Deux ans sont passés depuis la rencontre d’Addis-Abeba sur la promotion du secteur des services et du commerce en tant que moteur de croissance. L’Union africaine, la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique et la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement qui en étaient les organisatrices, s’apprêtent à en faire l’évaluation.
Un nouveau forum consacré aux problèmes Du secteur des services en Afrique est prévu en février à Addis-Abeba. Les thématiques proposées au débat portent aussi bien sur le développement durable et la création d’emplois par le biais du secteur des services que sur les opportunités et les enjeux de la libéralisation du commerce. Au cours de ces assises, il sera surtout question de faire le bilan de la rencontre de septembre 2013. Lors du premier forum dans la capitale éthiopienne, les participants s’étaient penchés sur les initiatives prises aux niveaux national et régional dans les domaines du commerce et du secteur des services, ainsi que sur les moyens d’améliorer le soutien apporté par les partenaires au développement et les donateurs. Organisé conjointement par la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), l’Union africaine (UA) et la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), le forum avait réuni des responsables du secteur commercial et celui des services, des organisations de la société civile, du secteur bancaire et des représentants d’organisations internationales actives dans la promotion du développement du secteur des services en Afrique.
Les pesanteurs
Pour les organisateurs, un secteur des services efficace contribue de manière significative à la croissance de la productivité, comme c’est le cas dans les pays développés. La part de ce secteur dans les pays en développement a connu une forte croissance ces dernières années, soit 8 % en Asie et 6 % en Amérique ? contre seulement 2,2 % pour l’Afrique en ce qui concerne les exportations mondiales de services. Des problèmes de réglementation et de politique générale empêchent les pays africains de tirer parti du potentiel du secteur, selon la CNUCED dans son Rapport 2015 sur le développement économique en Afrique. Ce document intitulé : « Libérer le potentiel du commerce des services en Afrique pour la croissance et le développement » est en fait un plaidoyer. Si le secteur n’est pas encore en mesure d’assurer la transformation structurelle requise pour que le continent puisse se développer en fonction de ses besoins, c’est la conséquence de l’insuffisance et du coût élevé des infrastructures. Ce secteur a pourtant été un moteur de croissance dynamique au cours des dernières années. Les services d’infrastructure sont essentiels à la réalisation des objectifs de développement durable pour 2016-2030 que les Nations unies s’efforcent de fixer et à la création des conditions d’une croissance diversifiée sur le continent. En outre, certains services d’infrastructure, tels que les services d’approvisionnement en eau et d’assainissement, ont un lien direct avec les objectifs de développement durable dont la réalisation est indispensable au développement social. De plus, si les services tels que la distribution d’électricité, les télécommunications et les transports contribuent à la productivité, ils sont également déterminants pour la compétitivité des entreprises.
L’Afrique, qui abrite 15 % de la population du monde, ne représente que 2,2 % des exportations mondiales de services. Cela veut dire que le potentiel du secteur est largement sous-exploité, selon le secrétaire général de la CNUCED, Mukhisa Kituyi. D’où la nécessité pour les pays africains de résoudre les problèmes de réglementation et de politique générale qui sont à l’origine de ces dysfonctionnements et pèsent sur la capacité d’exploiter pleinement le potentiel du secteur en question. Pendant la période 2009-2012, il a enregistré un taux de croissance de 4,6 % contre 5,4 % dans les pays en développement. Les sous-secteurs les plus dynamiques étaient ceux des transports, de l’entreposage et de la communication. Au cours de la même période, il a stimulé la croissance du produit intérieur brut (PIB) dans trente des cinquante-quatre pays du continent. Dans les pays où la part des services dans la production a augmenté, on a observé une contraction de l’activité manufacturière entre 2001-2004 et entre 2009-2012. Certains pays ont développé leur secteur des services avec un relatif succès et fournissent même des services sur les marchés africains. C’est le cas de l’industrie de services financiers et bancaires à Maurice et au Nigeria ; de l’industrie du transport aérien de passagers et de marchandises en Éthiopie, au Kenya et en Afrique du Sud ; du secteur des services d’éducation en Ouganda ; des services de télécommunication en Égypte ; de l’industrie des services portuaires à Djibouti et au Kenya.
