Le conseiller spécial du chef de l’État en matière de lutte contre la corruption attend encore la réponse du ministère public à sa plainte au pénal, en juin 2015, contre une dizaine de responsables gouvernementaux qu’il accuse de fraude, corruption et blanchiment d’argent.
Les 28 mesures urgentes adoptées par le Conseil des ministres redonnent de la vigueur au dossier. D’après le conseiller du chef de l’État chargé de la lutte contre la corruption, Emmanuel Luzolo Bambi, la fraude coûte chaque année jusqu’à 15 milliards de dollars à la République démocratique du Congo. Ce montant représente près du double de celui du budget du pays. Lorsque la fraude atteint ces proportions, c’est au sommet de l’État qu’il faut sévir, a laissé entendre Luzolo Bambi. Le pays qui regorge d’abondantes réserves de cuivre, d’or, de diamants et de cobalt, reste mal classé sur la liste de Transparency International qui le place à la 154e position dans son classement sur 175 États évalués. La lutte contre la fraude et la corruption a été également réaffirmée à travers les 28 mesures urgentes adoptées par le Conseil des ministres du 26 janvier. En 2012, devant l’Assemblée nationale, le Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, avait annoncé la mise en place d’un tribunal fiscal, en soutenant que les quelques recettes de 3 à 5 milliards de francs ne reflétaient pas le potentiel fiscal de la République démocratique du Congo évalué à 20 milliards de dollars l’an. En 2013, devant le Congrès, le chef de l’État prenait l’engagement solennel d’endiguer la corruption.
Faute de moyens ou de volonté politique ?
D’où la nomination d’un conseiller spécial dont la mission principale est d’assurer un monitoring permanent de l’évolution des patrimoines, ainsi que des cas de malversation, de corruption et d’enrichissement illicite dans le chef des responsables politiques nationaux et provinciaux, des hauts fonctionnaires et cadres de l’administration publique, des mandataires et autres agents publics. Ancien ministre de la Justice et des Droits humains, Emmanuel Luzolo Bambi est à la manœuvre, depuis deux ans, sans que l’on ne sente vraiment son action. En marge des états généraux de la justice, en juin 2015, il avait déploré l’absence de sanctions contre la corruption alors que celle-ci se manifeste dans la vie de tous les jours. Il avait, par conséquent, menacé de poursuivre toutes les hautes autorités du pays impliquées dans la corruption. Ce ne fut pas suffisant pour décourager les malversations dans les services publics. Aussitôt après, le ministre d’État au Budget, Michel Bongongo, dénonçait la fuite de quelque 174 millions de francs, chaque mois, détournés de la paie du personnel de santé et de quelque 11 milliards au ministère de l’Enseignement primaire, secondaire et professionnel. Puis, éclata le scandale du ministère des Affaires étrangères en décembre 2015. Le comptable public principal, dont le nom n’a jamais été révélé, a disparu dans la nature avec deux millions de dollars destinés à couvrir les frais de mission dus au ministre Raymond Tshibanda et à ses collaborateurs. Une plainte pour détournement de fonds publics a été déposée auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de la Gombe.
Chacun se demande comment une somme aussi importante soit perçue par un individu sans escorte de sécurité, alors que les fonctionnaires de l’État et les membres des cabinets politiques sont censés être payés à la banque.
Selon Transparency International, la corruption est favorisée par la mauvaise gouvernance, la faiblesse des institutions telles que la police et le système judiciaire, ainsi que par le manque d’indépendance des médias. Le coordonnateur régional pour l’Afrique centrale, Lucas Olo Fernandes, recommande à la RDC de lutter contre l’impunité et de mettre en place des mécanismes de prévention afin d’éviter la fuite des capitaux. Depuis octobre 2015, le Parlement a autorisé la ratification de la Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption. Cette convention vise notamment la promotion et le renforcement, dans les États, des mécanismes de prévention, de détection, de répression et d’éradication de la corruption dans les secteurs public et privé. Elle vise également la coordination et l’harmonisation des politiques et des législations entre les États.