Un homme et une femme décident, un jour, de sceller pour toujours leur amour en se donnant la mort afin, se disent-ils, de protéger leur idylle des soubresauts et des incertitudes d’ici-bas. Pour bien faire les choses, ils choisissent de monter jusqu’à la terrasse-restaurant du douzième étage d’un grand hôtel de la ville, d’où ils se jetteront dans le vide et rejoindront ainsi l’au-delà, synonyme pour eux du lieu par excellence de toutes les félicités.
Au jour et à l’heure convenus, c’est-à-dire un dimanche soir, à 23 heures 55’, au moment où pas un chat n’est présent sur le belvédère, et après s’être renouvelé mutuellement leur flamme et leur serment, ils se mettent à compter jusqu’à dix. Le cœur palpitant, ils évitent de se regarder pour ne pas fléchir. Au top, cependant, une ultime et irrésistible envie de rester en vie retient l’homme. Ce n’était pas prémédité mais il ne parvient pas à l’expliquer. C’est plus fort que, l’appel à la vie, la peur de la mort, du néant. C’est donc la femme seule qui effectue courageusement le saut dans le vide.
Comment, se disent-ils, peut-on se faire confiance lorsque l’on joue double jeu, avec des agendas cachés ? Pourquoi ne pas prendre plutôt au sérieux le dicton des anciens selon lesquels « qui a bu boira » ? Un léopard peut-il devenir un zèbre ?
S’en voulant malgré tout pour sa couardise, l’homme, tétanisé, suit la trajectoire létale de sa compagne. Il se demande s’il pourra survivre à la disparition de la seule femme qu’il disait aimer au monde. Mais quelle n’est pas sa grande surprise de voir qu’au moment où il voulait fermer les yeux afin de ne pas assister à l’anéantissement de sa dulcinée une parachute s’ouvrir et ramener celle-ci, saine et sauve, sur la terre ferme, dans le jardin attenant à l’hôtel. Il écarquille les yeux, croit rêver ou apercevoir un mirage. Non, c’est bel et bien son épouse, l’unique femme qu’il aime au monde qui flotte comme un bel albatros dans les airs.
Je vous laisse deviner le flot d’invectives et d’accusations dont se sont mutuellement arrosés les deux amants qui, contre toute attente, conviennent malgré tout de rester ensemble. Ne s’aimaient-ils pas ? Peut-être que le projet, se disent-ils, n’était pas encore mûr, qu’ils avaient encore des choses à faire sur cette terre des hommes. Faire des enfants, par exemple, qui pourront perpétuer leurs noms. Pourquoi pas ? Cinq ans après, ils ressentent le désir de tenter à nouveau l’expérience… Comment vont-ils s’y prendre cette fois-ci ? Comment vont-ils faire pour éviter de se berner l’un l’autre ?
Là finit ma fable pour laisser la place à une incursion ou plutôt une revisitation de la scène politique africaine telle que les médias nous la décrivent au gré de l’actualité de tous les jours. Il est en effet régulièrement question dans beaucoup de nos pays des discours appelant à amorcer un nouveau départ, à impulser un nouveau dynamisme aux fins de sortir l’Afrique définitivement de la pauvreté, du mal-développement. « Yes we can ! », oui, nous aussi, comme Obama aux États-Unis d’Amérique, nous pouvons réussir à changer le cours de l’histoire, à faire accéder nos pays à l’émergence, question d’avoir le courage, l’audace de sauter dans l’avenir, en se délestant de vieux démons qui ont pour noms : démagogie, népotisme, tribalisme, corruption, prévarication, duplicité, félonie, prurit dictatorial, etc. Dans le langage courant de nos politiciens, cela s’appelle « agenda caché ». Comment, se disent-ils, peut-on se faire confiance lorsque l’on joue double jeu, avec des agendas cachés ? Pourquoi ne pas prendre plutôt au sérieux le dicton des anciens selon lesquels « qui a bu boira » ? Un léopard peut-il devenir un zèbre ?
Voilà le challenge : nos acteurs politiques se font-ils assez confiance pour accepter enfin d’opérer ensemble le saut dans l’excellence ? C’est-à-dire la bonne gouvernance, la démocratie, le développement. Ou allons-nous encore et sans cesse demeurer les dindons d’une farce sans fin ? Une farce qui nous épuise et nous tue. Que faut-il attendre de toutes les tractations, de toutes les concertations auxquelles ils nous ont habitués et pour lesquelles ils savent inventer des qualificatifs insoupçonnés et, finalement, trompeurs ?
Au Burkina Faso, tout laisse espérer que cette fois-ci le pays méritera sa belle appellation de « Terre des hommes intègres » ; qu’il n’y aura plus d’autres Blaise Compaoré pour rectifier la révolution, ni d’autres Gilbert Diendéré pour restaurer l’ordre kaki. Toute l’Afrique a les yeux tournés vers Ouagadougou et espère, vivement, que l’expérience soit contagieuse, même si chaque pays à son histoire propre et sa culture politique intrinsèque. Être Africain ne signifie nullement pas être condamné à être à la remorque du monde, à la traîne du progrès et du développement. Yes we can !!!
« Nkosi Sikhelele Afrika », chantent les compatriotes du regretté Nelson Madiba Mandela. Que Dieu sauve (enfin !) l’Afrique. Et surtout les Africains.