L’exemple d’Ethiopian Airlines, la plus grande, la plus dynamique et la plus rentable des compagnies aériennes africaines, qui affiche chaque année, depuis 2005, un taux de croissance moyen compris entre 20 % et 25 %, est représentatif. Selon la CNUCED, cette compagnie, qui pèse 2,3 milliards de dollars, a enregistré un bénéfice net de 228 millions de dollars en 2013 et 2014. Ce qui fait d’Ethiopian Airlines la compagnie de transports aériens la plus rentable d’Afrique. Pourtant, les pays africains sont toujours aux prises avec la nécessité de créer des infrastructures susceptibles de favoriser l’industrialisation et la croissance économique. Pour assurer l’efficacité des services, la CNUCED recommande de mettre en place des cadres réglementaires et des systèmes de contrôle clairs et cohérents. La réglementation des services d’infrastructure joue aussi un rôle décisif en ce qu’elle est garante d’éléments étroitement liés, à savoir l’accès aux services, l’accessibilité économique, le contrôle de la qualité et les exigences en matière d’investissement. Ce dernier élément est très important en Afrique où, souvent, les réseaux ont une portée relativement limitée et sont mal entretenus, mais où les prestataires privés peuvent être réticents à les développer et à les moderniser.
Libéralisation
Toutefois, la tendance étant à la libéralisation plus poussée du commerce des services au niveau régional et au renforcement de l’intégration économique au niveau continental, la CNUCED conseille de donner la priorité au secteur des services et aux politiques visant à améliorer la contribution du secteur à la croissance. Il faudra absolument réglementer efficacement les services d’infrastructure dans l’optique des Objectifs de développement durable (ODD) relatifs à la protection sociale, à l’eau et à l’assainissement ainsi qu’aux indicateurs de santé. Une attention accrue devrait être accordée au rôle que joue la réglementation en vue de protéger les consommateurs, d’attirer les investisseurs et de permettre aux gouvernements d’atteindre leurs objectifs. Les services d’infrastructure, en particulier le transport terrestre de marchandises, sont beaucoup plus chers et de moins bonne qualité. En 2012, le coût des transports représentait 7,7 % de la valeur livrée des exportations, soit plus du double de la moyenne mondiale, qui s’établissait à 3,7 %. Les coûts de transaction sont plus élevés en ce qui concerne le commerce intra-africain que le commerce avec les autres pays du monde. Le coût élevé des transports, qui a fait augmenter celui de l’activité économique et freiné l’investissement privé, empêche aussi les pays africains de tirer profit de la rapide expansion du commerce mondial.
Par ailleurs, peu de citoyens ont accès à l’électricité, et la quantité d’électricité produite de manière fiable et constante est trop faible pour faire face à la hausse de la demande. Ce qui ne permet pas d’attirer les investissements et de mener à bien des projets de grande envergure. Jamais les besoins en investissement dans les infrastructures du secteur n’ont été aussi importants. On estime qu’il en coûterait 93 milliards de dollars par an pour combler le déficit énergétique d’ici à 2030. Les autorités de régulation ne sont pas indépendantes, et les modèles internationaux de réglementation des infrastructures ne sont pas régulièrement appliqués. La plupart des organismes de réglementation sont peu développés, disposent de budgets modestes et manquent souvent de personnel qualifié. En Afrique, le coût élevé du capital et la difficulté d’y accéder, la vétusté des réseaux, la faiblesse du secteur public et le nombre insuffisant d’organismes de réglementation indépendants constituent des obstacles considérables pour les acteurs susceptibles d’entrer sur le marché des services d’infrastructure.
La CNUCED souligne que l’indépendance des autorités de réglementation est un élément important de l’efficacité de la prestation de ces services bien que l’État demeure un acteur majeur en Afrique. Le type de propriété – propriété publique ou privée, partenariat public-privé ou coentreprise – peut varier tant qu’il contribue à la réalisation des objectifs de développement du gouvernement. « Pour que les entreprises africaines tirent parti des possibilités croissantes qui s’offrent de développer les échanges commerciaux dans le cadre des chaînes de valeur mondiales des services, il est nécessaire de procéder à des investissements majeurs dans les transports, la logistique et les infrastructures énergétiques », selon Mukhisa Kituyi, secrétaire général de la CNUCED. « En outre, l’évolution du secteur des services d’utilité publique doit s’accompagner d’une adaptation de la réglementation et des modes de distribution et de fonctionnement traditionnels du secteur aux exigences technologiques et à celles des consommateurs », a-t-il indiqué.