Des 68.8 millions de dollars, en 2011, les revenus de l’exploitation des ressources forestières ne tiennent plus qu’à un fil. Au premier semestre de 2016, les recettes cumulées des trois régies financières (DGDA, DGI et DGRAD) ne représentent que 1 067 062 dollars, d’après les chiffres fournis par le ministère des Finances dans une note datée de septembre 2016. Au premier semestre de 2015, les revenus du secteur du bois frôlaient tout de même les 2 millions de dollars. Et pourtant, de l’avis des experts, le bois compte parmi les rares produits qui résistent encore à la chute continue, à l’échelle internationale, des cours des matières premières. En République démocratique du Congo, le secteur est en proie à une maffia. Pendant son mandat, le Premier ministre Matata Ponyo se serait évertué, à l’en croire, à ramener les recettes à la proportion du volume des bois coupés.
Dans le domaine des ressources naturelles, le faux et usage de faux fait office de norme. En effet, depuis des lustres, les statistiques sur les bois coupés, toutes essences confondues, indiquent que l’exploitation n’excède guère les 250 000 m3. Pourtant, la plupart des monitorings des ONG attestent que la production artisanale du bois varie entre 1.5 et 2.4 millions de m3 par an depuis 10 ans. La publication trimestrielle des recettes recouvrées par les régies financières par les soins du ministre des Finances renseigne donc sur l’étendue des dégâts, mieux sur l’ampleur du péculat. Ce qui n’est pas pour améliorer la gouvernance économique.
Complaisance ou complicité ?
Au ministère de l’Environnement et de la Conservation de la nature, on se renvoie la balle. Les accusations de complaisance, sinon de complicité avec la maffia qui opère dans le secteur, sont mises en exergue. Chaque ministre qui arrive, accuse son prédécesseur de corruption. Des centaines de permis d’exploitation ont été accordés sans le moindre scrupule. Par exemple, 40 m3 de bois Afrormosia scié furent saisis, en avril 2013, à Anvers. Ils étaient le produit d’un permis illicite. Le ministère de l’Environnement n’est pas le seul décideur dans la gestion des ressources forestières. En 2015, l’affaire de 584, grumes bloquées au port de Matadi, rebondit. Le ministre de tutelle, Bienvenu Liyota, fraîchement nommé, parut plutôt dépassé par les enjeux de ce dossier repris en mains par le ministère de la Justice.
Récemment, dans l’espoir de juguler la fraude, les experts du ministère de l’Environnement ont proposé à l’État que les propriétaires et les gestionnaires des ports et des parcs à bois doivent être tenus pour responsables de la détention du permis de coupe, de l’autorisation d’achat, de vente ou d’exportation, selon le cas, par les exploitants qui sollicitent le déchargement et la sortie du bois dans leurs installations. En vue de mieux analyser toutes les questions transversales relatives à l’exportation du bois, une commission aurait dû déjà être mise en place et composée notamment d’experts des ministères de l’Environnement et de l’Intérieur, de la Banque centrale du Congo, de la Direction générale de douane et accises (DGDA), de l’Office congolais de contrôle (OCC) et de la Société commerciale des transports et des ports (SCTP). Rien n’a cependant évolué dans le sens de la maximisation des recettes de l’État. L’essentiel des droits et des taxes payés par les exploitants forestiers ne va pas au compte général du Trésor. L’administration de l’Environnement, à différentes échelles, s’en sert à la source, indique-t-on dans un rapport du ministère de l’Environnement.
Le FFN en question
Comme si les recettes sur la forêt de la DGRAD étaient sujettes à caution, le gouvernement Matata qui tenait à « rationnaliser les recettes forestières » a créé un compte spécial, dénommé « Fonds forestier national » ou le FFN. Le gouvernement lui a donné la prérogative de gérer la taxe de reboisement et la moitié de la taxe de déboisement. Pour 2015 et 2016, les assignations cumulées du Fonds forestier national avoisinent 20 millions de dollars. Toutefois, aux régies financières, le gouvernement laisse, outre la TVA et les autres taxes et impôts relevant du droit commun, les droits de sortie du bois scié, du bois grume, etc. Pour le ministère de l’Environnement, la gabegie dans le secteur du bois est favorisée à la fois par la législation plutôt confuse en matière de perceptions des droits et taxes et un laisser-aller de la part des agents de l’inspection forestière.
Les inspecteurs de la direction de contrôle et de la vérification interne, ceux-là même qui sont bénéficiaires de l’appui logistique de l’Union européenne (UE), exigent un ordre de mission pour rechercher et constater les infractions forestières, alors qu’ils ont la qualité d’officier de police judiciaire, et ont prêté serment devant le procureur général de la République. Dans de l’exploitation industrielle, la fraude documentaire porte particulièrement sur la forme du contrat de concession forestière. Le code forestier prévoit que le contrat de concession soit approuvé par un décret présidentiel lorsque la forêt à concéder dépasse une superficie totale de 300 000 hectares. Il faut aussi une loi lorsque la superficie à concéder est supérieure à 400 000 hectares. Malheureusement, les sociétés telles que ITB qui a une concession de 688 191 ha, TRANS-M, 553 670 ha ; SOFORMA, 550198 ha et SODEFOR, 416 809 ha, n’ont jamais respecté cette procédure.
L’État s’est totalement désengagé de la SODEFOR, une société d’économie mixte, en vendant ses 17 % des parts à 2 millions de dollars. De l’argent de poche ! Une enquête du ministère de l’Environnement sur l’exploitation du bois en RDC, réalisée entre 2010 et 2012, a révélé que le manque à gagner en termes d’évasion des recettes était de 5 millions de dollars. Mais la Banque mondiale a estimé la perte pour les pays forestiers africains à 15 milliards de dollars par an.