Les cas des conflits fonciers sont légion. Dans la foulée, la succession Jason Sendwe est en froid avec Engen qu’elle veut faire déguerpir de « son » site de Kingabwa. À Binza-UPN, les ayant-droits du général ex-FAZ Monyango tiennent à récupérer l’immeuble sis n° 11, avenue Masikita. À la Gombe, sur l’avenue Roi Baudouin, ex-3Z, les héritiers du colonel Lukala réclament la propriété du site où sont érigés deux immeubles et occupés par l’entreprise Sogic… Dans tous ces conflits fonciers, chaque partie détient un certificat d’enregistrement, dûment délivré par le conservateur des titres immobiliers sur le bien querellé. Cela fait quelque peu désordre. Pour inverser la tendance, le ministère des Affaires foncières s’est tourné vers une société privée.
Ironie du sort
Créée en 2015, la société Congo Check a gagné le marché de numérisation des certificats d’enregistrement à Kinshasa. L’attribution de ce marché à une si jeune entreprise a soulevé un tollé, car caricaturée comme n’ayant pas d’expertise avérée. Le directeur général de Congo Check, Jimmy Chovu, a expliqué que son entreprise, une PME, fait partie du groupe Africa integrated, implanté dans plusieurs pays africains et dans différents domaines, dont le pétrole, la technologie et la pharmacie. D’après lui, Congo Check a déjà fait ses preuves en Angola et au Bénin. Mais en RDC, son contrat porte sur les affaires foncières, qui sont un domaine fort complexe où même l’État est pris au dépourvu.
Ironie du sort. Le ministre des Affaires foncières, Gustave Boloko, qui a attribué le marché de sécurisation des titres fonciers à Congo Check, a été suspendu, en octobre, pour avoir avalisé la vente de la concession de l’ambassade de la République tchèque sur boulevard Tshatshi. Selon des sources, un partenaire aurait été adjoint à Congo Check pour mener l’opération de sécurisation du certificat d’enregistrement. Pour obtenir une carte numérisée de propriété incluant le certificat d’enregistrement, il faut dépenser 120 à 280 dollars. À Forum économique, le directeur général de Congo Check expliquait que c’est selon les catégories et les rangs. « Nous ne sécurisons que les documents qui ont fait au préalable l’objet d’un contrôle. Avant de sécuriser un titre immobilier, ce dernier doit passer au bureau d’enregistrement pour s’assurer que le duplicata conservé au bureau d’enregistrement correspond au titre présenté, s’il est authentique. Il passe ensuite chez le conservateur des titres immobiliers qui doit donner son accord », a déclaré Jimmy Chovu. Or, il se trouve que la racine du mal dans la gestion chaotique des affaires foncières, ce sont les conservateurs des titres immobiliers. Dans les cours et tribunaux, la réalité est souvent d’évidence : faux vrais arrêtés du ministre des Affaires foncières, des arrêtés de complaisance… Il y a des conservateurs des titres immobiliers prêts à tout confectionner, notamment de faux vrais certificats d’enregistrement et autres titres de propriété. Lors de la session de septembre 2014, à l’Assemblée nationale, le député Mayo, alors président d’une commission d’enquête censée faire la lumière sur la vente d’un site maraîcher à Kingabwa (Est de Kinshasa), a conclu son rapport en ces termes : « les maffieux utilisent les moyens de l’État pour combattre l’État ». La justice, les affaires foncières, la police et même l’armée sont instrumentalisées pour tourner l’État en bourrique.
Le site agricole spolié par un géomètre à la retraite était, en effet, à la fois, gardée par les éléments de la police et des Forces armées de la RDC. Le vieux géomètre, comme pour s’assurer d’une protection certaine contre toute poursuite avait saucissonné le site maraîcher en plusieurs morceaux qu’il a revendu aux galonnés de l’armée, de la police et même aux députés et sénateurs. Alors ministre des Affaires foncières, en 2015, Bolengetenge a tenté plutôt une révolution dans l’espoir d’endiguer le recours au faux et usage de faux. Le ministre avait cru bon de nommer dans chacune des 24 communes de la capitale un conservateur des titres immobiliers. Le gouvernement aurait finalement jugé la réforme trop coûteuse et rejeté le projet de Bolengetenge.
Des motivations plutôt pécuniaires
Dans la loi de finances 2015, l’arrêté interministériel (Finances et Affaires foncières) fixant le taux de perception du nouveau certificat d’enregistrement dit sécurisé. Le gouvernement a institué un nouvel acte générateur de recettes dénommé « droits fixes d’enregistrement du nouveau certificat sécurisé » en remplacement de celui prévu par l’ordonnance-loi n°13/002 du 23 février 2013, fixant la nomenclature des droits, taxes et redevances du pouvoir central (annexe XXIX, point 1). Il s’agit en fait des droits fixes d’enregistrement du nouveau certificat d’enregistrement. Les motivations de l’État paraissent plutôt pécuniaires. Avec le boom des constructions qui ne ralentit guère voilà plus d’une décennie, les Affaires foncières devraient être un service d’assiette qui contribuerait considérablement dans les recettes non fiscales de l’État.