l’absence des organisations de la société civile. Nous souhaitons que la participation de la population soit inclusive », a affirmé Guy Mudumbula de la CORAP. La vision de la coalition est de placer la société civile dans le rôle d’interlocuteur incontournable auprès du gouvernement. L’atelier de renforcement des capacités des organisations de la société civile avait pour objectif de contribuer à l’appropriation de la problématique de l’énergie au Congo et permettre aux ONG de mieux cerner les enjeux et les défis du projet Grand Inga.