C’est quasiment fait ! L’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications en République démocratique du Congo (ARPTC) a levé l’option de résiliation de contrat avec Agilis Entreprise Telecom. Elle veut avoir les mains libres pour conclure un nouveau contrat de partenariat avec une firme experte en matière de lutte contre la fraude dans les télécommunications et réaliser des recettes proportionnelles aux flux de communication en RDC. C’est en tout cas le contenu de la correspondance qu’elle a adressée au président du
Sénat, Léon Kengo wa Dondo, en marge de l’examen du rapport de la loi de reddition des comptes du budget pour l’exercice 2015. Le désamour entre l’ARPTC et Agilis Entreprise Telecom est le fait de la maigre moisson récoltée par ce dernier au cours de l’exercice 2015.
Tenez : pour des assignations de 76 506 146 209 francs (CDF), l’ARPTC n’a pu engranger que 47 153 000 620 CDF, soit un taux de réalisation de 61,63 %. D’après les dirigeants de l’ARPTC, la contre-performance est due notamment à la fraude, à la minoration du temps de communication taxé sur base de la déclaration des opérateurs des télécommunications. Elle est aussi la conséquence, en ce qui concerne la taxe de régulation, de la taxation au prorata temporis de la date d’attribution du nombre des numéros standards aux opérateurs de télécommunication, ainsi que des difficultés économiques éprouvées par ces derniers. D’ailleurs, certains ont retourné les numéros excédentaires concernant la taxe de numérotation.
En novembre 2012, lorsque le gouvernement a accordé à la firme Agilis, présentée comme une firme franco-américaine, la prérogative de juguler la fraude téléphonique, le ministre des PT-NTIC de l’époque, Tryphon Kin-kiey Mulumba, a soutenu que le manque de contrôle du flux d’appels entrants occasionnait, chaque mois, une perte sèche de près de 12 millions de dollars au détriment du Trésor public. Alors que, le gouvernement a accordé, en contrepartie, à Agilis Telecom 0,03 dollars sur chaque minute d’appel entrant en RDC.
Près de 5 ans après, la moisson est plutôt maigre, selon l’Autorité de régulation. Comme résultat, Agilis Telecom n’est parvenu qu’à démanteler quatre réseaux de Sim Box alors qu’il en existe une centaine. Les assises des Concertations économiques de mars 2015, ont permis de découvrir le pot aux roses. En effet, deux de ces quatre réseaux de Sim Box étaient installés, l’un, à Ma Campagne et, l’autre, au quartier GB dans la commune de Ngaliema. Les deux autres l’étaient dans la commune de la Gombe, précisément au niveau de l’avenue Batetela et derrière l’Hôtel de ville de Kinshasa. Soupçonnés à l’époque de couvrir la fraude, les concessionnaires GSM s’en disent pourtant aussi victimes et déplorent qu’Agilis n’ait pu neutraliser que 2 % de ces réseaux mafieux consistant à transformer les appels longue distance venant de l’étranger en appels locaux.
Comme on peut s’en rendre compte, la fraude organisée a ainsi entraîné un important manque à gagner pour le Trésor public en ce qui concerne les taxes à payer. Des experts des télécommunications avancent deux raisons majeures pour expliquer l’inefficacité et la déficience d’Agelis Entreprise Telecom. D’abord, ils font remarquer que ses équipements ont du retard dans la détection des appels entrants. Ensuite, cette entreprise est victime des pesanteurs administrative et politique auxquelles sont souvent confrontés les opérateurs de télécoms. Pourtant, ces derniers assurent savoir où se trouvent ces Sim box, mais se disent incapables de les démanteler.
Boucher le coulage des recettes
Les concessionnaires GSM déclarent, off the record, que les réseaux maffieux bénéficient de la complicité de certains officiels congolais qui brassent ainsi frauduleusement des millions de dollars au détriment du Trésor public. Il est vrai que dans ce secteur, le gouvernement a longtemps soufflé le chaud et le froid, notamment en ce qui concerne l’installation d’un switch sous contrôle de l’opérateur public, la Société congolaise des poste et télécommunications (SCPT), ex-Office congolais des poste et télécommunications (OCPT), en vue de juguler la fraude manifeste sur les appels entrants pour lesquels l’État doit percevoir 0,05 dollars sur chaque minute d’appel.
Le Parlement s’en est mêlé. Logique ! Dans son speech lors de la rentrée parlementaire pour la session de mars 2015, le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, a fait part de « nombreuses requêtes et dénonciations » qui étaient parvenues à son bureau, notamment sur les PT&NTIC. Il avait exhorté les députés à « un contrôle systématique » du secteur des télécommunications et des nouvelles technologies. Mais quasiment deux ans après, pas même une simple question d’actualité n’appelant aucun débat n’a été posée au ministre concerné. C’est pourquoi, aujourd’hui, pour une mobilisation efficiente des recettes, l’ARPTC demande à l’État, outre la résiliation du contrat d’Agilis, de doter le service des équipements de contrôle des flux de communications, de lui (ARPTC) accorder l’acte générateur de recettes « amendes transactionnelles » pour taxer les manquements dans le secteur des télécommunications et de la poste, de lui restituer son autonomie financière pour lui permettre de faire face aux défis technologiques.
Avec, au moins 36 droits, taxes et redevances, les PT&NTIC constituent le second gros contributeur au budget de l’État, après le secteur des mines, en ce qui concerne les recettes non fiscales. L’apport des PT &NTIC au budget annuel de l’État se situe, en moyenne, autour de 12 %.