La plupart des titres d’actualité sur la République démocratique du Congo (RDC) ont une chose en commun : ils mettent l’accent sur la guerre, en particulier dans l’Est du pays. Il faut dire que les conflits armés ne sont pas nouveaux en RDC, où ils ont éclaté sous différentes formes au cours des trois dernières décennies. Ces derniers temps toutefois, ce sont les élections présidentielles prévues pour novembre qui concentrent les inquiétudes. Elles opposeront l’actuel président Joseph Kabila à l’ancien gouverneur Moïse Katumbi, ancien allié du premier et devenu son rival. Au pouvoir depuis 2001, le président Kabila, qui a déjà remporté les élections en 2006 et 2011 est, a priori, tenu par la limite du nombre de mandats de se retirer.
Parallèlement, la récente condamnation par la Cour pénale internationale basée à La Haye, de Jean-Pierre Bemba, ancien commandant d’un mouvement de rébellion, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité vient rappeler les épisodes les plus tragiques de ces violents conflits – utilisation d’enfants soldats, exploitation sexuelle, viols et pillages – qui ont affligé la RDC et certaines parties de la région des Grands Lacs au cours des vingt dernières années.
Cependant, en dépit de ces funestes événements et de son passé sanglant, le pays a vu son économie croître de façon presque inaltérée. À l’exception d’une crise en 2009, où la croissance ne fut que de 2,8 %, l’économie a connu une croissance de 7,7 % en moyenne au cours des cinq dernières années. Selon la Banque mondiale, il s’agit d’un taux « bien supérieur à la moyenne en Afrique subsaharienne ». En 2016, ce taux devrait atteindre les 8 %, ce qui fera de la RDC l’un des pays à la plus forte croissance économique au monde.
Minerais et investissements
La RDC n’est peut-être pas le pays le plus développé de la région des Grands Lacs, mais ses ressources minérales riches et variées offrent un énorme potentiel de développement. Le pays est un important producteur de cobalt, de cuivre, de diamants, de coltan et d’étain sur les marchés mondiaux. Le cobalt sert à fabriquer des aimants et des turbines – à moteur ou à gaz – du fait de sa résistance aux températures élevées. Selon les statistiques 2013 du Service géologique des États-Unis, la RDC fournit 48 % du cobalt mondial et détient près de 47 % des réserves mondiales de cobalt.
Le coltan, de son nom savant columbite tantalum, est utilisé dans les appareils portables comme par exemple les téléphones et les prothèses chirurgicales en raison de sa résistance à la corrosion. Il est également utilisé dans les ordinateurs portables, les récepteurs d’appel et tous les autres appareils électroniques qui comportent des circuits imprimés miniatures. Selon la Banque mondiale, l’économie de la RDC devrait résister à l’affaiblissement de la croissance économique mondiale ainsi qu’à la baisse de la demande et des prix des minerais, en raison de l’augmentation des investissements publics et privés, en particulier dans les infrastructures, qui ont accompagné le boom récent du secteur minier. L’investissement direct étranger annuel en RDC est en moyenne de 2,07 milliards de dollars, bien qu’il ait chuté à 1,7 milliard en 2015, selon le Rapport sur l’investissement dans le monde 2016, publié par la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement.
Au-delà du Congo
Pour soutenir la remarquable croissance économique de la RDC, l’ONU, qui a déployé une force de maintien de la paix opérant dans l’est du pays, a organisé une conférence sur les investissements afin de promouvoir la RDC et la région des Grands Lacs comme un pôle d’investissement attractif. Réunie en septembre 2013, la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs – un groupe de 12 pays ayant pour but de promouvoir une paix et un développement durables dans la région – a, de concert avec l’Afrique du Sud, adopté un accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération sous l’égide de l’ONU. Les 13 pays se sont engagés à « renforcer la coopération régionale, y compris à travers l’intégration économique en accordant une attention particulière à la question de l’exploitation des ressources naturelles ».
En février 2016, des représentants des 13 pays se sont réunis à Kinshasa pour discuter des possibilités en matière d’investissement, notamment de plus d’une vingtaine de projets de développement en attente de financement immédiat. Leur objectif était d’attirer les investissements privés internationaux en RDC grâce aux ressources foncières et minérales du pays, puis dans le reste de la région. En soulignant l’attractivité économique de la région, les pays des Grands Lacs mettent en avant ce qu’ils appellent les « sept moteurs essentiels de croissance économique » dans la région : des ressources naturelles prodigieuses, une abondance de terres cultivables, des ressources en eau et une demande croissante de denrées alimentaires; une population jeune en croissance rapide; une classe moyenne de plus en plus nombreuse et éduquée; une multiplication des marchés d’exportation, des partenaires commerciaux et des donateurs; une amélioration de la gouvernance et de l’environnement financier; une attention particulière accordée au développement des infrastructures; et un taux de retour sur investissement très élevé.
La région des Grands Lacs peut se vanter de posséder 244 millions d’hectares de terres cultivables, d’après « Investir dans la région des Grands Lacs : document sur les possibilités en matière d’investissement », un rapport que les 13 pays ont fait réaliser pour convaincre les investisseurs internationaux. Alors que la demande alimentaire augmente dans le monde, l’exploitation des terres cultivables de la région peut permettre d’accroître la production alimentaire destinée à la consommation nationale et mondiale, indique le document. Le fort taux de retour sur investissement est l’une des autres raisons majeures d’investir en RDC et dans la région. S’il n’existe pas de chiffres précis, un guide d’exploitation minière pour la RDC rédigé en 2014 par KPMG, un cabinet international de conseil financier, estime que le secteur minier du pays représente une « opportunité à haut risque et à haut rendement ».
Regarder vers l’avenir
Les investisseurs profitent des politiques gouvernementales mais les Congolais savent que leur pays est encore un pays pauvre qui peine à sortir d’un long conflit. La RDC possède l’un des revenus nationaux bruts par habitant les plus faibles au monde et se situe à la 176ème place sur 188 pays de l’Indice de développement humain de l’ONU. Répondant aux critiques selon lesquelles la croissance économique n’a pas d’impact social, le Premier ministre du pays (sortant), Augustin Matata Ponyo, estimait sur les ondes de la radio française Radio France Internationale, que les progrès économiques « ont permis de multiplier par quatre le budget de l’éducation » au cours des dernières années.
La dernière évaluation de la Banque mondiale montre que le taux de pauvreté du pays, bien que toujours élevé, est passé de 71 % en 2005 à 63 % en 2012. Grâce aux politiques avisées de la Banque centrale, le taux d’inflation, qui était de 53 % en 2009, a diminué de 3 % en 2012, puis de 1 % chaque année depuis lors. S’il est peu probable que le conflit à l’est prenne rapidement fin, les perspectives économiques du pays demeurent bonnes en dépit des craintes.