Elle se bat pour y parvenir : persuader ses compatriotes à aimer le drapeau national. Rita Masengo Lutangazi sait très bien que la tâche ne sera pas facile car le combat qu’elle livre contre l’incivisme est celui de changement des mentalités. Or, comme les soulignent les sociologues, les gens sont généralement réfractaires au changement. Depuis un certain temps, la voilà déjà dans son rôle de communicante, mettant à profit la moindre occasion pour sensibiliser au respect des emblèmes nationaux de la RDC. Un bouillon de patriotisme dont nul autre, avant elle, n’a réellement fait montre. Entretien.
Business et Finances : Pourquoi avez-vous lancé maintenant seulement cette campagne de sensibilisation à l’amour du drapeau national ?
ν Rita Masengo : Certes, il y a longtemps que le drapeau national, dans sa fière allure, élégante, et en tant que symbole d’appartenance à une nation, est victime d’actes d’incivisme sans que cela n’émeuve vraiment. Mais, il était temps qu’on retourne la situation. C’est ce que j’essaie de faire, peu importe le moment où intervient cette initiative.
Dans l’opinion, on s’interroge sur les intentions réelles derrière cette campagne. Que recherchez-vous finalement ?
- Je n’ai nullement d’intentions ni d’agenda cachés dans ma tête, si ce n’est que le triste constat que j’ai fait, et que tout le monde fait d’ailleurs chaque jour.
Quel est ce constat amer que vous avez fait sur la relation que les Congolais ont, ou doivent avoir, avec le drapeau ?
- Le drapeau national ne flotte plus fièrement au vent de nos espérances. Il est lamentable, insipide, insensible et muet, voilà ! Il souffre, si vous voulez, de la pathologie de l’insouciance et de l’incivisme. Dans certaines parties du pays, le drapeau est agressé par la pluie, le vent, la poussière et l’usure. Nos couleurs nationales, sans défense et sans recours possible, se sont réfugiées dans le complexe d’infériorité le plus effarant ! Partout, nous remarquons une très grande discrétion du drapeau national. Les Congolais ne semblent s’en souvenir que le 30 juin, date anniversaire de l’indépendance, lors des grands événements… Et le pauvre drapeau est abandonné, ses vives couleurs deviennent ternes et ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes. Oui, notre drapeau est scandaleusement crasseux et en lambeaux par endroits.
Ne pensez-vous pas que cela va de la responsabilité des dirigeants du pays ?
- J’ose espérer que cette méprise sera très rapidement corrigée pour que tout revienne à l’ordre. Sinon, c’est vraiment triste de constater que de nombreux Congolais, voire des autorités – ce qui est choquant de mon point de vue -, sont très peu attachés au drapeau. Et je profite de la tribune de votre journal que vous m’offrez pour lancer un appel solennel aux autorités politiques et administratives congolaises. C’est celui de réhabiliter le drapeau tricolore national en lui redonnant toute sa clarté et en lui conférant un caractère sacré. C’est vraiment la tâche qui leur incombe. Il est désormais indispensable d’imposer le drapeau national dans tous les lieux publics. Je pense aux gares, aux aéroports, aux bureaux, aux marchés, aux écoles, aux universités, dans les centres commerciaux et dans les parcs… Bref, partout, l’on doit vivre et sourire au vent du drapeau national de fière allure, élégant, de couleurs vives et éclatantes.
Tel que vous le décrivez si bien, pensez-vous que vos compatriotes ont la même passion pour le drapeau, donc pour le pays, que vous ?
- Je glisse sur cette question, et j’en doute fort. C’est justement pour cela que je m’engage dans ce combat pour cultiver en eux cette passion. L’amour du drapeau, tout comme l’amour de la patrie, doit être intériorisé par tous les Congolais comme un bouillon de patriotisme. Il y va de notre survie comme peuple et comme nation.
ça vous inspire quoi, quand vous voyez les Congolais se parer avec le drapeau national lors des matches de la sélection nationale de football ?
- ça provoque en moi une énorme et vive émotion de joie. Cependant, cet attachement au drapeau ne doit pas être de circonstance, c’est-à-dire seulement quand les Léopards jouent ; il doit être permanent.
Quel est le sens profond de votre combat en faveur du drapeau national ?
- Le drapeau n’a pas encore réussi à transcender la simple association de morceaux des tissus colorés, alors qu’il est en réalité un vibrant hommage rendu à tout un pays et à son peuple. C’est ça ma lutte : défendre le drapeau. C’est défendre aussi autrement la Constitution de la RDC. La paix que nous recherchons activement pour amener le pays à l’émergence économique, ainsi que pour la reconstruction d’une nation forte, dépend aussi de notre amour envers la patrie. C’est ma devise !
Vu sous cet angle, le drapeau représente quoi pour vous ?
- Le drapeau est un simple symbole, un signe qui évoque les souvenirs d’un moment historique. C’est la marque d’appartenance à une nation. Pour certains, le drapeau national est un signe de gloire, de fierté, de victoire et de puissance. D’autres, par contre, y voit le signe de douleur, de souffrance, des péripéties et d’oppression. Par-dessus tout, ce symbole incarne l’idéal d’un peuple. Certes, c’est un simple morceau de tissu, mais qui dit long sur notre histoire en tant que Congolais. C’est l’âme de tout un peuple, un identifiant qui fait de nous des Congolais, peuple de la République démocratique du Congo. Il renferme l’histoire, le présent et l’avenir de notre patrie; ce qui lui confère un esprit de vie et lui octroie toute la considération nécessaire. C’est pour toutes ces raisons et d’autres sans importance qu’il doit occuper une place prépondérante dans nos cœurs et dans nos esprits. Le drapeau doit être traité avec toute la bienveillance due à son rang et à son statut.
Votre combat s’inspire-t-il des expériences des autres peuples à travers le monde ?
- Le drapeau ainsi que les autres symboles de la RDC ne sont pas que de simples accessoires. Ils font partie intégrante de notre héritage, de notre patrimoine national. C’est notre quotidien. Les pays riches, grands et respectés sont ceux qui accordent une place de choix à leurs symboles nationaux. Le respect des couleurs nationales est un acte hautement citoyen et républicain. C’est un devoir qui incombe à tous les Congolais et à tous les étrangers vivant dans notre pays. Notre drapeau exprime la souveraineté et le sentiment national. Il devrait être respecté de tous. Certes, il tient une place d’honneur dans les mairies et les bâtiments officiels, mais il se fait encore rare sur les places publiques.