La République démocratique du Congo, tributaire à 75 % de sa forêt et de son hydrographie, n’est pas à l’abri des changements de la biosphère. C’est une réelle menace pour l’agriculture, au moment où le pays enregistre des faibles rendements avec une météo imprévisible et des saisons culturales écourtées.
La sonnette d’alarme avait été tirée en 2010 par le Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA), lors du lancement de son rapport sur l’état de la population mondiale en 2009. D’après l’organisme onusien, le réchauffement climatique menace d’aggraver la pauvreté et alourdir le sort des communautés vulnérables, notamment avec la sécheresse, la baisse de rendement agricole, les inondations et les migrations. Pour les spécialistes, tous les effets du changement climatique qu’on rencontre ailleurs dans le monde sont déjà perceptibles en RDC : augmentation de la température, impact sur la déforestation, émission des gaz à effet de serre. L’expert Bruno Lapika Dimanfu invite la RDC à mettre en œuvre des mécanismes pour s’adapter à la nouvelle donne. Plusieurs phénomènes dus à ce changement sont manifestes aujourd’hui. Ils se traduisent par une augmentation significative des inondations, des vagues de sécheresse, des ouragans, des pluies torrentielles, des cyclones ou encore l’élévation du niveau des mers.
Le changement climatique a aussi un impact sur la biodiversité, la production agricole et la faim, déclarait récemment Rémy Vala, un environnementaliste. Selon cet expert, l’inclinaison de l’axe de rotation de la terre affecte la sécurité alimentaire, la lithosphère (sol), les ressources en eau et en énergie (hydroélectricité) et la santé de l’homme, avec le risque d’une modification de l’aire de parution, d’extinction et de migration de différentes espèces animales et végétales.
Un grave danger pour les cultures
Ce changement représente un grave danger sur l’ensemble des cultures sous les climats méditerranéen et tempéré. Il entraîne une anticipation des dates-clés du développement végétal. Les épis de blé, par exemple, apparaissent actuellement huit à dix jours plus tôt qu’il y a vingt ans. Les rapports des météorologues établis en 2014 ont démontré que la planète a été déjà chauffée de plus de 0,8° C et que les mesures des stations météorologiques au sol et à la surface des océans ont révélé qu’un écart de plus de 0,68° C, par rapport à la moyenne, s’est produit au niveau de l’océan et de 0,80° C à celui du sol. Pour sa part, Mathieu Mongulu, également environnementaliste, indique que le réchauffement de la planète a des implications directes sur les populations du monde, car cette perturbation a causé l’écoulement rapide de certains glaciers vers l’océan au niveau des calottes polaires et des couches de sol gelé en permanence, du pergélisol au niveau des montagnes et la présence des pluies torrentielles et des tempêtes. Cette perte des masses glacières a entraîné une augmentation des eaux au niveau des océans, une apparition des eaux supplémentaires causant des inondations et des extensions des zones infectées par certaines maladies telles que le paludisme, les maladies d’origine diarrhéique (choléra, typhoïde) et hydrique (Ebola).
De même, il a provoqué des incendies de forêts, des sécheresses, la présence d’insectes et l’effondrement des cavités souterraines, qui représentent actuellement des risques d’extinction des espèces et de destruction de végétations dans certaines régions. Mathieu Mongulu note que le monde pourrait compter plus d’un million de réfugiés « climatiques » d’ici 2050.
Les facteurs de vulnérabilité
La République démocratique du Congo n’est pas épargnée. Outre les effets négatifs énumérés, le pays court un grand risque au niveau agricole. D’après une étude de l’Observatoire des Grands Lacs, l’agriculture est le principal moyen de subsistance pour 70 % de la population congolaise. La dépendance vitale et économique de ce secteur, à laquelle s’ajoute l’accroissement de la population, qui a triplé depuis 1960, sont des facteurs forts de vulnérabilité. La part de l’agriculture dans l’économie reste très élevée comparée aux autres pays des Grands Lacs et de l’Afrique de l’Est (presque 43 %). L’étude de l’Observatoire tirait la sonnette d’alarme sur la hausse des températures qui sera plus marqué dans la région des Grands Lacs, entre 1 et 3° C dans la période allant de 2010 à 2020. Selon cette étude, l’évolution des précipitations au Congo va augmenter, même si une large bande est du territoire, ainsi que la région de Kinshasa, devraient recevoir moins de pluies. Les pertes de rendement agricole vont se concentrer au nord de la frontière provinciale du Katanga. À l’inverse, des gains de production peuvent être espérés dans les provinces les plus occidentales. La production de manioc, essentielle à la sécurité alimentaire locale, devrait doubler entre 2010 et 2050, davantage grâce à un meilleur rendement qu’à une extension des surfaces mises en culture pour cette plante. Mais le Congo demeurera un importateur de manioc à cet horizon, tant la demande interne est forte. Pour le maïs, le potentiel d’amélioration des techniques de culture est tel que des gains de rendement de 70 % sont envisageables dans les quinze prochaines années. Mais cela ne suffira pas pour répondre aux besoins internes en maïs dès 2025. Ces progrès de production ne feront pas disparaître la sous-alimentation, notamment infantile, et seront obérés par l’accroissement démographique. Les couches urbaines défavorisées sont les plus exposées aux crises alimentaires (accessibilité financière, disponibilité, stabilité).
Cercle vicieux
Un rapport publié par Oxfam en juin 2009, « The Winds of Change : Climate change, poverty and the environment in Malawi » (Les vents du changement : changement climatique, pauvreté et environnement au Malawi) expliquait que les femmes sont les premières victimes du changement climatique de par la multiplicité de leurs rôles. Elles sont à la fois productrices de nourriture, d’eau, de bois de chauffage. En général, elles ont la charge des enfants et de la famille. D’après ce document, en accentuant la pauvreté et les inégalités, le changement climatique contribue à intensifier la pression sur les femmes obligées de se prostituer pour subvenir aux besoins de la famille. Ce recours à la prostitution pour assurer l’alimentation les expose par la suite à un risque accentué de contamination par le virus du sida qui, à son tour, affaiblira la capacité des populations à résister au chaos climatique.
Par ailleurs, un rapport des Nations unies signalait qu’en 2008, le nombre de personnes mal nourries avait augmenté de 800 000 unités pour atteindre le chiffre global de plus de 1,3 milliard d’individus. En même temps, ressurgissent des maladies telles que le choléra, maladies parfaitement évitables mais qui réapparaissent dans cette crise de civilisation. La majorité des femmes des pays du Sud vivent dans la pauvreté et l’inégalité. Or elles sont les premières touchées par la crise climatique générée en très grande partie par l’émission de CO2 (gaz carbonique) provenant essentiellement du Nord. Près de 80 % sur 1,3 milliard de personnes vivant sous le seuil de pauvreté dans le monde sont des femmes. Dans la majorité des pays en développement, les femmes paysannes produisent 80 % de la nourriture. La désertification, la perte de ressources en eau, entre autres, ont un impact énorme sur leur vie quotidienne. Quand les terres ne produisent plus de nourriture à cause du changement climatique, les femmes et leurs enfants forment la majorité du contingent des personnes déplacées, obligées de prendre le chemin de l’exil pour survivre.